Chronique de la violence ordinaire…

A la façon qu’il a de tourner la clé dans la serrure, elle sait qu’il n’est pas dans son état normal. Il a encore bu ce soir. Inconsciemment, elle se recroqueville pour prendre le moins de place possible. Si elle pouvait, elle deviendrait invisible..

Mais, les pas de son mari résonnent dans sa tête. Elle sait déjà ce qui va arriver. Cela fait plusieurs années qu’elle subit ce calvaire. Le repas est sur la table. Elle espère que cela sera à son goût cette fois-ci. Car, si, par malheur, il n’appréciait pas ce qu’il y avait sur la table, il pouvait tout renverser au sol… .

Le voilà face à elle. Il a l’oeil mauvais. Son haleine empeste. Elle se sent perdue. Tel un animal en danger, elle jette des regards affolés autour d’elle. Elle sait que personne ne pourra lui venir en aide. Elle sait qu’il va encore lui hurler dessus, qu’il va la frapper. Elle ne comprend pas la raison de cette haine et de cette violence. Elle ne fait que serrer les dents et attendre que ça passe..

Son mari n’est pas toujours comme ça. Après chaque correction, il sait se faire pardonner. Il sait lui témoigner de l’amour. Alors, elle se remet à espérer. Elle espère, à chaque fois que cela sera la dernière fois qu’il la maltraite. 

Mais, cette nuit-là, il semble déchainé, comme possédé. Il la roue de coups en l’insultant de tous les noms. Il ne semble plus entendre ses cris ni ses pleurs. Il lui dit des choses horribles et elle se sent salie au plus profond d’elle-même.

Alors, elle se recroqueville davantage sur elle-même. Ses voisins entendent ses cris mais ne réagissent pas. Après tout, cela fait plusieurs années que ces deux-là se crêpent le chignon tous les soirs. On ne va pas en faire un plat.

Et c’est ainsi que durant cette douce nuit d’été, une femme vient de succomber sous les coups de son conjoint et ceci, quasiment au vu et au su de tous ses voisins.