Alors que le colonel Isaac Zida, au pouvoir depuis la chute de Blaise Compaoré, vient de remettre ce dimanche 16 novembre les clefs du pouvoir aux civils en signant officiellement la charte de la transition, le nom du nouveau président chargé d’assurer cette transition est désormais connu. Le diplomate et représentant du Burkina Faso aux Nations Unies Michel Kafando, a en effet été choisi par un collège de désignation et aura à sa charge l’organisation des prochaines élections présidentielles en novembre 2015. Une tâche des plus complexes pour Jean-Yves Ollivier, spécialiste des relations internationales.
Les défis qui attendent le successeur de Compaoré sont nombreux et la fragilité de la stabilité actuelle peut faire craindre un basculement rapide dans de nouvelles contestations. Car si les révoltés de Ouagadougou ont effectivement mis un terme à un pouvoir qui n’avait que trop duré et n’avait depuis de nombreuses années plus rien de démocratique, la situation ne devrait pas s’améliorer dans l’immédiat et les revendications des jeunes révolutionnaires (70 % de la population à moins de 30 ans), sur fond de chômage et de crises alimentaires, pourraient bien restées insatisfaites.
Comme le rappelle Jean-Yves Ollivier, cette région située au sud du Sahara, de la Mauritanie au Darfour en passant par le Mali, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad, présente un taux de croissance démographique supérieur à 3% et toujours très peu d’emplois : "il n’y a qu’une terre aride à gratter, pas suffisamment d’emplois rémunérateurs pour des cohortes de jeunes aux formations souvent mal adaptées et rêvant d’un avenir à l’image de ce qu’ils voient soir après soir sur les chaînes satellitaires. D’où l’émigration ou la fuite dans des "combines" de l’économie informelle, voire dans la contrebande tous azimuts, jusqu’au trafic de drogue".
"Y en a marre de Compaoré ! J’ai une maîtrise de droit mais pas de boulot", criait un manifestant sur la place de la Nation de Ouagadougou, rebaptisée depuis place de la Révolution. Et si l’on comprend aisément son désarroi et sa révolte, il est fort à parier que le gouvernement suivant n ‘y changera rien, et cela peu importe son orientation politique. Le peuple burkinabé a d’ailleurs bien du mal à croire qu’un homme politique providentiel puisse solutionner par un miracle démocratique les problèmes auxquels il est confronté au quotidien.
Le futur leader politique du Burkina Faso devra donc savoir composer avec une opposition jeune et insatisfaite, comme on l’a dit, mais qui peut être aussi impulsive voire hors de contrôle. Le saccage du parlement et le pillage des villas de Ouagadougou résonnent encore comme un avertissement pour l’opposition qui devra, si elle arrive effectivement au pouvoir, démontrer qu’elle peut faire respecter l’ordre et le respect des libertés, "et notamment la liberté de ceux qui ne sont pas d’accord avec elle", souligne Jean Yves Olliver.
En attendant, le nouveau chef de la transition, Michel Kafango, devrait jouir d’une certaine légitimité résultant d’un cadre institutionnel validé à la fois par Zéphirin Diabré, chef de l’opposition, Amadou Dabo, représentant de la majorité, et Luc Marius Ibriga, membre éminent de la société civile. Les autorités religieuses, très respectées par les Burkinabés, ont également apporté leur soutien à la charte de la transition.