Crise : l’indiscipline grecque

Cocasse. Lire sous la plume du Français Edmont About, auteur de La Grèce contemporaine (1854), que le peuple grec est « le plus indiscipliné de la terre » ne manque pas de sel. La France, où la fraude fiscale est un sport et les paradis fiscaux la destination des profits, prépara l’admission dans l’Union européenne de la Grèce alors que Nicolas Sarkozy était d’abord aux affaires, puis président du RPR, avant de se solidariser avec la politique étrangère de Jacques Chirac. Aujourd’hui, il oublie de balayer devant sa porte.

Les Grecs « du dehors » (de la diaspora) et ceux « du dedans » avaient, aux yeux d’Edmont About, dont Le Temps (.ch) exhume son La Grèce contemporaine, une caractéristique commune : « on dit un Grec comme on dirait un filou de bonne compagnie. ». « Tous les moyens sont bons pour s’enrichir (…) celui qui s’est laissé prendre ne rougit que d’une chose : de s’être laissé prendre. ».
Eh, en 1854, ce n’est pas de Nicolas Sarkozy, ni des Français, qu’il s’agit, mais des Grecs.
Mais il décrit des subterfuges dignes de la vente de l’hippodrome de Compiègne par l’ex-ministre Éric Woerth…

Déjà, en 1835, la Grèce fut mise sous la coupe réglée des Bavarois, qui, sans doute comme les financiers allemands (et autres) à présent, s’y conduisirent comme en pays conquis et s’emparèrent de tout ce qu’ils pouvaient amasser.
Ils furent chassés.
Peut-être serait-il bon d’y songer…

D’un autre côté, confier à un gouvernement grec, toujours composé des liges des mêmes grandes familles, le soin de remettre de l’ordre, c’est comme de s’en remettre à Sarkozy, Woerth et consorts, le soin d’éradiquer les paradis fiscaux. La Grèce fut déjà mise sous tutelle en 1897, remémore l’historien Nicolas Bloudanis, dans Libération

C’est depuis quand, déjà, que les normes comptables ont été arrangées pour favoriser les évasions fiscales ? Et il ne faut pas désespérer l’État du Delaware et la City de Londres qui figurent, avec le Luxembourg, la Suisse et les îles Caïman dans les cinq premiers de la liste de l’Indice d’opacité financière (Financial secrecy index). L’Irlande suit, mais la Belgique, les Pays-Bas, Madeire (Portugal), Israel ne sont pas loin, avant Malte, si proche (géographiquement et non dans l’indice) de la Grèce.

Or donc, pour Le Temps, Charles Wyplosz, économiste, considère que « c’était plus important pour les responsables politiques de la zone euro de protéger leurs banques que de sauver la Grèce. ». Il ajoute, « je ne crois pas un seul instant » que les banquiers sont prêts à abandonner la moitié de leurs créances grecques : « il y aura forcément une compensation. ». Il n’accorde que peu de crédit aux déclarations de Nicolas Sarkozy et encore moins à sa capacité de les faire suivre d’effets lors du G20. Conclusion : « beaucoup d’angoisse et peu d’espoir. ».

En 1897, un autre Français, Georges Vayssié, estimait que, pour la Grèce, « la détresse économique est un effet, non une cause. La cause, c’est la détresse morale du pays… ». À partir de 2001, les banques européennes ont largement contribué à la détresse morale de la Grèce et de ses habitants.

Fortement incitée à engraisser un peu tout le monde en organisant les Jeux olympiques d’Athènes en 2004, la Grèce a été encouragée à vivre au-dessus de ses moyens. Les Grecs, eux, ont été sollicités pour s’endetter et consommer davantage : toutes les banques européennes ont fondu sur la Grèce. Mieux, les banques grecques, filiales ou non d’autres banques étrangères, se sont précipitées à jouer le même jeu dans les pays accédant plus tardivement à l’Union européenne. Elles ont créé des succursales partout, surtout dans les pays contraints de faire adopter à leur opinion le même type d’austérité qui est à présent préconisé en Grèce, mais aussi, de fait, en France.

La Grèce a été aussi incitée à se surarmer. Malheureusement, les investissements en armements génèrent des frais de fonctionnement. On l’a bien vu : la Grèce, faute de moyens, a fort peu participé à l’aventure libyenne. Aussi, sans doute, parce qu’elle s’est fort activée pour trouver un compromis avec Kadhafi, lequel promettait des aides financières sans doute plus importantes que celles que la Chine ou le Brésil vont dire consentir. Nicolas Sarkozy a tout fait pour saboter ces pourparlers, cette médiation.

La détresse morale grecque a bon dos. Elle a été alimentée par le cynisme des dirigeants et des financiers européens. BNP Paribas, Barclays, d’autres, ont localisé le quart de leurs filiales dans des paradis fiscaux, avec la complicité des banques centrales. Les îles Caïman sont la cinquième place financière mondiale. Les églises orthodoxes et les armateurs grecs ont eu toutes les facilités de la part des banques européennes pour placer leurs fonds hors de Grèce alors qu’ils échappent à l’impôt. Craignant une révision du régime fiscal, les nonnes et les popes bourrent les valises de billets ; les armateurs, eux, sont plus au fait des circuits financiers.

Mais comment les frapper en Grèce sans faire de même en France, Italie, et en d’autres pays ? Comment sanctionner les amis de la classe politique grecque et ne pas faire de même ailleurs ? Alors qu’il est tellement plus facile de faire cracher les salariés, les fonctionnaires, les retraités, les inactifs les moins bien lotis. Pour un pays comme la France dont la croissance dépend surtout de celle de quelques grandes entreprises et des produits financiers, il convient bien évidemment de la soutenir vaille que vaille en favorisant les mêmes, ceux qui échappent le plus aux taxes et à l’impôt.

Comme le confiait un pêcheur islandais à Michale Lewis, l’auteur de Boomerang, « il est plus facile pour un pêcheur d’apprendre à devenir trader que pour un banquier d’affaires d’apprendre à pêcher ». C’est peut-être ce pêcheur de morues devenu bankster qui a réussi à rouler dans la farine le chanteur Enrico Macias, ami de Nicolas Sarkozy. Complice du bankster, qu’il accuse désormais d’être un escroc, Enrico Macias avait gagé sa villa L’Accadia pour réaliser de plus gros profits. Bien sûr, sa villa ne sera pas saisie. C’est juste les appartements des Espagnols, des Grecs, des Roumains, ou des Français incités à investir dans des biens locatifs ne pouvant être loués, et dont ils ne peuvent rembourser les crédits, &c., qui le sont, saisis, expropriés. L’anecdote n’est pas si anodine. Au niveau européen, c’est ce qui se prépare. Enrico Macias pourra peut-être réinvestir, cette fois dans l’économie réelle : ce ne seront pas les entreprises en faillite mais pouvant dégager encore des profits pour leurs repreneurs qui manqueront.

Aujourd’hui, contre toute évidence, Nicolas Sarkozy promet, jure et crache, qu’il n’était pour rien dans l’adhésion de la Grèce à l’UE. Demain, il nous proclamera qu’il était, en son for intérieur, contre le traité de Maastricht qui a livré les États aux marchés financiers. Au fait, en tant qu’avocat d’affaires, Nicolas Sarkozy ne préconisait-il pas ce qu’il fait semblant de dénoncer aujourd’hui ?
Comment dit-on déjà « protecteur » en argot ? Ah, oui, maquereau.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

3 réflexions sur « Crise : l’indiscipline grecque »

  1. Tiens, on vient de retrouver 55 milliards d’euros dans les comptes de la banque allemande FMS qui avait fait faillite. « Rassurez-vous », ce n’est pas du vrai argent, juste des lignes de comptes.
    C’est quand même 5 % du budget fédéral allemand.
    Mais bah, une paille.
    Elles sont si bien gérées, les banques, allemandes comprises, que tout est possible.

  2. CRISE LA DISCIPLINE CHINOISE !!!:
    « M. Dupont-Aignan a accusé l’ancien premier ministre UMP Jean-Pierre Raffarin
    de s’être livré à un [b] »exercice de collaboration »[/b] avec la Chine, pour avoir plaidé la cause de Pékin dans un entretien au Journal du Dimanche. « Nous n’avons pas le choix. Nous ne pouvons pas rester seuls avec une dette à laquelle nous ne pouvons faire face », avait notamment déclaré Jean-Pierre Raffarin.

    « Une fois que la Chine aura mis l’argent, est-ce que vous croyez que nous pourrons mettre en place un protectionnisme minimum pour défendre nos industries, nos emplois, nos ouvriers ? » a demandé Nicolas Dupont-Aignan. Pour lui, « il faut résister, ne pas se coucher devant la Chine », ce qui signifie « pas qu’il ne faut pas nouer des partenariats » avec ce pays. »
    [url]http://www.lemonde.fr/politique/article/2011/10/30/l-aide-de-la-chine-a-la-zone-euro-de-l-argent-sale-pour-dupont-aignan_1596202_823448.html#xtor=AL-32280515[/url]

  3. ZORROZY met les mains dans l’cammbouis !!!:
    [b] »la Chine a de l’argent et bien moi je prends l’argent ».
    « Ca veut dire que quand il y a de l’argent sale on le prend »[/b]

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