Bien que l’école ne soit pas l’apanage de toutes et tous au Burkina, où les bourses sont parfois détournées, les écoles fort éloignées des lieux de résidence, l’accession des filles à l’instruction limitée, c’est de nouveau les scolaires et les étudiants qui manifestent leur défiance à l’égard du pouvoir de Blaise Compaoré.

La nouvelle est parvenue le 3 mars à Ouagadougou, capitale du Burkina Faso, le « pays des hommes intègres » selon l’appellation voulue par l’ancien président Thomas Sankara : « Tenado : des élèves traquent les policiers dans les cars de transport ». Le titre du Pays, quotidien indépendant de la capitale, laisse supputer que ce ne serait pas un seul bus qui aurait pris d’assaut par des scolaires voulant rançonner ou tabasser des policiers. Cet incident fait suite aux événements de Koudougou (Centre-Ouest) et de la capitale où « jeudi 24 février dernier, [des élèves et des étudiants] ont manifesté dans les rues de la capitale à la suite de leurs camarades de Koudougou pour réclamer vérité et justice. C’est ainsi que le gouvernement a pris des mesures pour apaiser la situation, notamment en arrêtant les policiers impliqués et en relevant le gouverneur du Centre-Ouest. ».

Mêmes causes, même effets qu’en Tunisie ? Pas tout à fait. Chômage et difficultés frappent les couches populaires et les classes moyennes, une certaine corruption est dénoncée, mais elle est moins concentrée par l’entourage de la présidence et la presse est relativement libre.

L’opinion est donc divisée. Tout le monde n’a pas approuvé la privatisation des compagnies de fourniture de gaz, eau et électricité, et les fréquentes coupures d’approvisionnement mécontentent largement dans les localités desservies. Le téléphone et l’Internet fonctionnent mal, et Germaine Kéré, du Pays, conclut : « il urge maintenant de prendre des mesures durables afin de donner une bouffée d’air à la population. ».

Cette « bouffée d’air » espérée, hors la capitale et Bobo Dioulasso et les principales villes, ce serait aussi de pouvoir survivre de l’agriculture et de bénéficier d’emplois. À la pénurie sur place s’ajoute à présent un certain tarissement des apports des émigrés, ceux de Côte d’Ivoire, où l’instabilité gouvernementale a des répercussions économiques, voire, dans une « moindre » (globalement s’entend) mesure, ceux de Lybie, coupés pour beaucoup de la possibilité de se rapatrier.

Tout comme en Tunisie, l’opposition est très fragmentée, et peu susceptible, aux yeux de beaucoup de Burkinabé, d’apporter des solutions rapides.

Ce pays, qui était dans les années 1970 et 1980, l’un des plus accueillants d’Afrique sub-saharienne, est désormais en proie à des phénomènes qu’il ne faut pas s’exagérer : « coupeurs de route et nombre croissant de vols à l’arraché, parfois avec violence, » résume les services consulaires français. Pour les résidents étrangers, tout comme pour les Burkinabé, l’émergence d’intermédiaires facilitant les démarches contre rétribution, est une source d’exaspération. L’approvisionnement en certains biens durables peut obliger à avoir recours à ces mêmes démarcheurs qui les rachètent à ceux bénéficiant de prêts pour les acquérir. Travailler pour des commandes gouvernementales expose à de longs délais de paiements mais peu d’entreprises peuvent se permettre de ne pas soumissionner à des marchés publics.

AfriScoop s’est peut-être imprudemment avancée en titrant « Burkina : les fusibles commencent à sauter ». Mais le « déficit de confiance entre gouvernants et gouvernés » semble patent et latent. L’intercession des Naabas (autorités coutumières, « sages ») a permis, de même que certaines mesures gouvernementales de limogeages de fonctionnaires, de ramener le calme. Précaire