Quel est le nom de ton cri Deraa ? Insurrection, révolution ? Toi qui du fond des abîmes de la souffrance, surgis , poussant ce cri à faire trembler le désert perdu, l’âme oubliée de la Syrie et d’errement en errement où vas-tu donc ? Un cri si longtemps réprimé par ta mère qui se répand dans l’espace déchirant le lugubre silence, déchirant les ténèbres de la peur, les nuages obscurs. Qui sont-ils ces hommes infâmes s’évertuant à éteindre les étoiles de ta vie, s’employant à te ficher tel un paria, faisant de ce parti Baas le leader de l’Etat, de la société et de toi un fantôme presque sans nom…Quel est ton dessein colère ? 

Même si le Liban, ton petit frère mutilé pendant si longtemps, tel un navire ivre, naufragé, aux parois éventrées perdu au milieu d’une mer glauque où gisaient des dépouilles tâchetées de sang se mourrait seul sous ton regard cynique de maître régnant, sans la moindre compassion, nos liens de sang demeurent inaliénables. Tes soubresauts sont les siens…
Après avoir fait preuve d’ouverture d’esprit par rapport au printemps arabe naissant en dehors de chez lui, Bachar el Assad du sommet de sa pyramide s’obstine à croire que son pays est en proie à des manipulations orchestrées par des étrangers et ne se résoud pas à admettre les véritables causes des turbulences le mettant en péril. Et c’est à coups de répressions mortelles, que le régime oublieux des déboires de ses homologues sourds à l’ivresse de la Place Tahrir, Place de la liberté, tente d’étouffer des aspirations inaliénables pour lesquelles les sacrifices à payer sont inestimables. Seuls dit-on, des milliers de messages SMS venus d’Israël appellant la population au soulèvement seraient responsables du chaos et les Syriens vivraient en parfaite harmonie avec leur politique !
Sacré paradoxe que la participation des combattants du Hezbollah à oeuvrer au profit du régime baassiste sans tenir compte des revendications des insurgés dans un pays où la minorité Alaouite représentantant 10% de la population tient à elle seule les rênes du pouvoir. Mais pourquoi au Bahrein s’offusque-t-on de voir une minorité sunnite s’accaparer du pouvoir dans un pays chiite !  Deux poids, deux mesures…
Toi Deraa, la rebelle, ton  nom n’est-il pas la liberté, celle qui refuse de s’enfermer dans un carcan idéologique, de quelque nature qu’il soit ? Ton parfum, tes couleurs, ta ferveur venues de très loin, venues du néant ressemblent à une vague incontrôlable semblable à celle qui mit en échec la présence française pour laisser flotter le drapeau national. Ton nom n’est-il pas la Liberté à l’état pur, celle qui se décline sans artifice, celle qui réduit les larmes en débris de cendres, celle qui enflamme les étoiles pétillantes du destin ?  Avec elle renaîtra dans le sourire de tes enfants, la fleur égarée de ta vie, laissant se consumer à jamais tes tourments devenus poussière azur. 
Aujourd’hui le président lâche du lest par une augmentation de 30 % des salaires, par des promesses de liberté d’expression, de réunion, de levée de l’état d’urgence en vigueur depuis le coup d’Etat de 1963,  de libération des détenus politiques, de mise en place "de mécanismes destinés à lutter contre la corruption". Cette liberté embryonnaire suffira-t-elle pour éclairer la Syrie, pour éteindre les reflets de tristesse des visages blasés, pour panser les ailes brisées, pour ramener les rayons d’or de la vie ? Qu’adviendra-til des contestataires de cette journée de grande prière qui déferleront de Damas, Homs, Hama, Alep, Deir el Zor, Soueida ?
 Que tu es belle Syrie, qu’il fait bon se perdre dans tes souks de Damas au délicieux parfum de l’Orient préservé de la modernité ! Ces bourrasques ramèneront la liberté mais toi, ne te laisse pas mourir, ne perds surtout pas ton âme !