Nous sommes au carrefour Vogt – Atangana Mballa à Yaoundé ; il est à peine 07 heures du matin ; bien que nous soyons un lundi, l’ambiance ici n’a rien à envier à celle des jours de fête. Assis autour des tables, des jeunes gens des deux sexes,  visiblement abattus,  savourent avec le dernier appétit des bouteilles de bière pour certains, et des paquets de « vin de rouge » pour d’autres.  Bien que fatigués après une interminable nuit d’ambiance, les consommateurs n’hésitent pas à chaque fois de se lever pour esquisser quelques pas irrégulières de danse  au rythme de la musique assourdissante que déversent  les gros baffles posés aux angles de cette terrasse. Le regard des passants les laisse totalement indifférents ; bien au contraire, ils en ont besoin !

Un peu plus loin de là, au quartier Mimboman , au lieu dit terminus ; c’est un jeudi, il est 21 heures ; bientôt, dans 02 heures exactement,  vont commencer à décoller des bus de transport en commun à destination de Bafoussam, la capitale de la région de l’ouest du Cameroun. En attendant l’embarquement, les voyageurs à majorité jeunes attendent dans les nombreux débits de boisson aménagés sur l’immense esplanade de cette gare routière ; ici, l’alcool coule à flot ; même les filles n’ont aucune pitié pour leur santé que l’on dit pourtant délicate.

Ces deux images ne sont qu’une infime représentation de l’importance que les jeunes camerounais accordent à l’alcool. L’alcool est devenu à ce jour la chose la mieux partagée entre les jeunes. Au Cameroun, les événements heureux comme malheureux ne se vivent qu’autour des casiers de bières et autres. Il est très difficile aujourd’hui de rencontrer un jeune, même dans les zones rurales qui n’a jamais goutté à de l’alcool. Et pour expliquer tout ceci, presque tous les spécialistes accusent la mondialisation et surtout les campagnes publicitaires que font les brasseries locales et étrangères à longueur de journée sur les antennes de télévisions. Pour Mireille Moulion étudiante en sociologie à l’université de Yaoundé 1, «  cette forme de déviance prend fondamentalement ses racines dans le relâchement des valeurs traditionnelles africaines… ».

Le phénomène est très récurent dans les grandes villes camerounaises : des jeunes élèves, parfois même en tenue de classe se trémoussent dans des débits de boissons aux heures de cours, parfois en compagnie de certains de leurs enseignants. La mesure ministérielle interdisant l’ouverture des débits de boisson aux alentours des établissements scolaires n’étant vraiment pas appliquée. Même si plusieurs de ces jeunes boivent au début par mimétisme, ils finissent toujours par prendre gout au point de devenir totalement dépendant. Quant aux autorités, elles semblent ne pas mesurer l’ampleur du mal sur cette couche sociale hautement sensible. Il devient  alors très urgent pour les parents, enseignants, et leaders religieux de rappeler ces derniers à l’ordre, sinon le Cameroun est mal partie ! Car aucune jeunesse alcoolique ne sera jamais citoyenne, encore moins patriotique. /.