Or donc, je n’ai acheté que deux-trois fois l’hebdomadaire Bakchich : lorsqu’il rendait compte des escapades nuptiales du ministre de l’Identité maréchaliste française, Éric Besson, à Capri, en faisant réserver son vol et celui de son épouse par Carlson WagonLit, et le tout dernier numéro, le daté « du vendredi 14 janvier au… » (peut-être le dernier siècle des siècles), le 53 d’une série qui sera peut-être l’ultime. D’un côté, je le regrette, pas vraiment de l’autre. En attendant mieux, ou pire, le site bakchich.info perdure, sinon durera…

Jeudi 13 janvier, si j’avais encore été journaliste rémunéré, je serais allé dans les locaux de la rédaction de Bakchich, prendre un exemplaire tout chaud, taper un radiotrottoir aux confrères présents, et vous livrer illico mon « cri » : Bakchich, on le relève, chiche !

Bon, je ne l’avais pas fait non plus pour Siné Hebdo, dont le trépas, moins claironné que celui du maréchal Pétain (trois fois par la même agence de presse), fut judicieusement pronostiqué avec une certitude de dopeurs de pouliches. Bob Sinet a préféré jeter l’éponge après avoir embauché en surnombre (par rapport à ses capacités financières) et je n’ai pas osé retourner boire un coup à Montreuil dans les locaux de Siné Hebdo pour la sortie du tout dernier numéro. Non seulement n’ai-je point eu l’outrecuidance de m’inviter dans ceux de Bakchich, mais, en sus, ayant réglé 1,50 euro à ma dépositaire de presse – qui, elle aussi, jette l’éponge, en déplorant que ce sera encore de la pompe ou de la fringue ou du cosméto-bio qui lui succèdera –, et ayant lu du premier – (Nº) au dernier (…) – signe de la une de couv’ à la der’, et considéré que mes dix balles n’avaient pas été total volés, j’ai procrastiné. Puis abandonné l’idée de pousser ma hurlevante : il faut repêcher le naufragé Bakchich.

Pourquoi évoquai-je Pétain supra ? D’abord, j’adore les digressions, les papiers mal torchés, sans queue ni tête, qui sautent du coq (sur son tas de fumier tricolore) à l’âne (le mulhousien Bockel, voir infra) car c’est une excellente thérapie après avoir consenti au formatage de l’écriture conforme (plus d’un tiers de siècle ; j’estime que j’ai droit à la moitié encore à divaguer, vaticiner). Ensuite parce le maréchal est en train de se réincarner en Jeanne-Marie Le Pen (dite La Pen, pour Politis) et que j’en viens à penser, comme Jean-Pierre Chevènement, qui a retrouvé son émule, Jean-Marie Bockel, au sein du même groupe sénatorial, que c’est inné : c’est antérieur à la christianisation des Barbares, les Gaulois veulent un chef à leur tête, fusse-t-il une cheffe. C’est en raison de « déterminants familiaux, anthropologiques, » qui préexistent à l’islam, aux sacrifices humains dédiés au Mazzeru (un truc corsu et couillu) puis, à la faveur des vendettas, à sainte Dévote en Corse. J’avais plutôt apprécié les autogestionnaires Bockel et Chevènement, pas vraiment craché à la gueule du ministre de l’Éducation déclarant vouloir revaloriser l’enseignement des sciences humaines (au-delà de l’école jusqu’à 18 ans, scolariser les chômeurs jusqu’à 25 ou 30 ans, c’était un moindre mal… cela pouvait faire des démocrates tunisiens), mais où en étais-je ? Ah oui, Bakchich. C’était pour signaler à Nicolas Beau et Xavier Monnier, de Bakchich.info, que l’entretien de Chevènement pour Rue89, lequel fait état de « valeurs anté-islamiques que l’on retrouve également sur la rive nord de la Méditerranée », mériterait d’être suivi d’un autre, de Bockel, sur le thème « vous avez été maire d’une ville moyenne que vous avez laissé miner par la délinquance et le vote FN, allez-vous faire amende honorable et soutenir Jeanne-Marie Le Pen ? ». Ou un truc comme cela, histoire de faire en sorte que Come4News, et d’autres sites, signalent que Bakchich.info mictionne et fornique encore. Il serait trop bête, asinaire et gallinacé, que Bakchich, qui, comme Rue 89, est capable d’aller prendre le pouls tant des copains de Besson que des proches des associations d’aides aux étrangers et expulsés, ne se paye pas un entretien avec Bockel, ou d’autres. Évoquer ces vieilles lunes, et ces glissements de l’extrême-gauche vers l’extrême-droite, c’était aussi histoire aussi de placer ce « laissé miner », ma chatte, lectorat chéri, mes amours (emprunt à feu Pierre Desproges, plus pipeule, même mort, que Fernand Raynaud ou Jean Yanne ou Maurice Biraud : écrire sottement pour Google est un art que je maîtrise mal… mais je m’acharne). On y reviendra, à ces glissements qui ne sont pas que sémantiques et pas forcément hors de propos

J’ai bien rigolé en lisant Nicolas Beau (et quelques autres de Bakchich) déplorant que la confraternité n’ait pas joué pour soutenir Bakchich Hebdo de son vivant. Je peux comprendre : déjà, du temps d’Uss’m Follik (« Issu du peuple »), le plus durable et pérenne hebdo (puis mensuel, évidemment, puis rien d’autre qu’un vague souvenir, au final) de toute l’histoire de la presse alternative régionale hexagonale, voire francophone, voire bilingue (car germanophone itou), je me lamentais aussi sur le silence de la presse « amie » qui nous aurait bien laissé crever la gueule ouverte (fine allusion au titre homonyme, fondé fin 1972 par Pierre Fournier, ayant calenché deux ans plus tard).

C’est farce, de la part d’une équipe dont la confraternité ne m’a pas sauté aux mirettes, en tout cas sur son site. Je n’ai pas vu beaucoup Bakchich faire état, par exemple, outre de Come4News (ce qui peut s’expliquer), d’un vétéran tel Politis. Vétéran, car hebdo phénix qui fut d’abord dénommé (rue des Petits-hôtels, notamment) Politique Hebdo, puis Maintenant (j’étais actionnaire, j’avais encore un peu de pognon pour les bonnes œuvres ; pour Bakchich, j’ai laissé Isabelle Adjani s’y coller…). Ou me serais-je équivoqué ? (je me suis : enfin, si partie des collaborateurs et du lectorat des trois titres Politique Hebdo, Maintenant et Politis leur est commune, les deux suivants chronologiquement ne sont pas des avatars du premier, dont acte… de contrition, car j’ai pu, un temps, le croire). 

C’est déplorable : Politis aurait certes pu, aussi, mieux mettre Bakchich en avant. Pourtant, Politis ne s’en privait guère, lui. Dernière citation (à ma faible connaissance) : dans le daté 14 octobre 2010, sous la plume de Christine Tréguier. Bakchich avait certes mentionné l’éditorial de Denis Sieffert, de Politis, mais hormis Claude-Marie Vadrot, confrère issu de Politis et informateur apprécié invité par Bakchich à fournir des contenus, c’étaient surtout les visiteurs du site Bakchich.info qui mentionnaient Politisou le Plan B (bimestriel « critique des médias »). Pour Kamikaze, « le journal qui a(vait) du plomb dans l’aile » (fondé par le Malouin Marc Bihan, un autre « grand » homme de presse, qui a tenu quatre numéros, sauf erreur), sauf manque de documentation de ma part, c’est de même surtout des lecteurs de Bakchich qui en faisaient état. La rédaction, elle… Mais là, ne lisant pas la version papier, l’hebdo, je peux me tromper.

Je vais cesser d’acheter (c’était rarement, quand je prenais le métropolitain parisien ou l’avion, en fait) France Soir, qui passe à 60 centimes, et je n’ose plus voler Le Monde, passé à 1,50 euro, même en Relais H : les pressurés de la pieuvre Hachette ne méritent plus cela. Le prix « populaire » de la presse a vécu, elle n’est plus achetée que par des émirs motorisés et des parvenus pour qui la Dacia Sandero est destinée, par son prix, aux pue-la-sueur qui veulent se la péter mais ne tromperont personne (fut un temps ou la Sandero GPL était vendue à moins de 7 000 euros, au nouveau prix de 12 000 sans les options, elle se vend sans doute mieux… autre affectionnée parenthèse).

C’est vous dire que, même si Bakchich Hebdo reparaissait à un peu moins d’un euro, je ne l’achèterais pas davantage : pas envie que la caissière de l’Ed ou du Lidl me prenne pour un plouc. Mais s’il était à un prix de libre contribution (on donne ce qu’on veut), là, je pourrais frimer en laissant croire que viens de lâcher un bifton de 100 euros histoire d’obtenir quatre billets de 20, facilement acceptés par les commerçants de mon quartier, ébaubis d’entendre que je peux lâcher près de seize fois le prix d’un petit noir au comptoir pour une douzaine d’heureuses et talentueuses pages. Mais vous qui en avez encore les moyens, même à 0,99 euro, achetez peut-être le futur Bakchich Hebdo s’il renaît de ses cendres. Espérons qu’il saura être un « journal séduisant, attractif, qui suscite le désir d’achat, sans que celui-ci devienne pour autant un objet de consommation comme un autre » (phrase rigolote et un quelque peu faux-cul – c’est une litote – de la rédaction de Politis réagissant à une critique d’Olivier Aubert sur le site d’Acrimed).

Perso, moi aussi, quand je voyais que ma gentillette une de couv’ originale, concoctée par des pointures de la 3D et du cinoche d’animation, n’avait pas « boosté » les ventes de Créanum, je tentais d’avoir, pour le mois suivant, une pépée virtuelle en 3D plus que moins déshabillée, plutôt genre Grrrzzz Girl. C’est, comme le dit Chevènement, « anté-islamique », et les femmes, majoritairement, comme les hommes (coupés ou non, transgenre ou non…), aiment bien voir des filles moitié à poil. Jeanne-Marine à poil sur l’Internet comme une ex-épouse Le Pen (Pierrette) dans Playboy, même en 3D, cela fait toujours mieux vendre que la photo de la statue de la Femme-Loire de Michel Audiard surplombant l’abbaye de Marmoutier au grand dam du FN tourangeau (et d’au-delà… Jean-Pierre Stirbois et Yann Piat s’en retournant dans leurs tombes respectives). Une suggestion d’enquête et de couverture pour un prochain Bakchich : sœur Marie Simon-Pierre, la miraculée « à l’origine de la béatification de Jean-Paul Bis » (les journaux), à poil, mais avec des patches nicotiniques sur le frifri et la pointe des seins, car la nicotine combat efficacement les symptômes de Parkinson (ah, ben non, c’est Alzeihmer, bah, c’est un peu pareil, non, et Yahvé-Allah y reconnaîtra ses plaies d’Égypte). L’important c’est de ne pas risquer l’interdiction d’affichage au prétexte de la protection des mineurs (qui en ont vu d’autres sur l’Internet, et senti encore d’autres, au confessionnal, et très profond encore…).

J’ai apprécié que Nicolas Beau, qui dans un premier temps, avait platement repris la fausse info que Zine Ben Ali avait atterri à Malte (tel un Pétain moribond dans sa cellule de l’île d’Yeu, les dictateurs finissent cachés sur des îles pour mourir), a fini par expurger son texte en ligne sur Bakchich Info de cette « approximation ». Au moins était-ce « sourcé » (une autre agence de presse qui s’était un peu précipitée, histoire de se faire remarquer, a balancé l’histoire maltaise), Beau indiquant nominativement son origine (bon, cela m’étonnerait que Bakchich ait été abonné à l’agence italienne Ansa ; Beau avait dû repiquer l’info sur un site ou un autre, celui du Figaro, par exemple, généralement assez réactif). Bakchich manquait un poil de professionnalisme, faute de moyens.

À l’Agence centrale de presse, aussi, on avait misé sur la qualité : le papier, avant de devenir dépêche validée, devait être relu cinq fois, d’abord par l’auteur, ensuite par le chef de service, et trois fois consécutives par le chef de desk. Comme le pense et l’écrit Jacques-Marie Bourget (conseiller éditorial de Bakchich), les Lolo Ferrari du reportage se moquent pas mal de la qualité, pompent les autres sans vergogne tels des nègres d’Attali, Minc ou PPDA, et comme le supposent la rédaction et Dominique Jamet, la qualité et le sérieux paient bien moins que l’esbroufe et le laisser aller.

Il y a cependant un équilibre à respecter, ce que des stagiaires à rotation accélérée ou un peu trop pérennes dans leur précaire état ne peuvent réaliser. Que l’ACP n’ait pas trouvé un ixième repreneur, cela se conçoit : trois redchefs, six chef(fe)s de desk, des chef(fe)s de service rétribués selon une grille de convention collective correcte, c’est beaucoup trop lourd pour être rentable. Et pour compenser les frais fixes, pomper l’AFP sur Minitel ou l’agence allemande ou CNN ne suffit pas pour donner le change. L’échelle des salaires, à Bakchich, était de un à deux. Très décent. D’ailleurs, ce n’est pas le salaire qui fait le journaliste, parfois même au contraire. Mieux il est payé, plus il se sclérose, enfin, généralement. Plusse (à Jean-Paul Bis aussi) qu’il est rémunéré, mieusse qu’il se fie aux échos des mastodontes figurant dans son carnet d’adresses, et moinsse pressent-il que, par exemple, en Tunisie, c’était sur le point de craquer. En revanche, quand, comme Angelina (chroniqueuse de Bakchich sous ce prénom de plume), il n’en point trop grassement rétribué, le journaliste s’intéresse davantage à des sites tels « CADT » (sic, haut de page 12 de ce nº 53, en fait CADTM) (« qui milite pour l’annulation de la dette des pays du tiers-monde ») ou Paris s’éveille. Partant, il est plus sensible à ce que l’actualité islandaise peut impliquer pour l’opinion française. Mes copains du SNJ et mes ex-camarades de la CFDT-journalistes ne vont pas trop aimer ce qui est énoncé supra, mais vous pourrez attendre longtemps leur droit de réponse (pronostic hasardeux ? je ne crois pas).

Un Bakchich « nouvelle formule », s’il voit le jour, ferait peut-être mieux de renforcer le service de correction (avec deux « mi-temps » vacataires au lieu d’une), un secrétariat de rédaction moins sec que celui de la concurrence (c’était peut-être déjà le cas) et plus fécond avec un Monsieur ou Madame Plus en sus pour enrichir l’info, suggérer des encadrés, des prolongements. Cela vaut d’ailleurs aussi pour le site, qui fonctionne au ralenti, mais ne s’en est pas moins enrichi, ce 18 janvier, d’au moins deux entrées : un témoignage d’une Tunisienne (avec un « heurs » que le lecteur est prié de rectifier de lui-même en « heurts ») et une enquête d’Amédée Sonpipet sur Marc Francelet. Pas confraternel, l’Amédée, dont je me demande s’il ne s’agit point d’un sondier amateur d’Eugène Ionesco. Car Marc Francelet est un journaliste échotier, ancien photographe pipeule. Jean-Marie Bourget, qui dégueulait sur Serge Moati (tellement gavé chez Ben Ali que, au retour, il en craquait son pantalon lors d’un entretien), autre confrère influent, non plus, ne s’est pas montré vraiment confraternel. La presse est un panier de crabes, et on ne sait jamais de qui on se retrouvera proche dans l’avenir le plus immédiat et le futur prochissime. Souvenons-nous que Laurent Ozon fut l’un des soutiens du titre La Grosse Bertha (issu de Charlie Hebdo), avant de se rapprocher de Jeanne-Marine Le Pen (suppute fortement Agoravox, qui lui attribue la paternité du plus récent discours de La Pen). Louis Aliot-Marine, l’équipier de la Jeanne, saura débaucher des chevènementistes et des journalistes ; il s’est déjà mis Roland Dumas, ex-mitterrandiste, dans la poche. C’est d’ailleurs, lui aussi, un « confrère » (il dirige Nations Presse Magazine). Journaliste est devenu, encore plus qu’hier, mais bien moins que demain, un métier de saltimbanque. Or, brocarder salement les morts, comme Jean Teulé le fait de Poquelin (Molière), passe encore. Moquer gentiment les vivants, comme un Karl Zéro ou un Ardisson, se vérifie de meilleur goût et préserve l’avenir.

N’empêche, dénoncer crument l’imposture journalistique (mais les petites, celles du patron de Mediapart, soutenu par Xavier Niel tout comme Bakchich, sont forcément amnistiées), reste l’un des marqueurs d’un certain (ici, particulier) journalisme, furtif (car le « c’était mieux avant » fut très éphémère), d’antan, et Bakchich a su le réincarner partiellement. Notamment grâce à Bourget qui s’interroge toujours, même après avoir lu le « circulez, il n’y a plus rien à voir », du Monde et du Canard enchaîné, sur le suicide de Pierre Bérégovoy. Le doute doit profiter ou nuire à tout le monde.

Cela n’exonère pas d’avoir eu souvent la légèreté d’avancer sans trop billes des vérités douteuses. Ainsi, par exemple, de l’éventuelle participation d’Axa au capital de Mediapart. En tout cas, si elle existe, elle est bien masquée, au point que Médiapart puisse enquêter sur Atria (société financée par Axa Private Equity, qu’Axa, il est vrai, a tendance à « couvrir ») sans que la concurrence l’y oblige. Je vous passe les détails de l’affaire Atria, mais la conclusion de Laurent Mauduit, sur Mediapart, est la suivante : cela donne de la vie des affaires française (sic, le pluriel a sauté) « l’image la plus terrible et inquiétante qui soit : celle d’une jungle où tous les coups sont permis (…) avec la bénédiction du pouvoir politique… ». Et Mediapart de rappeler que, comme le patron des laboratoires Servier, le patron d’Atria fut nommé chevalier de la Légion d’honneur par un larbin de l’ancien avocat fiscaliste des laboratoires Servier (Nicolas Sarkozy, pour ne pas le nommer).

Or, pour en revenir à nos béliers de la presse « différente » (et non moutonnière) et à notre initial propos, je signale qu’en dépit de la faiblesse de mes revenus, je me suis abonné à Mediapart et non à Bakchich. Certes, j’ai été un peu « subventionné » par Come4News pour ce faire (C4N m’avait attribué une prime exceptionnelle, j’ai estimé que me devais de la rendre en partie au lectorat deCome4News en diversifiant mes sources d’information).

Certes, contrairement à Charlie ou Siné Hebdo, Backchich ne se contentait pas de compiler une « revue de presse » à tonalité différente, car satirique. Je sais, c’est injuste pourSiné Hebdo qui a tenté de financer du journalisme d’investigation, mais cela ne m’avait pas trop fort ébloui. Backchich a sorti de vraies exclus, a réellement mené des enquêtes longues. Oui, mais pas assez fouillées, pas assez explicitées. Or, justement, la presse en ligne permet de procéder autrement que la presse écrite. Mediapart l’a bien compris. Même si c’est long, même si c’est, allez, disons-le, chiant (et j’ajouterais, même si c’est mal foutu, et la preuve, vous êtes encore sans doute bien un dixième de celles et ceux ayant affiché cette page à lire jusqu’à cette ligne), complexe, ardu, &c., une info en ligne, même très développée sur une flopée de pages, est lue intégralement par qui s’y intéresse vraiment. Il en est même de prêts à payer un peu (pas beaucoup pour mon compte) pour accéder à ces types de contenus. Je me suis tapé l’intégrale du « round up » (résumé récapitulatif développé, dans ce contexte) de David Medioni et Vincent Truffy, de Mediapart, sur les aides gouvernementales à la presse. Pas compris grand’ chose en première lecture, si ce n’est cette opinion de Michel Françaix, député PS, qui estime que « les aides ne sont justes que si elles sont inégalitaires » (un peu comme si les allocations familiales étaient plus fortes pour les familles démunies et symboliques pour les très aisées). Ces aides sont faibles pour les titres « qui en ont le plus besoin, ceux de la presse citoyenne qui garantissent le pluralisme, » constate Michel Françaix. Or, si j’ai vaguement bien compris, c’est la presse concentrée par le Crédit mutuel qui se mange la plus grosse part du gâteau, avec peut-être la presse télévisuelle et les titres « pipeule » de réclame pour les régimes minceur, les produits antirides, et le divertissement. Glamour,Le Monde du surgelé, Le Paysan tarnais, Rue 89, c’est du pareil au même. Par manque de moyens, mais aussi, peut-être, de volonté, celle de savoir s’entourer d’autres soutiens que ceux de personnalités médiatiques, par exemple, Bakchich semblait avoir renoncé par avance à s’engager dans ce genre de dossier, d’enquête.

D’un côté, je regrette vraiment que Bakchich Hebdo s’arrête. De l’autre, c’est malheureux de l’écrire, mais il ne me manquera pas très fort. Du troisième autre (j’ai aussi des arêtes, diverses faces de polyandres en réserve), je serais désolé que le site Bakchich Info cesse d’être mis à jour et si la seule solution consistait à relancer l’hebdo, ou à se rapprocher d’un titre disposant d’une inscription à la commission paritaire des papiers (ou agences) de presse (ce n’est pas le cas de C4N), ben, c’est sûr qu’il faudrait y songer… autrement. Bon, ok, là, ce n’est plus « un cri », mais un sorte de lugubre et sourd ronronnement qu’on a maintenant fois entendu : l’union fait la force. Encore faut-il être deux pour danser le tango et répartir les contenus entre un ou des sites, d’autres types de publications. J’en suis bien conscient.

Je lis ce jour que Xavier Niel et le fondateur de Meetic, autre actionnaire de Bakchich, feraient un tour de table pour trouver d’autres investisseurs afin de relancer Bakchich. Si c’est pour le refaire à l’identique, ce n’est pas très innovant. Si c’est pour faire autrement, autant le tenter fédéralement.  En liaison avec d’autres titres, d’autres sites se voulant « différents », d’expression libre, indépendants. Je persiste à penser que l’effondrement de la presse alternative des années 1970 a été aussi une question, bien sûr d’égos, mais de dispersion, de défaut de fédéralisme, de recherche de mise en commun de moyens. Ce qui, outre le risque de réunionite, exige un minimum de moyens. Autre assurance et quasi-certitude, c’est qu’un titre dont le dernier numéro insiste sur le peu de cas dont le reste de la presse a fait de lui se doit, s’il envisage une relance, de faire vraiment cas du reste de la presse qui est au moins assez proche de lui. L’autre point est qu’en raison de la précarisation du lectorat potentiel, faute de publicité, on ne peut espérer s’attirer 15 000 acheteurs hebdomadaires au prix d’un numéro quotidien du Monde : c’est trop cher. On peut faire durer un petit noir à la terrasse d’un café bien au-delà du temps de lecture de 16 pages de Bakchich. En sus, l’auvent protège mieux de la pluie qu’un numéro de Bakchich plié en deux. Quand on est contraint de choisir…

Bon, allez, foin de prêchi-prêcha, les conseilleurs n’étant pas les payeurs… Quoique… Ce serait à voir, à reparution de Bakchich.