Copé (UMP), commentant le premier tour des élections cantonales, a considéré en substance que l’abstention était trop forte pour tirer un enseignement des résultats de ce dernier dimanche 2O mars. Il n’a pas tout faux. Mais c’est aller un peu vite en besogne : le second tour, analysé finement, risque d’apporter au moins une réponse sur l’emprise « à gauche » du Front national.
Qu’on le veuille ou non, outre le rejet total de l’UMP chez certains, y compris des électrices et électeurs de Nicolas Sarkozy, ce qui a certainement favorisé la poussée du Front national, c’est qu’il a su s’attirer des sympathies dans un électorat à « sensibilité de gauche ». Certes, l’abstention est forte, et elle peut refléter – dans une mesure peu facile à cerner – le sentiment croissant que toute la classe politique traditionnelle, celle du FN incluse, est discréditée. Cela vaut plus modérément pour les écologistes et le « Front de gauche ».
Tiens, justement, lequel au juste ? Mélenchon a eu beau jeu de protester les méthodes du décompte du ministère de l’Intérieur : des formations du PCF ou proches, ont localement appelé à voter pour la sienne, et réciproquement. Mais il n’a pas précisé quels étaient au juste ses propres décomptes.
Oublions les chiffres. Ils sont publiés partout ailleurs mais, malheureusement, ce lundi, ils ne coïncident pas toujours lorsque les analystes tentent de départager les diverses formations. Ce qui comptera, mais sera peut-être difficile à réellement affiner, c’est le résultat du second tour et le report des voix.
Partons du postulat que le FN désormais incarné par la seule personne de Marine Le Pen (sauf dans des fiefs traditionnels du Front national) a réussi à s’attirer des déçus des grandes formations (ou, pour le MoDem, sous-représenté, de ce qu’il en émerge encore ça et là), donc, aussi, bien sûr, du PS et des rares Radicaux de gauche. Que feront ces nouveaux électeurs, que feront les autres au second tour ?
Il y a fort à parier que les électeurs du PCF ou de la formation de Mélenchon renâcleront à voter pour un candidat FN arrivé au second tour, même si le candidat UMP (ou un faux-nez « divers droite » ou sans étiquette) serait en mesure de l’emporter si le réflexe « tout sauf le FN » d’hier (lors de l’élection de Jacques Chirac) devait jouer à plein. Même des électeurs du PS, en dépit des consignes de vote, risquent de faire défaut, de s’abstenir. Si cela se vérifie, n’en déplaise à Copé, à défaut d’un enseignement national, on pourra en tirer quelques conséquences. Du côté des écologistes, parfois dispersés, comportant aussi quelques sensibilités de droite (ex-MoDem, par exemple), il est très difficile de présager quelle sera leur attitude. L’abstention risque d’être forte aussi dans leurs rangs. Et puis, là où le FN a vraiment créé la surprise, on ne peut préjuger de ce que feront les abstentionnistes du premier tour. Ce ne sont pas tant les sièges emportés que les reports de voix qui donneront des indications.
Justement : que feront ces électeurs FN du premier tour (ou qui auraient été tentés de se déplacer sans s’y déterminer) qui se disent déçus par la gauche ? Traditionnellement, le FN a presque toujours assuré la victoire de la droite là où elle était possible. Tout sauf un « socialo-communiste » ! (et par « socialo », il faut entendre « voleur » qui pillera par l’impôt, capitulera devant les chars russes, supprimera le tiercé, &c. : la base du FN n’a pas grandement évolué). Mais là, deux facteurs peuvent jouer. D’une part, les nouveaux électeurs FN attirés par les promesses sociales ou socialisantes, doutant de l’Europe, &c., auxquels Marine Le Pen ne cesse de lancer des oeillades, resteront-ils dans l’abstention si un UMP peut être battu alors que la ou le candidat FN a dû passer son tour ? Et même, pour donner à « Marine » l’aura d’une rassembleuse de la droite, balayant l’UMP, certains électeurs FN traditionnels ne seront-ils pas tentés par l’abstention, voire un « vote tactique » ?
Si, comme certains observateurs le supposent, l’UMP est l’objet d’un franc rejet qui s’est déjà traduit par les résultats du premier tour, Copé pourra toujours s’abriter derrière une abstention qui restera forte, le désaveu sera encore plus flagrant. De toute façon, même si Sarkozy procédait à un mini-remaniement, qui estimerait qu’il a compris quoi que ce soit ou qu’il serait réellement décidé à infléchir sa politique ? Qui penserait qu’un Borloo, « assorti » d’un Juppé, changerait quoi que ce soit aux orientations profondes de Sarkozy ? Les écologistes ? Les suites du Grenelle ont-elles laissé subsister aucune illusion ? Le MoDem ? Certainement pas le FN…
Les analystes vont devoir digérer les résultats du premier tour. Ce n’est sans doute que mardi qu’ils se hasarderont à laisser penser que tel ou tel canton basculera ou non. Ils s’attacheront aussi à peaufiner leur interprétation des votes dans des cantons très spécifiques, comme celui de Perpignan 9 où le compagnon de Marine Le Pen, Louis Aliot a obtenu 34,61 % des suffrages exprimés. Mais personne ne pourra vraiment dire que, globalement, l’UMP a fait de bons résultats.
Autre facteur à surveiller lors du second tour : les votes blancs. Ils devraient indiquer une tendance, pour une fois. Dans les cantons où un PS ou autre « socialo-communiste » affrontera un candidat FN, tant la progression ou le recul des abstentions, mais aussi des votes blancs, pourrait être significative. Dans le cas, bien sûr, où l’élection présidentielle se jouerait entre un candidat de gauche et Marine Le Pen, on s’y intéressera rétrospectivement. Ce qui semble sûr aujourd’hui, c’est que l’« effet Marine » se confirme. Même dans des cantons où le FN n’avait présenté aucun candidat, faute d’en trouver de fiables, n’importe qui d’à peu près présentable risquait de se voir rembourser ses frais de campagne, si minimes auraient-ils été (dans divers cantons, des candidats FN n’ont pratiquement pas fait campagne, et obtenu des scores). Selon un sondage, mais on sait ce qu’il faut penser des sondages, 27 % des abstentionnistes du premier tour pourraient voter FN là où ce parti peut se maintenir, voire l’emporter. Ce qui se profile pourrait bien être une véritable raclée pour l’UMP, et peut-être un renforcement de la gauche, avec quelques notables percées du FN. Quant à en tirer des leçons pour la présidentielle ou les futures législatives, c’est une tout autre histoire.
Eh bien, ce lundi midi, on dirait que c’est le graphique du [i]Figaro[/i] qui semble le plus clair. Il crédite le « Front de gauche » de 9 % devant les écologistes réunis (8,3°). Cela semble inclure, pour le FdG, l’extrême-gauche (0,6 %) recensée par [i]Le Monde[/i].
De toute façon, tous les partis (sauf l’UMP, qui ne commente pas) sont mécontents de la présentation des chiffres par le min. de l’Intérieur et faute d’avoir des bataillons de pigistes, la presse nationale (c’est plus facile pour [i]Le Parisien-Aujourd’hui[/i] pour l’IdF ou la PQR qui a des correspondants partout) patauge un peu.
En sièges emportés au premier tour, PS+Div. g. font un 200 tout rond, le PCF, 20, le PdG un siège. Les Radicaux de gauche emportent 17 sièges.
On ne sait pas trop s’il faut additionner les centristes à l’UMP et aux Div. d. :
divers droite (76), centristes (dix-huit, maudit émoticon qui se substitue au huit), UMP (92).