Ils mélangent tout : ce sont les actionnaires de Natixis, à peine moins grugés que ceux d’Eurotunnel, qui vont être ravis d’apprendre le montant des rémunérations des dirigeants régionaux du groupe BPCE (Banques Populaires – Caisses d’Épargne). Le Parisien (et Aujourd’hui en France) révèle un fac-similé d’un tract du syndicat SUD-BPCE, en masquant le total des rémunérations et leur « part variable ». Rien que 21 700 euros à 36 250 euros mensuels, en part fixe, jusqu’à plus de 57 500 au total, selon la région. C’est beau, la mutualité !

En 2011, les présidents des directoires des Caisses d’Épargne ont perçu de 245 000 euros (Auvergne-Limousin) à 435 000 euros (Île-de-France) pour la seule part fixe de leur rémunération. Voici de quoi réjouir les sociétaires et surtout les petits actionnaires du groupe BPCE, Natixis.

En avril dernier, SUD BPCE révélait que trois de leurs collègues s’étaient suicidées (Caisse d’Épargne Côte d’Azur, CE Bourgogne-Franche-Comté) ou avaient tenté de le faire (CE Bretagne-Pays-de-Loire).
Leurs dirigeants respectifs ne se portent pas trop mal. « À cela s’ajoute des rémunérations variables représentant plus de 50 % de la partie fixe, » signale Le Parisien du jeudi 20 oct. 2011 qui révèle les montants fixes des rémunérations.
Comptez donc au réel près 31 000 à 56 000 euros de revenu mensuel pour les dirigeants des caisses régionales d’Épargne.

Le Parisien ne liste que les rémunérations fixes. Elle vont de 260 000 euros annuels pour Jean-Pierre Deramecourt (Alsace) à 435 000 euros pour Bernard Comolet (Île-de-France). Le moins bien nanti est Maurice Bourrigaud (Auvergne-Limousin) avec seulement 245 000 euros. Outre B. Comolet, trois dirigeants frôlent ou dépassent les 300 000 euros (de part fixe, donc plus de 450 000 au total) : D. Patault (Bretagne-Pays-de-Loire, voir supra), J.-M. Carcelès (Languedoc-Roussillon), et J.-F. Paillisse (Aquitaine-Poitou-Charentes). N. Etchegoinberry, J.P. Levayer, ou A. Maire ne sont pas trop à plaindre non plus.

C’est, pour la plupart, en total cumulé, l’équivalent de la rémunération de Jean-Claude Trichet (367 863 euros), le dirigeant de la BCE (Banque centrale européenne). Pour la direction nationale des Caisses d’Épargne, ces rémunérations sont comparables à celles d’entreprises « cotées » de taille et chiffres d’affaires similaires. Cotées, certes, mais à combien de fois la valeur de leurs actifs réels ?

« La cuvée 2011 s’avère excellente pour les présidents, » rapporte le tract national de SUD BPCE. « Très fort encore, l’un des critères servant au calcul de leur part variable étant la satisfaction de la clientèle, il est consternant de constater que la plupart d’entre eux ont obtenu l’excellente note de 20 sur 20. ». Bien évidemment, ces notes sont très rares pour les commerciaux ou les agents de guichet. « N’oublions pas d’ajouter la multitude d’avantages en nature : voitures (luxueuses) de fonction, logements, budgets repas, voyages d’agrément, retraites supplémentaires, et d’autres dont la pudeur nous interdit de parler ici. ». C’est quasiment le train de vie de Dominique Strauss-Kahn au FMI (avantages en nature similaires, peut-être).

Conclusion du tract : « Dans une république digne de ce nom, ces quelques messieurs devraient être traduits en justice pour enrichissement sans cause. ». Ces rémunérations sont d’autant plus choquantes que, comme pour le Crédit mutuel ou les Banques Populaires, les Caisses d’Épargne s’apparentent à des organismes mutualistes. Les clients sont incités à prendre des parts sociales et devenir sociétaires. Les commerciaux des Caisses d’Épargne et des Banques populaires avaient été incités, le couteau dans le dos, à fourguer à tout va des actions de la dispendieuse Natixis, la banque d’affaires commune, actions dont le cours a fortement plongé.

Parcours confiance

« Parcours confiance », indique le site des sociétaires des Caisses d’Épargne. Les 4,3 millions de sociétaires des Caisses d’Épargne, les 3,8 millions de ceux des Banques Populaires, savent à quoi s’en tenir. Ils votent annuellement. En général, c’est en signant une délégation de pouvoir au président qu’ils le font. Sans trop savoir quelle est son exacte rémunération annuelle.

« Ce sont les seuls chiffres que nous avons réussi à arracher ce jour à l’omerta patronale, » indique le tract qui, lui, contrairement au Parisien, ne maque pas les parts variables et les totaux. Ils vont de 391 000 euros à 691 000 euros annuels. Soit 57 583 euros de revenu mensuel pour B. Comolet. Sociétaires de la Caisse d’Épargne d’Île-de-France, combien cela ferait-il de rémunération par part sociale que vous détenez ?

Ce sont aussi les salariés des sociétés de tailles et chiffres d’affaires équivalents qui vont être contents de constater le niveau de rémunération de leurs dirigeants. Ajoutons que ces derniers siègent parfois dans des organismes bancaires et en touchent des jetons de présence.

L’information du Parisien sera bien sûr, n’en doutons pas, reprise en une par tous les journaux du groupe Crédit Mutuel (L’Alsace, Le Pays de Franche-Comté, L’Est Républicain, Le Bien Public, &c.). Demain, dans votre quotidien régional. Déjà dans Le Parisien et Aujourd’hui en France. Mais reportez-vous plutôt à l‘original sur le site de SUD. C’est beaucoup plus édifiant.

N’hésitez pas à reproduire
Si vous sollicitez un prêt d’une Caisse d’Épargne, n’hésitez pas à imprimer notre visuel (21×20 cm) et à le produire. Cela devrait permettre d’obtenir (peut-être) un « geste de bonne volonté ».

Ce sont vos agios (si vous devez en régler), votre épargne, les rémunérations de vos comptes courants qui permettent aux banquiers de mener (très) grand train. Logés, convoyés, nourris, défrayés, ils peuvent bien vous consentir une « petite pièce », non ?

On se demande aussi pourquoi Le Parisien a cru utile de masquer les totaux. Les autres chiffres ne lui auraient pas été confirmés ? Pourquoi ? Les Caisses d’Épargne ne font-elles pas appel à l’épargne publique, ne sont-elles pas tenues de livrer ses chiffres non seulement à leurs sociétaires mais à tout investisseur du moment que Natixis est une société cotée ? L’argument (Natixis) vaut bien sûr ce qu’il vaut… Et pourquoi ne pas donner des chiffres mensuels ? Les sociétaires ne sont-ils pas en droit de savoir ?