La campagne électorale de Nicolas Sarkozy risque d’être entachée, comme autrefois celle de Chirac avec les frais somptuaires des « Pièces jaunes » de sa Bernie, par les agissements contestés de sa Carlita. Frédéric Martel, de Marianne, s’est penché sur les finances de la Fondation Carla Bruni-Sarkozy.

En Espagne, c’est un gendre du roi qui se retrouve sous les projecteurs. Il aurait largement profité d’une fondation sportive des Baléares pour s’enrichir personnellement. En France, avec Carla Bruni, il n’est pas (déjà ?) question d’enrichissement personnel mais de ce qui s’apparente à de la concussion et de la prévarication au profit de proches.

Marianne paraîtra ce vendredi 7 janvier avec en couverture une accroche « Enquête sur une philanthrope ». L’enquête est de Frédéric Martel et elle porte sur Carla Bruni. Sur le site Marianne2, le titre est beaucoup plus accusateur : « Carla Bruni au cœur d’un scandale international ». Rien de moins. « Au terme d’une enquête de plusieurs mois aux Nations Unies et dans plusieurs pays, Frédéric Martel révèle dans Marianne les dysfonctionnements et le mélange des genres auxquels aboutit l’action – et l’inaction – de Carla Bruni-Sarkozy dans sa fondation et son comportement en tant qu’ambassadrice de la lutte contre le sida. ».

Le ci-devant Civange

Julien Civange, musicien de son état, témoin de mariage de Carlita, dispose d’un petit bureau et d’un téléphone à l’Élysée. Devra-t-il en rendre la clef ? Pour le moment, ce serait le professeur Patrice Debré, immunologue, élevé par Sarkozy à la fonction d’ambassadeur extraordinaire, qui fait les frais de l’affaire. Act-Up, l’association de lutte contre le sida, avait demandé sa démission. Ce serait fait : il aurait été démissionné. Sur la sellette aussi, Michel Kazatchkine, du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.

Son dernier billet remonte au 1er décembre dernier mais il posait sur la photo du déjeuner des épouses de dirigeants mondiaux organisée par Carla Bruni le 11 mai dernier. Ce genre de manifestation ne semble pas être le seul dans lequel l’épouse de Nicolas Sarkozy excelle. Michel Kazatchkine serait en voie d’être aussi débarqué, cette fois à la suite de diverses interventions internationales.

La Fondation Carla Bruni est une organisation ad hoc, sans bureau ni trésorier ou assemblée générale d’adhérents. On y retrouve des pipeule (Jean-Paul Gautier), une ancienne ministre (Michèle Barzach), et des copines et copains, mais ils n’ont qu’un vague rôle consultatif. Elle emploie pourtant trois salariés à temps plein, et surtout sous-traite beaucoup. Elle n’agit pas dans le domaine de la lutte contre le sida, ce rôle étant dévolu à sa seule présidente, qui entretient parfois la confusion entre ses activités de soutien scolaire (relevant de sa fondation) et son rôle d’ambassadrice du Fonds mondial.

La Fondation, elle, délègue beaucoup. À des associations ou organismes existants pour les tâches obscures, à des pipeules lors des « opportunités photo ». Mais elle dispose d’un beau site Internet, financé en partie par l’Élysée, et bizarrement, par le Fonds mondial de Michel Kazatchkine.

Ce fameux site est le fruit des stagiaires et des personnels du musicien Julien Civange. Lequel s’était déjà distingué en 1999, en produisant l’album Emmaüs Movement pour l’organisation fondée par l’abbé Pierre. C’est aussi un associé du dramaturge Charles Berling, et une sorte de jet-setteur.

Il est, à la Fondation, pompeusement chargé d’un « programme d’éveil musical à vocation sociale ».

Born HIV Free

Mais, par ailleurs, il dispose de sociétés musicales et de développement informatique, et d’une énigmatique marque « Born HIV Free » (Né sans sida). Laquelle pourrait avoir profité de ressources provenant du Fonds mondial, tout comme une autre lui appartenant, indique Frédéric Martel.

Julien Civange n’est pas le seul à graviter autour de Carla Bruni. Il y a aussi Grégoire Verdaux, Ludovic Perrin, Consuelo Remmert… Mais outre Consuelo Remmert, dont les capacités et diplômes ne sont pas en cause, Julien Civange semble avoir bénéficié de sérieux coups de pouce de la part de Carlita.

Michel Kazatchkine aurait accordé, via le Fonds mondial, 6 millions de dollars à Born HIV Free. Pour quels résultats concrets ?

Le Fonds a aussi financé la société Mars Browsers, de Julien Civange. Ce soit en toute transparence, soit à la faveur « de montages financiers complexes ». En fait, il semblerait surtout que Civange soit le « montreur » de la Première dame, de ses robes, bijoux, tailleurs et sacs de marque.

Le pot aux roses sera découvert par deux missions indépendantes d’audit des financements du Fonds mondial. En décembre 2011, Patrice Debré est remplacée par une diplomate, Mireille Guigaz. La France est fortement représentée au Fonds car c’est en fait de l’argent public français qui le finance en priorité, les États-Unis ayant bloqué divers versements en attendant que le ménage soit fait.

Carla Bruni a été sollicitée par Frédéric Martel, fin décembre et tout début janvier, à trois reprises. Seul Michel Kazatchkine, parmi les mis en cause, a consenti à s’entretenir longuement avec le journaliste. Il a été depuis relégué au rang de potiche, remplacé dans ses fonctions par un nouveau directeur général. Il a, pour l’essentiel, confirmé les hypothèses ou certitudes de Frédéric Martel.

Le sommet de l’iceberg ?

Si scandale il y a, il n’aura sans doute pas l’ampleur de celui des Pièces jaunes. Car « la fondation Carla Bruni-Sarkozy n’a de fondation que le nom, » résume Martel. C’est la Fondation de France qui régale, recueillant les dons et recettes, et ventilant les sorties. Les comptes sont « intégralement consolidés au sein de la Fondation de France, » confirme Cléa Martinet, porte-parole de la Fondation Carla Bruni-Sarkozy. Ils ne sont donc pas publics.

On ne sait trop comment ont été employés ceux reçus par Civange, le « David Douillet » de Carla Bruni-Sarkozy. Born HIV Free a surtout conçu des films d’animation à visées « récréatives et pédagogiques ».

Faible démenti
Selon Cléa Martinet, de la Fondation, le budget 2011 serait de 2,8 millions d’euros, dont seulement 300 000 en fonctionnement, dont 1 000 de loyer mensuel. Et les salaires, combien ? Le smic ? La Fondation n’aurait jamais rémunéré Julien Civange. Et ses sociétés ? Pour Mediapart, elle a aussi indiqué qu’un conseil d’administration se réunissait deux fois par an. Et il décide de quoi ? Des affectations des donations ainsi que de la bonne mise en œuvre des projets, réplique Carla Bruni sur son propre site. Assez cocasse, le rectificatif : « les actions de la Fondation n’ont pas été menées dans 900 lycées, mais auprès de 900 lycéens. ». On peut comprendre que Martel ait confondu. Gérard Depardieu est l’ambassadeur de la Fondation, espérons qu’il paie lui-même ses déplacements et ses sandwiches. À ce jour, « près de 8 millions d’euros ont été levés et plus de 4 (…) déboursés. ». Or donc, en compter 750 000 euros de fonctionnement sur la même période, il resterait donc plus de trois millions en caisse. Pas mal. Cette année, le chiffre du millier de lycéens et le cap des mille familles aidées devrait pouvoir facilement être franchi. Il y a de quoi. Bonne nouvelle. 

P.-S. – À très bientôt pour en savoir davantage via TF1, Voici,Graziella, Madame Figaro, Vues et Images du Monde, ou Staragota (qui cite un certain Dr Ben Behnam, lequel considère que le Botox aurait transformé Carlita en hamster), Closer et d’autres… En fait, on a vu. La presse people a fortement résumé, quelques lignes pour Marianne, autant pour Carlita. Ce qui faisait dire à Woody Allen, un quart d’heure d’antenne pour les déportés, un quart d’heure pour Hitler & Co.