Pas besoin d’être d’accord avec eux pour lire les critiques de web 2.0. Je ne conçois pas d’analyse qui ne leur ferait pas une place. J’ai donc entrepris de passer en revue les plus pertinents avec l’envie d’apprendre quelque chose. Ça me prendra plusieurs jours et j’espère qu’au bout du compte nous y verrons, ensemble, plus clair. Je fais ceci dans le cadre de la préparation de mon bouquin sur web 2.0 et certaines de ces critiques ne datent pas d’hier.
L’attaque de Jaron Lanier, inventeur de la réalité virtuelle, a fait beaucoup de bruit, en raison de la personnalité de l’auteur sans doute, mais aussi parce qu’il s’en prend à ce qu’il qualifie de résurgence du collectivisme, baptisée par lui “digital maoism “.
Nous sommes victimes, selon lui, de “la résurgence d’une idée selon laquelle le collectif est le summum de la sagesse”. A preuve le fait que les partisans des wikis sont convaincus que tous les problèmes qui surgissent sur un wiki seront corrigés par le simple déroulement du processus. Lanier compare ça à la foi de ceux qui croient que le sacro saint marché règlera tous les maux du monde ou aux gauchistes qui croient tout pouvoir régler au moyen de discussions. Il n’apprécie guère l’anonymat de Wikipedia et lui reproche que presque tout ce qui s’y trouve existe déjà ailleurs sur le web.
Ça le conduit à critiquer une certaine tendance à “retirer l’odeur des gens de façon à se rapprocher autant que possible d’une simulation dans laquelle on aurait l’impression que le contenu émergerait du web comme s’il était proféré par un oracle surnaturel. C’est là que l’usage de l’internet se transforme en illusion.” Et la dangereuse pensée unique (il utilise l’expression “hive mind“, littéralement, l’esprit de ruche).
Il touche juste quand il dit que:
“La beauté de l’internet c’est qu’il connecte les gens. La valeur se trouve dans les autres. Si nous commençons à croire que l’internet lui-même est une entité qui a quelque chose à dire, nous dévaluons ces autres et nous nous réduisons au rang d’idiots”.
Et je dois reconnaître qu’il me force à réfléchir deux fois quand il pourquoi la notion de collectif est à la mode dans les grandes organisations.
“Si le principe est correct, alors les individus ne devraient pas être requis de prendre risques ou responsabilités.” En ces temps d’incertitudes et de procès tous azimuts, “tout individu qui a peur de se tromper à l’intérieur de son organisation est à l’abri quand il se cache derrière un wiki ou tout autre rituel de méta agrégation”.
Lanier est beaucoup trop intelligent pour ne pas savoir qu’il exagère et pour ne pas s’en amuser. Il prend ses précautions – “The collective isn’t always stupid”, prend il le soin de dire – avant de s’enfoncer (ou de s’envoler?) dans des généralités difficiles à critiquer du genre: “L’équilibre d’influence entre les gens et les collectifs est au cœur de la façon dont sont conçues démocraties et communautés scientifiques […]”.
Et, dans le fond, nous devrions peut-être réfléchir à son affirmation selon laquelle “l’illusion que ce que nous avons est déjà presque bon ou que c’est vivant et que ça se réparera tout seul est la plus dangereuse de toutes les illusions. En évident cette baliverne il devrait être possible de trouver des façons à la fois humanistes et pratiques de maximiser la valeur du collectif sur le web sans nous transformer en imbéciles.” Mais il ressort vite son drapeau en ajoutant aussitôt après: “le meilleur principe directeur est toujours de préférer les individus”.
Les commentaires à son article n’ont pas manqué de critiques justes notamment sa forte propension à l’amalgame, entre American Idol et Wikipedia par exemple, ce qui l’empêche d’aller loin.
Je trouve dommage que ses à priori idéologiques l’empêchent de voir le bouleversement en cours dans les rapports entre individus et groupes. Les réseaux, leur mode de fonctionnement et leur efficacité accrue, changent substantiellement cette donne là et nous devons apprendre à faire la place à des formes nouvelles de collectifs.
Clay Shirky le dit for bien:
The changes we are discussing here are fundamental. The personal computer produced an incredible increase in the creative autonomy of the individual. The internet has made group forming ridiculously easy. Since social life involves a tension between individual freedom and group participation, the changes wrought by computers and networks are therefore in tension. To have a discussion about the plusses and minuses of various forms of group action, though, is going to require discussing the current tools and services as they exist, rather than discussing their caricatures or simply wishing that they would disappear.
Vous en dites quoi de cette analyse?
Et surtout, n’hésitez pas à me signaler d’autres critiques que vous jugez pertinents.
Je suis en train de lire le livre d’Andrew Keen – The Cult of the Amateur -. J’en parlerai bientôt.