Après avoir appelé son pays et son armée à se préparer pour une guerre contre la Colombie et les États-Unis, le président du Venezuela Hugo Chavez fait machine arrière, assurant qu’on l’avait mal compris et qu’on avait interprété ses paroles.

Le mandataire vénézuélien affirme à présent qu’il avait voulu reprendre à son compte le proverbe latin : « Si vis pacem parra bellum » (si tu veux la paix, prépare la guerre), et qu’il était étonné que tout le monde l’ait pris au sérieux pour le présenter comme le va-t-en-guerre du continent américain.

  S’il est évident que Hugo Chavez tente de se rétracter sans perdre la face, on peut se demander quelles sont les raisons qui l’ont poussé à ce revirement.  

Premièrement, il y a les réactions unanimes de quasi toutes les nations sud-américaines et plus particulièrement de ses alliés habituels, si l’on excepte le Nicaragua du sandiniste Daniel Ortega qui a sauté sur l’occasion pour à nouveau menacer la Colombie (mais sûrement, à cause du vieux litige concernant le tracé de la frontière maritime séparant les deux pays).

  Prenons par exemple le président Evo Morales de Bolivie, pourtant associé à l’ALBA (Alternative Bolivarienne pour les Amériques), qui a rappelé à son homologue vénézuélien que s’il fallait se battre pour défendre le socialisme, il fallait le faire avec d’autres armes et utiliser les voies diplomatiques. 

Il y a aussi la réaction de Julio María Sanguinetti, ex-président de l’Uruguay, qui a profité de la tribune de la 65e assemblée de la Société interaméricaine de presse (SIP) qui se tenait à Buenos Aires pour critiquer vivement le mandataire vénézuélien :

« Aujourd’hui, tant à Buenos Aires, qu’au Venezuela, en Équateur, et en Bolivie progressent les populismes, ces bâtards de la prospérité.

Dans le cadre de la démocratie, les populismes ont un président hors-la-loi qui abuse du pouvoir et du budget de l’État.

Cette situation affecte avant tout les Vénézuéliens qui sont également préjudiciés dans leur liberté d’expression par la fermeture de 32 radios et par des actes despotiques.

Mais je ne suis pas pessimiste. Les populismes ne prennent pas racine. Hugo Chavez n’est pas Fidel Castro qui représentait ce que pensait la moitié du monde, même s’il était dans l’erreur. Chavez est une caricature, un militaire ayant tenté un coup d’État.

Le gouvernement colombien est resté ferme dans sa lutte contre le narcotrafic et la guérilla, mais j’espère que Alvaro Uribe ne commettra pas l’erreur de demander sa réélection. Cela serait mieux pour la Colombie et pour lui, et il restera une grande référence dans le monde politique. »

Deuxièmement, il y a l’opposition vénézuélienne qui en profite pour repartir à l’assaut de Hugo Chavez, affirmant que ses menaces belliqueuses n’ont d’autre but que de distraire le peuple et lui faire oublier les problèmes quotidiens (ces dernières années, les pénuries de denrées alimentaires se sont multipliées, et les services de distribution d’eau et d’électricité souffrent de graves carences).

L’ancien président du Venezuela, Carlos Andrés Pérez (destitué en août 1993) a même pris la parole pour appeler, à demi-mot, au coup d’État militaire :

« En ma qualité d’ancien chef de l’État, je me vois obligé de prendre la parole en réaction à l’appel à la guerre formulé par l’actuel chef de l’État.

Jamais dans notre histoire un président n’a menacé d’une guerre un pays frère. Que du contraire, nous avons toujours préservé et valoriser le fait que nous sommes le pays qui a contribué le plus aux libertés et à la paix dans notre région.

L’incendiaire et irresponsable appel du président ne peut pas être considéré comme une simple fanfaronnade et ne peut être qualifié que de crime de "lèse patrie". Un crime contre les intérêts du pays, le plus grave des délits que puisse commettre un chef d’État.

L’argument avancé par le chef de l’État selon lequel le déploiement d’effectifs militaires nord-américains sur les bases colombiennes représente un danger pour notre pays est exact, parce que les technologies militaires dont disposera la Colombie représentent une menace réelle. Mais cette menace n’est pas dirigée contre le peuple vénézuélien, mais contre le régime de Chavez et sa complicité reconnue avec les narcoterroristes des FARC, complicité qui risquerait d’être mise à mal et fortement entravée.

Mettre en danger les Vénézuéliens dans une aventure belliciste dont l’unique objectif est d’empêcher que l’on contrôle les activités des terroristes et des trafiquants de drogue qui circulent dans notre pays sous la protection des autorités est un crime contre la patrie.

Je me permets de rappeler aux forces militaires l’article 328 de la Constitution qui leur indique "qu’elles sont une institution essentiellement professionnelle, libre de tout militantisme politique, et qu’elles doivent remplir cette fonction en étant exclusivement au service de la Nation et en aucun cas à celui d’une personne ou d’un parti politique.

Les forces armées ont l’obligation de prendre position devant l’imminence d’un crime de lèse patrie commis par le chef de l’État. C’est le moment pour les forces armées de nous faire savoir quelle sera leur position dans semblable aventure aux risques incalculables pour notre peuple et notre futur. »

Et finalement, ce qui a sûrement le plus contribué au fléchissement de Hugo Chavez, c’est l’intégration du Venezuela dans le Mercosur (communauté économique des pays de l’Amérique du Sud) qui devait être débattue par le Brésil, le Paraguay et l’Uruguay ce mercredi. Mais la possibilité d’une guerre a éclaté comme une bombe au Sénat brésilien qui a préféré postposer le vote à la semaine prochaine en signalant que l’attitude du président Chavez compliquait énormément sa décision et pourrait affecter la candidature du Venezuela.

C’est suite à cette annonce des représentants du Mercosur que Hugo Chavez a fait marche arrière et multiplie depuis les conférences de presse pour rectifier le tir et nier ce qu’il avait clamé haut et fort dimanche devant les micros et les caméras des mêmes journalistes.

L’attitude du président vénézuélien fait gloser l’opposition qui demande maintenant que Hugo Chavez soit ausculté par des médecins afin de déterminer son état de démence !

Que pouvons-nous conclure de ces derniers rebondissements ? Apparemment nous échappons une fois encore au conflit armé entre la Colombie et le Venezuela, mais avec Chavez et ses revirements incessants, on ne sait jamais. Il reste que ceux qui sortent les plus meurtris des tendances bellicistes du président vénézuélien sont les petits commerçants de la frontière avec la Colombie, frontière qui risque d’être définitivement fermée. Selon les chiffres fournis par le ministère des Affaires économiques du Venezuela, les échanges commerciaux entre les deux pays qui représentaient 7,3 milliards de dollars en 2008 sont tombés cette année à seulement 4,7 milliards de dollars.

Selon le président de la chambre de commerce Colombo vénézuélienne, ces chiffres pourraient encore baisser de 20 % dans les mois à venir.

Un peuple affamé, un service d’eau potable et d’électricité défaillant, un pays qualifié de belliqueux aux yeux de la communauté internationale, un gouvernement corrompu soudoyé par les narcotrafiquants et les terroristes colombiens, voilà l’image que, malgré les succès évidents des premières années, ce gouvernement qui s’est autoproclamé castro-communiste risque de laisser à l’Histoire.

Sources :

 

Colprensa/LA PATRIA

"Venezuela no resistiría una guerra con Colombia y EEUU"

El juego de Chávez

Los mediadores

Continúa conflicto en la frontera

Sanguinetti: populismo avanza en Bolivia

Instituto nacional de estadística (República Bolivaríana de Venezuela)

Ministerió del Poder Popular para Economia y Finanzas (República Bolivaríana de Venezuela)