Reprise en boucle par tous les médias, sans aucune distance critique ni pondération, la nouvelle est à la Une : le chômage a baissé au premier trimestre 2008 pour atteindre 7,2% en métropole (7,5% avec les départements d’outre-mer), soit le taux le plus bas depuis vingt-cinq ans, d’après l’INSEE. La majorité profite de l’aubaine pour se réjouir.
"C’est un succès important. C’est le meilleur chiffre depuis 25 ans, ça prouve que la stratégie retenue est la bonne", déclare Nicolas Sarkozy, qui ajoute : "mais il ne faut surtout pas s’arrêter à cela. Il ne faut faire aucune autosatisfaction, il faut continuer jusqu’à ce que nous ayons le plein emploi" (environ 5%). Il semble que le président n’ai pas été entendu concernant l’autosatisfaction par un Patrick Devedjian qui moque les socialistes : "Je comprends que ce soit douloureux pour eux que nous obtenions de tels succès parce que finalement le niveau du chômage atteint ce qu’il était il y a 25 ans", exulte le secrétaire général de l’UMP. S’il persifle ainsi – sans bien sûr répondre sur le fond -, c’est que les secrétaires nationaux du PS à l’économie et à la fiscalité, Michel Sapin, et aux entreprises, Alain Vidalies, remettent les pendules à l’heure dans un communiqué percutant : "Incontestablement, la baisse administrative du chômage n’est due qu’aux effets mécaniques de l’évolution de la démographie et au recours de plus en plus massif aux contrats précaires". Aussi dénoncent-ils un "exercice de communication" visant à faire oublier la réalité des faits, qu’ils se font un plaisir de rétablir : "le nombre des inscriptions à l’ANPE en catégorie 1 (personnes à la recherche d’un CDI à temps plein) au cours du premier trimestre a augmenté de 4,1% par rapport aux trois mois précédents, alors que les sorties n’ont augmenté que de 0,7%. Les entrées liées à un licenciement économique ont augmenté (+2%), ainsi que celles faisant suite à un licenciement autre qu’économique (+5,2%). Au nombre des sorties de l’ANPE, ce sont surtout les entrées en stage qui augmentent au cours du premier trimestre (+3,2%), ainsi que celles liées au développement d’emplois de service précaires, à temps très partiel et mal rémunérés. Comment le gouvernement peut-il se targuer de bons chiffres alors que l’industrie française continue de perdre des emplois (-0,4% sur le dernier trimestre et -1,2% sur un an), et que la France se situe toujours à la traîne des pays de la zone euro sur le front de l’emploi ?" Bonne question.
Reprenons leurs arguments point par point. Sapin (photo de gauche) et Vidalies commencent par pointer les "effets mécaniques de l’évolution de la démographie" ? Ils ont raison : le départ à la retraite de "papy boomers" fait automatiquement baisser le taux de 1,1%. La population active n’augmente plus que de 50 000 personnes par an, alors qu’elle croissait de 250 000 en 1983. Comparer ainsi les deux périodes et se féliciter du meilleur résultat depuis 25 ans, comme le font le grand manipulateur de l’Élysée et "tête à claques" Devedjian, est donc parfaitement absurde – et de mauvaise foi. Ce qui n’étonne guère de la part de ces personnages. Nos experts socialistes pointent ensuite l’augmentation des inscriptions à l’ANPE de 4,1%. Comment diable ce chiffre est-il compatible avec une baisse du chômage ? C’est que l’INSEE ne se base pas sur les chiffres de l’ANPE ! Je vous sens soudain abasourdi, ami Plumonaute : comment l’Institut parvient-il alors à conclure à une baisse du chômage ? Les Échos nous livrent l’explication : "l’INSEE procède par sondage et recherche les personnes n’ayant jamais travaillé, ne serait-ce qu’une heure, au cours de la semaine de référence. Les chômeurs doivent également témoigner d’une recherche « active » d’emploi. Ce n’est pas le cas de l’ANPE, qui ne recense que les personnes inscrites dans ses fichiers, dès lors qu’elles ont travaillé moins de 78 heures au cours du dernier mois." D’où cette étonnante distorsion : l’ANPE dénombre au premier trimestre une augmentation de 7700 chômeurs quand l’INSEE en compte… 77 000 en moins ! Un grand écart à s’en déchirer les adducteurs.
"La France se situe toujours à la traîne des pays de la zone euro sur le front de l’emploi", poursuivent nos duettistes socialistes. Ils touchent juste, là encore : notre pays demeure 0,7 point au-dessus de la moyenne européenne comptabilisée par Eurostat (7,8% contre 7,1%). Quant à leur affirmation que "l’action du gouvernement n’est pour rien dans la baisse du chômage, qui n’est que statistique", que leur répondent la ministre de l’Économie, Christine Lagarde, et Laurent Wauquiez, secrétaire d’État à l’Emploi ? Soufflant dans leur pipeau, ils protestent des efforts consentis "pour libérer le travail, moderniser le service public de l’emploi et soutenir la compétitivité des entreprises" : on cherchera vainement dans ce discours langue-de-bois la trace d’une réforme concrète pouvant avoir abouti directement à faire baisser le chômage ! "Au nombre des sorties de l’ANPE, ce sont surtout les entrées en stage qui augmentent au cours du premier trimestre (+3,2%), ainsi que celles liées au développement d’emplois de service précaires, à temps très partiel et mal rémunérés", assènent Sapin et Vidalies, en guise de coup de grâce. Il suffit de se pencher de plus près sur la note de l’INSEE pour se persuader de la véracité de cette assertion.
C’est exactement ce qu’a fait le quotidien régional breton Le Télégramme dans son excellent article intitulé Une décrue alimentée par le sous-emploi : "Le chômage diminue, le sous-emploi augmente. Le constat de l’INSEE sur le premier trimestre 2008 montre que si les statistiques officielles chutent de 1,2 point en un an, c’est en grande partie parce que de plus en plus de demandeurs d’emploi retrouvent une activité réduite peu rémunérée. Moins de chômeurs, plus de travailleurs pauvres. La notion de sous-emploi au sens du Bureau international du Travail (BIT) apparaît pour la première fois en France. Elle désigne les personnes qui ont un emploi à temps partiel et ne sont donc plus inscrites à l’ANPE. Mais elles ne travaillent que 11 à 12 heures par semaine, soit un tiers-temps, pour des salaires de 300 euros. Ce sont surtout des emplois de services à la personne, naguère appelés « petits boulots ». Cette nouvelle réalité du marché du travail apparaît en page 5 de la note de l’INSEE : on y voit la courbe du sous-emploi monter à partir de 2006, depuis que la courbe du chômage baisse. Dans cette même note, page 3, la chute la plus importante du chômage officiel est observée chez les femmes de 15 à 24 ans : – 5,4% en un an. C’est la catégorie la plus concernée par les emplois de proximité, avec celle des jeunes hommes de 15 à 24 ans (- 2,7% en un an). Ces « non-chômeurs en situation de sous-emploi » ne peuvent améliorer leur situation financière qu’en accroissant leur temps de travail, c’est-à-dire en multipliant le nombre de leurs employeurs. C’est ce qui se passe aux États-Unis et c’est de cette manière que Tony Blair a fait baisser le taux de chômage britannique. En Allemagne, où le chômage diminue de manière spectaculaire, la part de la population menacée de pauvreté est passée de 18,9% à 25% en six ans. La France, l’Espagne et l’Italie suivent le même chemin : aggravation des inégalités salariales parce que des personnes exclues jusqu’ici du marché du travail obtiennent des emplois peu qualifiés. Selon le ministère de l’Emploi, plus d’un million de salariés ont besoin de travailler davantage pour vivre décemment. L’INSEE évalue ces travailleurs pauvres à 4,4% des salariés qui ont un emploi."
Après avoir lu cette lumineuse analyse, on ne peut que se scandaliser d’entendre Wauquiez, qui qualifie la baisse du chômage de "changement historique" – pas d’autosatisfaction a dit le président ! – prétendre avec son sourire de jeune premier qu’elle s’est produite "sans qu’augmente la précarité". Gagner 300 euros par mois, ce ne serait donc pas de la précarité ?
Comment conclure sans évoquer enfin tous les procédés administratifs mis systématiquement en œuvre pour radier le plus grand nombre de chômeurs possible et les faire ainsi disparaître artificiellement des chiffres ? Une réalité incontestable, là encore : "les reprises d’activité ne représentent qu’un quart des motifs de sortie des statistiques", nous enseigne la dernière phrase de l’article du Télégramme. Autrement dit, trois chômeurs sur quatre de ceux qui cessent officiellement de l’être n’a pas retrouvé d’emploi. Alors, avec tout ça, leur prétendue baisse du chômage…
PS : Le logo détourné de l’ANPE (Abaisser Neutraliser Parquer Eliminer) est une création du blog timeo danaos et dona ferentes.
Olivier Bonnet est journaliste indépendant, blogueur de Plume de presse et auteur de Sarkozy, la grande manipulation (Editions Les points sur les i, mai 2008).
du pipeau…
bien l’article !
« le chômage a baissé… »
c’est n’importe quoi. Je dirais plutôt que ce sont plutôt les gens qui ont baissé…
mais les gens, les chiffreux ne savent pas ce que c’est !
Merci 🙂
Beaucoup ne sont pas dupes, observant dans leur entourage que cette « baisse du chômage » est fausse et ressort de la propagande, mais combien d’autres gens y croient !
Il n’y a pas de recettes miracles!!!
Bonjour Cat LEF,OLIVIER.
Le chômage baisse,les chiffres sont là!!!Voilà une chose qui me fait marrer.D’avantage de gens dans des situations précaires.L’emploi à muté vers d’avantage de flexibilité et de temps partiels…
Depuis 2006,il y a une décélération du nombres de demandeurs d’emplois,mais cela n’a pas durer.
3 coups de freins a l’emploi,l’intérim est de moins en moins porteur.
Retournement de l’immobilier,donc reste a craindre une décélération des embauches du B.T.P.
Problématique de délocalisation .
Donc on constate que cette année 2008 sera moins fructueuse,fallait pas rêver!!D’après l’insee,il y a 2,6 millions de chromistes contre 2,9 millions un an auparavant?!?!
Tout ces chiffres comme bien souvent ,on peut les arrangés a sa sauce!!!
Il n’y a pas besoin d’être a l’insee ou a l’anpe pour se rendre compte que c’est n’importe quoi.Le chômage dans l’hexagone est très loin d’être enrayé,des emplois précaires,intérim et cdd,j’en vois tous les jours dans ma boutique de négriers!!!
Ou et quand font’ils leurs sondages??? Alors,on fait miroiter les gens en cdd et cela traine pourtant dans certain secteur comme celui ou j’exerce nous avons besoin de main d’œuvres.C’est lamentable,LE BÉNÉFICE il n’y a que cela qui rentre en ligne de comptes.
Bye a vous et a plus
peu d’adeptes pour la baisse du chômage.
il faut avouer que ça peut encore plus déprimer tous les chômeurs et les travailleurs au rabais cette super nouvelle !
hum…, en plus, ce n’est d’ailleurs pas le chômage qui baisse qui va faire fluctuer ce soit-disant… comment… déjà… ah oui « changement historique »
quel gros mot !
je n’avais pas bien tout lu, on ne lit jamais assez bien tout
ouf ! c’est fait
ça doit être du « f…..e de g….e »… et remarquez-bien, que moi, je reste polie !
il est vrai que l’histoire, ai-je lu quelque part, comme tout, nous échappe complètement, à nous les hommes, ces demeurés ! 😮
Les Chômeurs ?
Bonsoir a tous encore un très bon article Olivier Bonnet,le « vrai » chaumage tout ceux qui
suive de prêt le save est de aux moins 5 millions de personnes!
Dans ses personnes je compte tout ceux qui ne travail au minimum 35 heurs.
parmi ses personnes qui sont rémunérés au planché il y a ceux qui ne vont plus aller au
travail par manque de moyen pour faire leur plein du réservoir !
Il n’y a pas un jour dans le mois où ont ne constate une ou plusieurs fermeture d’entreprise,et si le racket des taxes sur l’énergie continue ,ont va voir le nombre d’entreprises qui va fermer Nous somme gouverné par le Lucifer Trust. >:(
Ce qui est désespérant, c’est la situation de tas de gens de plus en plus intenable, et ce gouvernement qui fait mine que tout va bien. Le contraste est insupportable !
eh bien, Laury, RéactionPascal, Olivier, finalement…
pensez-vous que nous ne soyons que 4 à penser que la baisse des chiffres du chômage ne serait qu’un trompe-l’oeil ?
😉
non, cinq… 😉
+ 1, donc… merci Jimini
zut ! je deviens chiffreuse… c’est grave comme symptômes ?
je venais juste vérifier que les chiffres du chômage étaient bien toujours en trompe-l’oeil
😉