Titre du dernier « Charly » (Charles Duchêne, dit l’homme au chapeau – il le garde sur ses stands des salons du Livre) : La Peste et le Cholérique. La couverture, du caricaturiste Delambre (duCanard enchaîné) explicite tout en laissant planer le doute sur les identités. Est-ce bien François Hollande, ou plutôt Marine Le Pen, dit ou dite le ou la Bubonique ? Pour le Cholérique, là, pas de confusion possible… Entre diverses considérations sur le quotidien, le sien et celui d’à-peu près tout un chacun et chacune qui trime, chôme ou se contente d’une faible retraite, Charly, s’en prend surtout aux ex et actuel présidents, sans trop fort égratigner la personne de « Jeanne-Marine » (cela sans complaisance aucune pour son mirage de programme politique).

C’est donc le ixième essai politique (entre autres ouvrages) que publie Charles Duchêne, ex-éditeur et nouveau retraité à la ville, signant cette fois Charly en campagne pour l’abstention ou le vote blanc en 2017, et il n’est pas tendre pour le hollandisme. Car malgré quelques mesures de bon sens, mal vendues pour la plupart (la dernière en date étant le durcissement des sanctions pour les communes ne construisant pas assez de logements sociaux), il est patent que le bilan de l’actuel quinquennat s’inscrit dans le droit fil du précédent en ce qui se rapporte à la finance, au grand patronat…

Au fil des ans, chaque année, le fisc concède 200 milliards d’euros aux (surtout grandes) entreprises. Commentaire de Charly : « cela représente 57 247 euros par chômeur ». Et encore s’en tient-il aux chiffres officiels des demandeuses et quémandeurs d’emploi. Oui, jusqu’à près de cinq mille euros mensuels…

On sait ce que font les grands industriels, les banques, les groupes de pub et autres de cette manne : quelques recherches, souvent commandées à des cabinets bidon dirigés par des potes, parfois sur la manière de dégraisser et faire suer davantage, moult séminaires dans de grands hôtels rejoints en classe affaires.

Charly, socialiste non encarté de fort longue date, conserve le cœur à gauche toute, mais ne préconise pas la démesure : pour lui, les indemnités de chômage initiales devraient être plafonnées à trois fois le Smic et ne jamais régresser sous le seuil de pauvreté. Ce n’est pas demander la lune, et d’ailleurs, la « gôche » gouvernementale vient de porter à près de 800 euros l’allocation de fin de droits au chômage pour les plus de 60 ans. Sauf que pour la plupart de l’électorat socialiste, parfois resté aux études quatre à cinq ans, le chômage quasi définitif, c’est vers 45 ans…

Fin observateur de la vie politique – et économique –, Charly multiplie les exemples, rendus par lui encore davantage criants, des dégâts amplifiés, après le sarkozysme, par le hollando-macronisme. Il serait fastidieux de les mentionner tous : le bouquin comporte plus de 230 pages de texte, et nombre d’illustrations de Delambre en sus.

L’auteur pique nombre de coups de sang, fréquemment transcrits en calembours, ou traits propres à être redécochés brièvement aux comptoirs des bars, et n’épargne plus grand monde, certes pas les « frondouilleurs »qui n’auront jamais le cran de mettre en jeu leur aléatoire réélection… Quant aux rodomontades de Mélenchon, elles ont fini par le lasser.

S’il peut déplorer que le FN philippo-mariniste n’ait pu se joindre à la manif des Je suis Charlie, sans jamais faire montre de la moindre sympathie pour ce parti familial devenu plus restreint (parti des magots, le surnomme Delambre, désormais scindés) Charly écrit haut et fort ce qu’une fraction de son nouvel électorat grommelle. En tout cas celle qui gobe la nouvelle profession de foi sociale sans restriction mentale avouée du Front et se récrie sincèrement de n’être nullement xénophobe.

Il nuancerait sans doute ce raccourci à l’emporte-pièce, j’admettrais assurément ses arguments, mais la remarque s’adresse bien plus aux militants et responsables encore vraiment socialistes, et donc désorientés, qu’à lui même : ils gagneraient grandement à lire (ou relire les précédents essais) du Charly. Bref, qui va pomper dans Charlie (ou, mieux, dans Siné mensuel), que lui vendent des kiosquiers musulmans – c’est un peu comme les tabacs tenus majoritairement par des Asiatiques, la diffusion de la presse est devenue le fait de Maghrébins, musulmans ou autres – de quoi se documenter pour rédiger des pamphlets dans Riposte (se disant encore laïque et de plus en plus pro-orthodoxe à la Poutine), n’appréciera guère – litote –la prose de Charly.

Lequel n’est pourtant pas avare de compliments. Notamment à l’égard de quelques hôtelières et de restaurateurs qui parviennent à tenir des prix encore réellement mieux que convenables (similaires à ceux du défunt « prix populaire » des quotidiens régionaux). Passant du coq au vin au saucisson d’âne, Charly donne quelques excellentes adresses et fout incidemment la honte à nombre de tenancières et tenanciers qui se gardent bien d’imiter ces amphitryons. Alors qu’ils le pourraient, pour la plupart, amplement.

Le style de Charly est celui d’une conversation avec qui le lit. Comme dans toute longue conversation un tant soit peu argumentée, bien souvent, des pauses, des périodes de respiration, à bases de considérations personnelles ou d’anecdotes, sont ménagées. Ainsi procède Charly…

Cet essai est centré sur les préoccupations des bas et moyens salariés, des petits fournisseurs et petits patrons sous-traitant, &c. Mais tout à coup, voici-voili-voilou, et ce n’est qu’une digression parmi tant d’autres, que Charly s’en prend à la manie de détourner l’attention par la promulgation de « grandes causes ». Ainsi de la sécurité routière, aux confortables budgets et rémunérations (pour ses hauts dirigeants), à laquelle le moindre accident d’un de ces nouveaux autocars qui sillonneront les routes pour remplacer les trains les moins rentables, fournira de quoi gonfler les statistiques… De quoi justifier aussi les radars, la limitation drastique de la vitesse (et l’allongement des temps de trajets non-rémunérés pour se rendre au travail), les amendes gonflées sans cesse, tout comme les budgets publicitaires intimant de lever le pied. Bref, aussi davantage de ronds-points, de gendarmes couchés, histoire de soutenir l’activité du BTP local qui sait soigner les élus territoriaux. De quoi aussi justifier la remise d’un hochet à une épouse ou fille de grand patron qui se dévoue à figurer parmi les convives des dîners mondains au profit de ces causes bien éloignées de celle de feu Jean-Edern Hallier (l’éditeur de La Cause du Peuple).

C’est un peu comme les 35 heures, honnies pour avoir généré 180 000 emplois dans la seule fonction hospitalière et dont la suppression ne sera jamais accusée par les mêmes de vouer un égal nombre au Pôle (précaire) Emploi… Le nombre accru des autocars impliquera le chiffre augmenté des tués et accidentés de la route, mais ce sera toujours la faute des conducteurs (surtout si l’accident se produit à un passage à niveau), pas du tout celle de la libéralisation du transport de voyageurs.

Mais les grandes causes sont louables. Les très grandes (telle la flexibilité du temps de travail, de la ressource déshumanisée), tout comme les plus mineures. Car il n’y a pas que Mimie Mathy a avoir rendu des services exceptionnels à la France. Des dames de la très haute, fraîchement décorées, aussi, soyez-en convaincus. Peut-être, pourrait supposer Charly, se sont-elles mobilisées pour l’interdiction de la fessée parentale, grand bond civilisationnel en avant… (de l’arrière-train à celui de François Hollande, lancé, comme le président Mao, locomotive rouge sur les rails du socialisme et d’un futur humanisme radieux).

Tiens, à le lire, voici que pour un peu, je plagierai sa bonhomme faconde (non, là, pas de contrepet, si ce n’est involontaire) pour, comme lui, incidemment traiter de la fessée.

Botter les fesses aux « peigne-culs » et dévoiler leurs « fourberies », en Molière prosateur n’ayant plus à se soucier de la censure royale, telle est donc la vocation réaffirmée de Charly. Lequel, concède-t-il, avait espéré beaucoup trop de la présidence et du récent et actuel gouvernements… Il pousse donc la goualante du désenchantement… Et ne voit guère de sursaut se profiler. D’où ce pressentiment d’un second tour présidentiel jeu de dupes auquel, en 2017, comme tant d’autres, il ne participera qu’en observateur taquinant le goujon.

Nous n’y sommes pas encore, on avisera, peut-être se ravisera-t-on, mais l’état des lieux dressé par Charly est éloquant. Il vaut appel à la non-adhésion.

À terme (encore incertain), présidents, députés, sénateurs – et une très forte part du personnel politique – seront peut-être remplacés par des robots ou de l’intelligence artificielle se passant de membres… Pour le présent, nous avons des robots à chair humaine, débitant des discours dédiés à faire prendre vessies pour lanternes. Ces machines coûtent cher en entrentien, l’amortissement est exorbitant (car, tels un Giscard nonagénaire, même hors service, ces engins consomment énormément), et il serait grand temps de reconsidérer le retour sur investissement électoral. Ce n’est pas tout à fait la conclusion de ce La Peste et le Cholérique (JBDiffusion, 260 p., 13 euros), mais celle qu’on pourrait retirer de sa lecture…

Cela se discute, bien sûr. Pourquoi pas au stand de l’auteur, au Salon du Livre de Montmorillon (cette année, 13 et 14 juin), ou sur sa page Facebook (Charly Chapo) ?