Pour qui n’a pas réglé le Kirchensteuer (impôt ecclésiastique), pas de sous, plus de suisse ni de bedeau, ni de sacrements, ni de mariage ou d’enterrement religieux, a décidé la conférence des évêques catholiques allemands. Se soustraire à la dîme du culte (prélevée par les régions sur les revenus en Allemagne) équivaut, depuis jeudi dernier, à une excommunication ne disant pas son nom. En cause, le manque à gagner : en 2010 et 2011, plus de 300 000 catholiques romains allemands se sont soustraits au système.

La mesure aurait reçu l’aval du Vatican, donc du pape Ratzinger : les Allemands s’étant déclarés catholiques romains et ayant déclaré au fisc qu’ils sortaient de l’église se voient dispensés d’un impôt, le Kirchensteuer, équivalant selon les régions à huit à dix pour cent du revenu salarial imposable vont faire de sérieuses économies. L’église catholique leur refusera dorénavant les sacrements. Ils pourront toujours assister à un baptême, mais plus être parrain ou marraine.

Plus de confession, plus de communion, plus d’onction des malades, et même plus de confirmation ou de communion solennelle pour les enfants des renégats, même s’ils ne sont pas tout à fait apostats (ayant abjuré leur religion).
Une dérogation sera accordée cependant aux moribonds s’étant repentis à temps.
Il faut manifester son regret avant de trépasser. De quelle manière ? En signant une déclaration fiscale ?

Plus de 300 000 catholiques romains ont abandonné, si ce n’est leur foi, du moins leur appartenance officielle à leur église ces deux dernières années. Les révélations sur les pratiques pédophiles de certains prêtres ont accéléré le mouvement qui peut bien sûr avoir aussi des causes pécuniaires.

On ne sait si de jeunes fiancés, se passant de l’assentiment de leurs parents pour se marier, pourront contracter un mariage religieux sans signer une déclaration fiscale : ils devront s’engager formellement à conserver leur foi et éduquer religieusement leur progéniture.

En fait, depuis un certain temps, en catimini, la mesure adoptée formellement jeudi dernier était mise en application. La principale fédération de fidèles s’est félicitée de cette officialisation.

La conférence des évêques protestants n’a pas l’intention d’embrayer. On devrait pouvoir s’adresser à la porte des pasteurs. Malheureusement, la rigueur protestante s’accommode mal de suisses (non point des mercenaires suisses, mais des bedeaux revêtant un costume chatoyant) pour les mariages et autres cérémonies. Il faudra donc se passer de décorum.

Évidemment, des grincheux, comme ceux de Wir sind Kirche (« nous sommes l’Église ») ont trouvé à redire que le décret ecclésiastique allait détourner encore davantage de fidèles des lieux de culte catholiques romains.

« Wer aus der katholischen Kirche austritt, wird de facto exkommuniziert

En Autriche et en Suisse aussi, une dîme est ainsi prélevée sur les revenus, déduite directement du salaire ou en fonction de la déclaration fiscale. Il fallait se déclarer adepte d’une religion ou non, et en Allemagne remplir une Lohnsteuerkarte à présenter à l’employeur. Mais cette carte n’est plus réclamée depuis janvier 2011, ce qui a peut-être accéléré la désaffection pour les églises.

Toutes les églises chrétiennes ont pâti de la désaffection des fidèles depuis le début du siècle, seule la vingtaine de confessions dites évangéliques améliorant leurs recettes. Mai s le fléchissement s’était tassé en 2005, avant de reprendre de plus belle, pour l’église catholique romaine, vers 2009.

Les diocèses allemands disposent d’autres revenus (maisons d’édition, immobilier, dons directs, héritages), mais il est estimé que les fonds recueillis sont affectés très majoritairement à leur fonctionnement (et pour un dixième à des œuvres véritablement sociales).

Pour La Vie (ex-catholique) la décision de l’épiscopat allemand ne sera pas forcément payante. L’affaire était en germe depuis 2007 quand une professeure de droit canon, Hartmut Zapp, avait déclaré ne plus payer l’impôt ecclésiastique. Poursuivie en justice, elle avait tout d’abord perdu avant de gagner en appel en 2010 mais l’évêché de Fribourg avait contre-attaqué et l’affaire reviendra mercredi devant le tribunal de Leipzig.

Tout cela ne redorera sans doute pas les blasons épiscopaux catholiques allemands. Et la mesure risque aussi d’être mal perçue en Suisse et en Autriche. Voire dans d’autres pays voisins…