Il y a des audiences qui, comme le survol quotidien des avions de l’Otan sur la Libye, tournent en rond (voire ne tournent pas du tout rond). Ainsi de celles de l’après-midi de mercredi et d’hier jeudi. Passé de la barre – où il s’entendit écarter sa question préalable de constitutionnalité visant à renvoyer tout le monde devant la Cour de Justice – au banc de presse, Jacques Bidalou, magistrat honoraire (deux fois révoqué, à présent retraité), me glisse à l’oreille : « tout cela, c’est de l’enfumage ! ». On voit l’effet des fumigènes, en revanche, les détonations, soit les petites phrases, sont rares, et c’est longuet… Bourbeuse Clearstream II…
Je viens de consulter le compte rendu d’audience de Michel Deléan pour Médiapart. C’est conforme à mes propres notes, avec une omission qui s’explique (l’Internet est peu coûteux en papier ou temps d’antenne, mais on ne va pas vous infliger un verbatim de six heures de débats). De Villepin a bien mis en cause MAM, mais aussi Bercy et « voire le Garde des Sceaux ». Mais Deléan a sauté la mise en cause des services : « qu’on dit aux ministres de la Défense et des Finances leurs services, la DGSE et le Trésor ? Ont-ils rendu compte au Premier ministre ? ». Or, quand on voit l’attitude du brillant « maître espion » (selon la presse) Rondot, il est permis de se demande si les services dans leur ensemble ne sont pas à son image. Aussi cauteleux, timorés, circonspects, soucieux de refiler le boulot au voisin, que lui-même.
Or donc, de Villepin s’est bien dit « condamné d’avance » par les juges Huy et Pons (magistrats instructeurs), et comme le rapporte Michel Deléan, « montré du doigt, et la trace du doigt est restée imprimée sur ma personne pendant six ans ! ». Il manque évidemment le « seul » (de montré seul…) que Villepin avait auparavant explicité dans une phrase moins susceptible de fournir une chute à un article. Et manque aussi ce « nous sommes dans un État de Droit ! » qui vaut réfutation de la seule présence de Rondot et Villepin, sans qu’on se soit empressé de faire comparaître d’autres directeurs de services et d’autres ministres, se contentant d’évoquer des notes (de la DGSE, sous direction de MAM, sans date ni destinataire, plutôt anodines).
Reprenons depuis mercredi après-midi, avec cette déclaration de Rondot : « si on devait déléguer toutes ces histoires floues gonflées par la presse à la Justice, les tribunaux seraient débordés ! ». Rigolo après le Woerthgate, les multiples saisines pour insultes au chef de l’État, les affaires dérisoires montées en épingle par l’Élysée, qui auront fini par encombrer les tribunaux. Là, il s’agit quand même aussi de l’affaire Clearstream I, de blanchiment d’argent, d’évasion fiscale, &c., car tous les noms, tous les plus de 30 000 noms et lignes de comptes des listings ne sont pas tous et toutes fantaisistes.
En tout et pour tout ou presque, qu’a fait au juste le général Rondot ? Un sondage sur quelques comptes suisses que les autorités suisses lui affirment inexistants. Et il signale que la DGSE est totalement incapable de s’immiscer dans le secret bancaire hors des frontières (voire même à l’intérieur). On ne peut évidemment pas hurler à l’espionite visant les simples citoyens et s’en insurger, mais Clearstream valait bien autant d’efforts que la recherche du voleur du scooter d’un fils Sarkozy, non ?
Mais le juge Van Ruymbeke a reçu des documents d’origine Lahoud. Dès lors, Rondot, de Villepin, Bercy, la Défense, leurs services, s’en lavent les mains. On se « dégage » de l’affaire. Tous les services ? Tous les départements de ces mêmes services dont les directeurs s’inquiètent de leurs promotions et de savoir qui pourra, passée l’élection présidentielle, favoriser leurs carrières ? Il faut croire le général Rondot sur parole. D’ailleurs, il ne cesse de se draper dans son honneur, refuse de répondre aux questions inconvenantes, admet cependant avoir « traité directement » la source qu’est Lahoud. Traitement bien superficiel ! Au prétexte que Lahoud pourrait aider à traquer des criminels de guerre dans les Balkans, mission à laquelle le général doit encore de rester conseiller ministériel, il faut garder cette source sous le coude. Pas au point, lorsque Lahoud est mis en garde à vue pour une histoire d’escroquerie visant un magazine de golf, de s’agiter outre mesure. Il est urgent d’attendre que cela se solutionne de soi-même et si de Villepin est mis au courant, il répond ce qu’un ministre des Affaires étrangères adresse à un ambassadeur lui signalant que le pays est à feu et à sang : « faites pour le mieux ! ». Parfois, on en vient à envier les Belges privés de gouvernement depuis une bonne année mais dont les forces aériennes n’en participent pas moins aux opérations de l’Otan en Libye. Le fort lourd, fort lent, fort précautionneux « appareil d’État » sait s’agiter à la demande ou faire traîner les choses en longueur au gré des injonctions (qui viennent ou pas, et là, sont supposées n’être jamais venues de la Défense, des Finances, de la Chancellerie), ou selon les propres humeurs ou intérêts personnels présumés de tel ou tel directeur, général, haut fonctionnaire, membre de cabinet ministériel.
Alors, on reformule sans fin les questions et Rondot et de Villepin, qui s’accrochent sur des points de détail, mais surtout pas sur le fond, reformulent les mêmes réponses. Le « maître espion » n’a aucune compétence en matière financière ou politique, cela le dépasse, il fait le mort. En revanche, on s’agite encore lorsqu’il est question du « compte japonais » de Jacques Chirac. Comme quoi on sait mettre des coups d’accélérateur et lever le pied au gré des circonstances. Là, quand Gergorin fait des pieds et des mains pour savoir si Alain Gomez, ex-Pdg de Thomson, est ou non « lié à la mafia russe et colombienne », ce que, selon lui, Lahoud lui indique, pas d’urgence, qu’il se débrouille. L’histoire semble douteuse, mais pas question pour Rondot de déciller définitivement les yeux de Gergorin. Inertie, encroutement, démarches outrepassant le cadre de fonctions qui, au gré des vents ou occasions, s’élargissent ou se confinent à presque rien.
Certaines affaires, telle la garde à vue de Lahoud, se règlent toutes seules, « comme souvent ».
On a tenté de revenir sur le fameux « journal de marche » du général, et de ce qu’il en a subsisté, soit, selon ses propres dires, « une sélection ». On le presse, un coup « il n’a rien détruit », un autre, la version semble varier, mais il coupe court : « J’arrête là, car j’estime que cela suffit ! » : le général remonte dans ses étoiles, il ne répondra plus. D’ailleurs, personne, ni lui, ni de Villepin, ne comprend vraiment pourquoi « on » veut les faire à tout prix apparaître dans cette affaire. Et pour de Villepin, « sans la pression que fait monter Nicolas Sarkozy », l’épisode serait resté finalement anodin.
Eh oui, un « scandale international concernant une chambre de compensation » n’intéresse plus personne, et on laisse enfler la rumeur que Chirac et de Villepin se sont maladroitement enferrés à tenter de mettre en cause Nicolas Sarkozy dans une présumée affaire d’évasion fiscale. Bref, on attend de voir si on aura ou non des chances d’être repris dans le gouvernement du futur premier ministre qui pourrait être désigné par Nicolas Sarkozy. Ou on s’interroge sur ses chances d’être promu dans la hiérarchie de tel ou tel ministère. L’avenir se ménage.
Pour le reste, par la suite, depuis 2007, on fait bien maintes déclarations sur les histoires de blanchiment d’argent sale, ont aussi été mises en avant des actions de lutte contre l’évasion fiscale, avec les résultats que l’on constate.
L’enfumage des uns et des autres mobilise beaucoup de gendarmes à se relayer dans et aux abords de la salle d’audience (au cas où un contribuable excédé en viendrait à péter les plombs, faire du barouf ou pire), préoccupe très longuement des magistrats (clôture de l’audience prévue le 26), ce qui retarde d’autant le traitement de dossiers sans doute bien plus cruciaux et urgents.
Dominique de Villepin serait éventuellement « complice par abstention » (de réfutation d’une possible dénonciation calomnieuse de membres de la famille Sarkozy de Nagy Bocsa, que Nicolas Sarkozy prend pour lui). Une chose est irréfutable : sauf si ma mémoire est défaillante, je ne me pense pas que Bercy, fort d’une enquête approfondie sur l’ensemble des membres, père, mère, frères, demi-frères et famille Sarkozy élargie, ait jamais communiqué sur l’absurdité totale d’une hypothèse fallacieuse. Et tant que Lahoud ne dira pas s’il a agi de son propre chef ou s’il a reçu des instructions, et de qui au juste réellement, par quel canal, direct ou dissimulé, nébuleux, le doute semble devoir profiter à ses co-accusés.
Coucou !
La clé de l’histoire dans ses prémices, en 1994.
Et gaffe aux noires fumées provenant du NPA !
Elles envahissent même les tribunaux.
« LE-MENSSONGE-EST-REALITE-DU-POLITIQUES-ET-DES-SOCIETE-DE-DROITS-…la veritée n’est jamais pris en contre,et n’est pas un gage de valeur…