Je ne veux pas croire qu’Anne Jouan, du Figaro, ait pu titrer « Brétigny : interrogations sur l’ampleur des vols après la catastrophe » et chapeauter : « une dizaine de victimes déplore la disparition d’objets personnels. Instructions auraient été données de minimiser ces faits, ce que conteste le parquet. ». Ou alors, elle est vraiment très forte, cette journaliste du service Société et faits-divers, et une brillante carrière peut lui être prédite au Fig‘, au Point, à Valeurs actuelles…
On se souvient que, aux lendemains du 12 juillet dernier et de la catastrophe ferroviaire de Brétigny-sur-Orge, la direction de la rédaction du Point validait un document censé émaner de celle des CRS et en amplifiait la teneur pour décrire des scènes de pillage d’une violence inédite depuis Mandrin, Cartouche ou Le Capitan.
Ajoutant l’injure aux blessures, Le Point accusait : « a-t-on voulu cacher une réalité trop dérangeante ? ».
Une source fut au moins identifiée ; Luc-Didier Mazoyer, directeur départemental de la sécurité publique, qui était formel : ni scène de pillage, ni violences urbaines. Conclusion du Point, « la synthèse de la DCCRS, même si elle ne mentionne pas le terme de cadavre, ni celui de pillage, semble bel et bien donner raison au syndicat » (de policiers, Alliance, en l’occurrence).
De deux choses l’une : soit Le Point livre le, les noms des auteurs du rapport de la DCCRS, soit celui du rédacteur du communiqué d’Alliance, et dénonce l’imposture du laxiste Manuel Valls, un vrai faiseur, qui, tel nombre de ses prédécesseurs (hormis Joxe, peut-être) est l’otage de la police.
Notez que la plupart des titres de la presse nationale ont embrayé derrière Le Point, tenant pour quantité négligeable les consœurs et confrères de la rédaction d’Essonne Info ou celles et ceux du Républicain, des feignasses sans doute, des localiers crades, qui ne savaient rien voir, rien entendre sur leur propre terrain, mais avaient l’outrecuidance de résumer : « nul caillassage ou émeute, comme certains ont pu l’écrire ». Come4News (voir « SNCF et RFF : les usagers veulent connaître l’état du réseau ») avait été du fort petit nombre reproduisant de tels propos.
Bref, la hiérarchie des CRS, jalouse du « coup de Tarnac » de Michèle Alliot-Marie, s’est sans doute offert une friandise compensatoire.
Croyez-vous qu’Anne Jouan, du Figaro, revenant sur les tirelaines et meutes assoiffées de sang de Brétigny-sur-Orge, allait rappeler les propos de Nicolas Dupont-Aignan pointant du doigt la barbarie qui fait « basculer la France dans l’horreur » ? Ou ceux de Guillaume Peltier, de Yannick Moreau, d’Éric Ciotti, de l’UMP ? Ceux de responsables du Front national pointant « comportements abjects et immoraux » ?
Qui ne s’est jamais fait balader et ballader (enchanter) par des informateurs censés dignes de foi jette la première pierre frappant Anne Jouan au front. Le sceau d’infamie, à cette aune, serait le mieux partagé au monde…
Mais quand même…
Anne Jouan fait état d’une « dizaine de victimes ». Petite dizaine, grosse dizaine ? Combien au juste et selon quelles sources. Conclusion : « aujourd’hui, seules deux personnes ont porté plainte pour vol ». Où sont donc les dizaines et dizaines ayant déposé plaintes contre × pour des faits qui pourraient être des vols (assortis de violences ou non) ?
En conclusion, on apprend aussi qu’Éric Lallement, procureur d’Évry, avait signalé que les biens de deux victimes ayant ou non signalé la disparition d’un agenda ou d’un portefeuille et d’un chéquier avaient été retrouvés à Paris, déposés à la gare RER du Châtelet.
En conclusion, il se serait produit quand même des vols (nombreux, massifs ? on ne sait, c’est le flou total&nbs;: il est fait état d’un téléphone portable et d’une valise…), mais ils seraient « le fait de ce que les policiers appellent un “voleur d’opportunité” ». Un seulement, allons donc… Et pourquoi pas le qualifier, ce voleur, en ajoutant quelque chose comme « un peu comme un policier ripoux qui découvre de l’argent avec des stupéfiants » ?
Mais auparavant, le chapeau et les deux premiers paragraphes rappellent bien à quel point les vols furent nombreux : « vols de téléphones portables, d’iPhone, d’appareils électroniques ou encore de bagages ». Et bien sûr, des consignes (venues de qui, par quel vecteur, relayées comment ?) ont réellement été données « pour taire ou minimiser ces faits ». Bref, vous croyez qui vous voulez, c’est au choix, face vous gagnez, pile, c’est ceux d’en face qui perdent.
La preuve que tout aura été fait pour minimiser : la SNCF précisait qu’une simple déclaration de vol, sans justificatif d’achat des biens, suffirait pour se faire indemniser. Dans cette France décadente où les hordes d’assistés sont prêtes à tout pour gruger les contribuables, leurs autres semblables usagers, &c., combien de telles déclarations ? Il faut les supputer nombreuses.
Toutefois, ce Corail Paris-Limoges devait être bondé de célébrités en première classe. Car figurez-vous que deux « wagons » (nécessairement de bagages accompagnés, sinon, il s’agirait de voitures) se trouvent encore « bâchés » et « sous scellés », ce qui fait que « personne n’a pu pénétrer à l’intérieur en raison de leur manque de stabilité ». Bah, cela prouve bien implicitement que les monte-en-l’air, comme autant de jeunes Vitalis (un Rrom immortalisé par Hector Malot) et Garofoli, les ont délesté de tout ce qui pouvait s’y trouver, soit des équipages, malles, sacs Vuitton, Lancel, Prada, des voyageurs aisés et cossues lectrices du Figaro Madame du Limoges-Paris. Mais les magistrats de Taubira font lanterner la SNCF qui attend toujours son autorisation d’y pénétrer pour constater l’ampleur du pillage.
Il n’y a en fait que la légende de la photo (faute de pilleurs en action, de caillasseuses tendant le bras ou brandissant des frondes, des employés de la SNCF) qui, neutre, ne prête pas à controverse.
Cette « ampleur des vols » qui suscite des « interrogations » mérite de figurer dans les annales des écoles de journalisme. Comment opposer « plusieurs sources proches du dossier » et le seul procureur d’Évry ? Comment faire de deux individus (lisez « un ou deux individus sans valise » et comprenez peut-être au moins deux, si ce n’est trois ou davantage…), repérés par des caméras de surveillance, l’arrière-garde du déferlement des naufrageurs ?
Soyons « justes » : après tant de mauvaise foi de ma part, j’ai plaisir à souligner qu’Anne Jouan ne s’était pas vraiment mobilisée pour reprendre à son compte les histoires de pillages et de hordes hurlantes.
Le fameux article du Figaro « Brétigny-sur-Orge : “t’as trouvé quoi dans les bagages ?” » était de Stéphane Kovacs et Caroline Sallé (enfin, l’article, pour le titre, allez savoir… l’intertitre, savamment mis en valeur, reprenait un propos de Christophe Crépin, de l’Unsa-Police : estropiées, amputés, étaient assaillis par des pilleurs, dont au moins « une quarantaine de voyous » forcément endurcis).
Cela se concluait alors par les mâles injonctions de Jérôme Dubus, conseiller UMP de Paris, qui réclamait une commission d’enquête parlementaire « sur ces actes ignobles que le gouvernement cherche à minimiser par tous les moyens ». Bruno Beschizza, autre élu UMP, dénonçait « toute une machine d’État qui s’est mise en branle (…) cela laisse supposer une vraie chape de plomb sur beaucoup d’autres incidents ailleurs en France… ».
Tout bon fait-diversier à connu maints policiers « scandalisés qu’on puisse remettre en cause leur parole ». Il faut leur concéder que parfois, ils sont vraiment de bonne foi (exemple-type : « ah, là, il était sur le point de craquer, je l’ai senti à même pas un doigt », confidence sur un interrogatoire mené par le « gentil », un policier adepte d’une secte évangéliste, très déçu par un ultérieur non-lieu).
Le Fig’ est symptomatique d’une certaine presse d’opinion encore à peu près respectable. Les faits semblent aller dans le sens que la direction de la rédaction souhaite, on fait donner le personnel de terrain. Ces faits sont démentis par ailleurs, on reprend platement les dépêches AFP ou Reuters. Ce qui fait que, là, on ne comprend pas trop pourquoi Anne Jouan a dû monter au créneau, au filet.
Il faut quand même rappeler qu’Arrêt sur images avait pointé du doigt Jean-Michel Decugis, du Point. Lequel, décrypteur doué des « pillages » de Brétigny, enseignait au CFPJ (Centre de formation et perfectionnement des journalistes de la rue du Louvre), et ne s’encombrait guère de détails dirimants lorsque sa démonstration aurait pu en souffrir. L’étrange construction du texte d’Anne Jouan est largement davantage déontologiquement correcte. Les apparences sont sauves…
Bientôt, peut-être, on nous annoncera peut-être qu’un spin doctor, un communicant de la SNCF a graissé la patte d’officiers de CRS, histoire de détourner un peu l’attention sur les causes de l’accident de Brétigny. Tout est possible. Quelle époque !
Signalons quand même que les victimes de la catastrophe de Brétigny, même indemnisées conventionnellement (par RFF, la SNCF et Axa), ne seront pas forcées en contrepartie de renoncer à toute action pénale. Que n’avait-il pas été écrit lorsque ces indemnités avaient été évoquées !
En tout cas, alors que Jacques Rapoport et Guillaume Pepy viennent de souligner la difficulté de mener des travaux de rénovation d’aiguillages « dans des zones très denses », personne n’a encore rajouté : en racailles banlieusardes. Enfin, dans le corps des articles, car… dans les commentaires…
Lesquels abusent dans les deux sens : non, « notamment cet article » (d’Anne Jouan), n’est pas vraiment « de la manipulation de masse pour créer un environnement propice au développement de la Droite dure ». Faut pas pousser…
Le pompon revient à un commentateur persuadé que « les voleurs en embuscade » ont fait dérailler le train (pour ne voler qu’un téléphone portable, et peut-être un seul ordinateur ?). Il n’est hélas pas unique en son genre… Les mêmes se retenaient sans doute de ne pas applaudir Charles Hernu lors de l’attentat du Rainbow Warrior (un bâtiment de Greenpeace).
Un autre commentateur a réussi à déduire que les deux voleurs repérés par les caméras auraient été « des passagers du train ». Allons bon… M’moui, l’hypothèse est recevable, mais non déductible de l’article.
Il est de fort mauvais goût d’ironiser sur un événement ayant provoqué plusieurs décès et handicapé, peut-être à vie, des personnes, lors d’un « bal » ferroviaire tragique. Mais que l’on se rassure : Le Figaro n’est pas déjà sur le point de nous révéler que, dans les deux voitures (et non wagons) plombées, s’entassent pêle-mêle les dépouilles des enfants de la classe moyenne inférieure asphyxiée par les taxes, celles des femmes garrottées par les impôts directs, des vieillards spoliés de leur maigres retraites. L’insurrection qui vient des tréfonds du lectorat du Fig‘, ces pauvres gens pouvant naguère rester propres et dignes, à présent en guenilles et livrés aux coupe-jarrets, et restent certainement révulsés, attendra sans doute les jeux sportifs gays et lesbiens pour se manifester.
Quant au Point, ma foi, le voici qui s’intéresse à la racaille de Levallois-Perret. Un certain Patrick B. et son épouse, Isabelle, ayant déjà bénéficié de la mansuétude laxiste judiciaire (15 mois assortis de sursis), seraient soupçonnés d’avoir dissimulé le produit de leurs rapines et chapardages en Suisse. Avec l’aide de complices soudoyés appartenant aux services de police municipaux. Il s’agirait d’habitués des séjours aux Antilles. Comme leur patronyme est étranger, il sera sans doute dissimulé… C’est le genre d’individus dont la police s’approche peu du domicile : pompiers et policiers en sont à craindre de recevoir des sacs de golf, lestés de fers et de bois, jetés du haut des balcons.
Un certain Nicolaï S., fréquentation du couple, serait aussi possiblement impliqué…
« Le Fig’ est symptomatique d’une certaine presse d’opinion encore à peu près respectable. Les faits semblent aller dans le sens que la direction de la rédaction souhaite, on fait donner le personnel de terrain. »
il ne s’agit donc plus de journalisme mais d’un simple vecteur d’informations comme peut l’être (bien plus agréablement) le zinc d’à côté
J’approuve le Fig; il faut faire peur à un max de retraités devant la deferlante des cocos
j’approuve le Monde: il faut rassurer les bobos en méprisant la populace.
La seule consigne qui vaille issue de quelque régime que ce soit:
circulez il n’y a rien à voir… alors les affabulations des uns ou des autres … supputons, supputons !
Bonjour,
Je suis toujours épatée par cette manie de personnes qui se disent journalistes de ne considérer que les services étatiques ou syndicats de fonctionnaires comme seules sources d’information valables.
Entre autres, il faut constamment leur rappeler que tout crime ou délit n’entraîne pas nécessairement une plainte de la victime, surtout si celle-ci est décédée ou hospitalisée dans un état grave, et qu’en conséquence, quand bien même des plaintes sont enregistrées pour des faits qui ne sont pas imaginaires et peuvent de plus être complètement et parfaitement décrits et circonstanciés, elles sont rarement représentatives de toute la réalité considérée ou recherchée.
Cela dit, comme je n’étais pas sur les lieux de la catastrophe, je serais bien en peine de dire quoi que ce soit sur d’éventuels pillages.
P.S. : Le Fig’ sur Méluche :
[url]http://www.lefigaro.fr/culture/2013/10/08/03004-20131008ARTFIG00398-melenchon-un-commediante-tres-indigne.php[/url]
et puis les mains courantes ne sont pas considérées comme des plaintes (certaines « instructions verbales » aux plantons de service pourraient porter à le croire)
Bonsoir,
Après Libé et le Fig’, si on passait à Mediapart ?
C’est le « coucou de la presse » selon Me Jean Veil, information que l’on trouve… tiens, curieusement, dans Libé et le Fig’ :
[url]http://www.liberation.fr/societe/2013/10/08/mediapart-vers-une-interdiction-des-enregistrements-de-dassault_937809[/url]
[url]http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2013/10/08/01016-20131008ARTFIG00599-dassault-mediapart-decision-le-18-octobre.php
[/url]
Bizarre, comme expression, non ?
Qu’est-ce à dire, au juste ?