C’est avec beaucoup de passion que le Cameroun suit depuis novembre dernier l’évolution de la crise ivoirienne. Petit comme grand, homme comme femme, intellectuel comme analphabète, tout le monde trouvait à dire. Et dans la quasi-totalité des cas, on soutenait mordicus que Laurent Gbagbo est le réel président ivoirien.  Pour ces derniers, Alassane Ouattara ne serait qu’une marionnette à la solde des intérêts occidentaux et français principalement. Depuis quelques jours, avec la tournure qu’ont pris les choses, il se lisait sur le visage de nombreux camerounais beaucoup de crainte ; même si certains faisait jusque là preuve de beaucoup d’optimisme. L’annonce ce lundi 11 Avril 2011 de l’arrestation de Laurent Gbagbo par les troupes ouattaristes a sonné aux oreilles de nombreux camerounais comme   une victoire de Goliath contre David. C’est ainsi que dans les rues et même les points chauds de Yaoundé la capitale, la déception était à son comble.

Nous sommes au carrefour vogt – mbi (quartier populaire de Yaoundé), il est environ quatorze heures (heure locale); non loin de la chapelle, devant un kiosque à journaux ; comme à leur habitude, de nombreux camerounais lisent les titres de la presse ; ici, ce qui fait majoritairement la une de presque tous les quotidiens est la modification apportée samedi dernier à la loi portant organisation de  Election Cameroon (ELECAM) par l’assemblée nationale en session extraordinaire. Les commentaires vont dans tous les sens ; puis, soudain, un jeune homme arrive sur le lieu avec une information fraiche et précieuse : « … les français on enfin eu Gbagbo ! » martèle – t – il d’un ton triste. Tout le monde se tourne vers lui et lui pose tous ensemble : on a tué Gbagbo ? non, dit – il avant de poursuivre « on l’a attrapé chez lui ainsi que sa femme ».

Tout le monde se disperse ; chacun voulant se rapprocher d’un poste téléviseur ou d’un poste radio afin de mieux s’informer. Ici, à l’exception des medias internationaux (RFI, France 24 principalement) les radios et télévisions locales n’en parlent pas encore. Même au très mythique journal de 17 heures sur la CRTV (radio télévision nationale camerounaise), on n’en a pas fait allusion.

Dans les taxis, bus de transport en commun, le débat est houleux ; tous ou presque s’accorde sans aucune preuve sur le fait que Gbagbo doit sa chute à la France. Certains y vont plus loin en lançant des avertissements à Sarkozy ; surtout quand l’on sait que cette année 2011 est une année électorale au Cameroun. Même des lycéens de retour des classes en font un sujet très passionnant. Dans tous les carrefours, presque tout le monde a à dire sur cette affaire. En général, contrairement aux autres jours de la semaine, c’est une soirée presque glaciale. On se demande bien quel sort réservera Ouattara au nationaliste Gbagbo.

Les camerounais dans leur immense majorité ont très mal perçues la chute de Gbagbo ; plus loin, l’intervention de la France aux côté des FRCI leur a davantage choqué. Même les démentis de Sidiki Konaté (porte parole de Guillaume Soro) et des autorités françaises dans la soirée n’ont pas suffit, pour innocenter la France dans cette affaire.