Gustavo Márquez, ambassadeur du Venezuela en Colombie, a affirmé que nous étions dans une situation de guerre imminente, mais que si son pays se préparait c’était uniquement pour faire face à un projet d’invasion de la part des États-Unis, paroles confirmées par le président Hugo Chavez qui, de son côté, annonçait qu’il avait pu obtenir des informations secrètes concernant les plans d’agression des États-Unis et de la Colombie contre le Venezuela.

Quelques heures plus tard, le mandataire vénézuélien refusait l’offre du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva de servir comme médiateur entre lui et le président Uribe. « Nous n’accepterons aucune médiation », a souligné Hugo Chavez avant de répondre en ces termes à la proposition des États-Unis d’organiser une rencontre entre les deux présidents : « il n’y a rien à discuter, quand il s’agit de notre souveraineté nationale, il n’y a rien à discuter, nous ne discuterons pas ! »

Peu après, ayant appris que le président colombien Alvarado Uribe souhaitait le rencontrer pour rétablir le dialogue, le président Chavez a éclaté : « Je n’ai rien à dire aux mafieux d’Uribe, nous avons fait preuve de suffisamment de patience ! Même le roi d’Espagne pourrait me le demander, même tous les présidents amis du Venezuela, je ne parlerai pas à Uribe, je leur répondrai qu’il n’y a pas de dialogue possible avec Uribe, que je n’ai rien à dire à un gouvernement qui trahit ».

Pendant ce temps, plusieurs sources, dont la présidence du Venezuela, confirmaient le déploiement d’une trentaine de blindés à 50 km de la frontière colombienne et assuraient que la mobilisation "défensive" se poursuivait.

La Colombie prend les menaces du président Chavez très au sérieux, estimant que c’est la première fois depuis soixante-dix ans que le pays est aussi proche d’un conflit.

Le président Chavez est en effet un militaire d’expérience, et son indice de popularité a fortement baissé ces derniers temps, proportionnellement aux problèmes de distribution d’eau et d’électricité, au développement du crime organisé, à la contraction de l’économie vénézuélienne, et à l’inflation galopante, tous éléments qui pourraient pousser le mandataire à commettre un geste désespéré pour rétablir son blason.

Les analystes relèvent aussi le renforcement du potentiel militaire du Venezuela qui depuis 2003 est le pays d’Amérique latine qui a le plus augmenté son budget militaire. Celui-ci a atteint en 2007 les 2,57 milliards de dollars, soit une augmentation de 78 %.

Depuis l’interdiction prononcée par les États-Unis de vendre des armes au Venezuela, les premiers exportateurs d’armes vers ce pays sont la Russie, l’Iran, la Chine, Israël, mais également l’Europe avec, par ordre d’importance, la Belgique, l’Autriche, l’Espagne et enfin la France.

On sait par exemple que le Venezuela a acheté à la Russie 92 chars de type T-72, un système de missiles antiaérien S300, 24 chasseurs de combat Sukhoi, 40 hélicoptères MIL Mi-35, cent mille fusils d’assaut AK47 (Kalachnikov), des munitions et bien d’autres armes encore.

À l’Espagne, le Venezuela a acheté 10 avions de transport de troupes et huit vaisseaux patrouilleurs, contrat que les États-Unis ont vainement tenté de faire capoter.

Comme on le voit, Chavez s’est armé jusqu’aux dents alors que l’économie de son pays plongeait rapidement vers le rouge. De plus, comme il ne suffit pas de posséder l’armement, mais que le savoir-faire militaire est également indispensable, faut-il rappeler que la France et le Venezuela ont signé des accords de coopération militaire ? La dernière réunion d’états-majors français et vénézuéliens qui s’est déroulée à Caracas entre le 26 et le 29 mai 2008 a prévu pour 2009 de nombreux échanges entre les deux pays, échanges qui comprennent des activités d’entraînement, des exercices bilatéraux, des stages en France et au Venezuela et des échanges d’expertises, pour un total de plus de 80 actions

Par ailleurs, L’armée de l’air française – puisque la France est aussi un pays d’Amérique du Sud grâce à la Guyane – a participé aux côtés du Venezuela, du Brésil, du Chili, de l’Uruguay à des exercices aériens communs. (Source : ambassade de France à Caracas).

Il est donc évident que la volonté de Caracas est de renforcer rapidement leur capacité militaire avec pour seul objectif la défense du territoire si l’on en croit le gouvernement Chavez, mais la découverte de lances-roquette suédoises qui avaient été vendues au gouvernement vénézuélien dans un camp des FARC (lances-roquette prétendument volés) jettent le doute sur les intentions réelles du président Hugo Rafael Chávez Frías.

Mais qu’en est-il à présent de la situation sur le terrain ? À la fin de la semaine passée, quatre militaires vénézuéliens en uniforme de camouflage ont été arrêtés par les autorités colombiennes alors qu’ils se déplaçaient à bord d’un navire rapide sur le fleuve Meta qui fait frontière entre les deux pays. Après avoir été mis à disposition des services de sécurité qui les ont interrogés tout le week-end, les militaires arrêtés ont été expulsés hier et remis aux autorités de leur pays. Ce nouvel incident porte à six le nombre de militaires vénézuéliens arrêtés en territoire colombien ces deux dernières semaines.

Caracas a immédiatement réagi, prétextant que selon les accords passés entre le Venezuela et la Colombie, les eaux du fleuve Meta sont considérées comme internationales et la circulation y est libre. Sur ce dernier point, il semblerait que le Venezuela a raison et que les autorités colombiennes n’avaient donc aucune raison ni surtout aucun droit pour arrêter et retenir les militaires du pays voisin.

Ce matin, le gouvernement colombien a annoncé qu’il portait plainte auprès de l’organisation mondiale du commerce (OMC) à cause des restrictions imposées aux marchandises colombiennes à la frontière vénézuélienne, et ce, en dépit des accords bilatéraux.

Comme on le voit, outre le fait que Hugo Chavez ne cesse de répéter que l’attaque des États-Unis contre le Venezuela est imminente, rien n’est fait de part et d’autre pour calmer la situation.

Selon les experts vénézuéliens, il y aurait malgré tout peu de chances que Hugo Chavez passe aux actes, car ni l’armée, ni le peuple ne seraient prêts à le suivre dans cette aventure suicidaire. Espérons-le, car même si les spécialistes estiment qu’aucun des deux pays ne serait capable de soutenir une guerre de plus de cinq jours, sans même parler de la tragédie que cela représenterait, le fossé que pareil conflit créerait entre ces deux peuples frères mettrait de nombreuses années à se combler.

En ce qui concerne une agression directe et ouverte des États-Unis contre le Venezuela, elle nous semble peu probable, car on se demande quel prétexte Washington pourrait bien invoquer pour commettre pareille forfaiture. Jusqu’à preuve du contraire, Hugo Chavez respecte le jeu démocratique dans son pays, et si on l’accuse de vouloir bâillonner la presse, il semblerait que seuls les médias audio-visuels en soient la victime (par non-renouvellement de leur concession, mais jamais par une fermeture directe), car la presse écrite ne s’est jamais privée de critiquer le chef de l’État. J’en veux pour preuve les grands titres des journaux dans les kiosques de Caracas ce matin : « Chavez dirige un gouvernement ennemi des travailleurs », « Chavez est le pire des patrons »..

En d’autres termes, si Chavez menace beaucoup la presse, jamais il n’a utilisé de méthode illégale pour faire taire les voix de l’opposition.

Espérons qu’il en est de même avec le conflit contre la Colombie, et que les paroles du président vénézuélien ne soient que simple fanfaronnade !

Sources :

Chávez rechaza mediación en crisis diplomática con Colombia, El pais, Madrid, 2009

Tambores de guerra, El tiempo, Bogota, 2009

EEUU preocupado por compras armas Venezuela, Reuters / Washington, 2009

Gobernador pide no descartar ataque militar de Chávez, El Nuevo Herald, San Cristobal, 2009

Chavez achètera une centaine de chars à Moscou, RIA Novosti, Moscou, 2009

La course à l’armement de Hugo Chavez, Le Figaro, Paris, 2009

Ratificada la demanda ante la OMC, Agencia EFE, Madrid, 2009

Bogotá deportó a Venezuela guardias capturados y Chávez responde con ataques, AFP, 2009

Louis-Marie Clouet, L’étrange jeu de ventes d’armes à trois bandes entre Moscou, Bogota et Caracas, Cirpes, Paris, 2008

Martinot Pierre, Les exportations d’armes vers l’Amérique du Sud, Note d’analyse du GRIP, Bruxelles, 2008

Ministerio del Poder Popular para la Defensa, Caracas, 2009

Ambassade de France, Caracas, 2009