Vous vous souvenez de l’affaire de la « mémoire de l’eau » ? Le chercheur Jacques Benveniste soutenait qu’une substance devenue diluée dans l’eau au point d’être indétectable pouvait garder des propriétés (électromagnétiques) actives. Ce fut tout bénéfice pour les laboratoires lyonnais Boiron, qui cherchent toujours à « mieux comprendre » les effets des hautes dilutions homéopathiques et la thermoluminescence. Mais qui tenterait de « mieux comprendre » en dehors d’eux risque de se voir poursuivi en justice.

Il y a peut-être un « fond » de réalité dans les travaux de Jacques Benveniste et les recherches sur les dilutions à doses homéopathiques, mais mieux vaut ne pas trop gratter ce fond. Je me souviens d’une fort sympathique médecin allopathe strasbourgeoise, épouse d’un confrère de l’AFP, qui jurait mordicus que l’homéopathie était efficace. J’appréciais en tout cas qu’elle se livre à un examen très approfondi de chaque patient et sache reconnaître quelques limites aux traitements homéopathiques.

Par ailleurs, comme l’estime une mienne amie, médecin spécialiste ukrainienne, pour un rhume, « c’est sept-huit jours sous traitement, une semaine sans » afin d’en venir à bout. Ce qui est vrai et faux, si le dit rhume entraîne ou non rapidement des complications.

Or donc, ma chère défunte mère, à chaque fois que je prenais un coup de froid en cour de récréation, me faisait ingurgiter des granules d’Oscillococcinum des laboratoires Boiron. Je ne sais au bout de combien de temps je cessais de renifler, ou pas, mais aussi d’épouvantables crises de trachéite qui me laissaient épuisé. Ma chère maman, qui se faisait aussi pratiquer des séances de sympathicothérapie (soit le chatouillement interne des narines), devait quand même avoir une confiance limitée dans l’homéopathie et d’autres médecines douces puisqu’elle fit procéder sur ma personne à l’ablation des amygdales (tonsilles) et des végétations (adénoïdes). Ce type d’ablation chirurgicale, quasi systématique jusqu’aux années 1980, est depuis quelque peu tombé en désuétude. Peut-être cela a-t-il contribué à réduire certaines défenses immunitaires qu’un traitement homéopathique contribuerait – le conditionnel s’impose – à renforcer (enfin, celles-là ou d’autres).

Nocive pour l’intelligence

Mais il ne faut pas badiner avec l’homéopathie, révèle Rue89 faisant état des mésaventures de Samuele Riva, créateur de Blogzero. « Pourquoi Boiron me menace-t-il ? C’est quoi ma grosse erreur ? », ironise-t-il encore en publiant la lettre comminatoire de la filiale italienne de Boiron. L’article « homéopathie : mythe et légende » a déplu. L’homéopathie pourrait, selon S. Riva, « nuire gravement à votre intelligence et à celle de votre entourage. ». La dottoressa Slivia Nencioni n’a pas du tout goûté ce trait d’ironie. Du coup, divers sites européens et autres reprennent, sans se concerter, la phrase incriminée. Et reproduisent mêmes des captures d’écran des pages que le blogueur italien, intimidé, a fini par supprimer.

Je n’ai pas beaucoup de sympathie pour les vétérinaires qui poursuivent l’un ou l’autre de leurs confrères préconisant des traitements naturels alors qu’eux-mêmes fourguent parfois à tout-va des antibiotiques, et tant qu’à faire, j’aimerais plutôt retrouver dans mon alimentation des traces de traces de traces d’éléments homéopathiques infinitésimaux.

Mais je me souviens aussi des effets de l’ergot de seigle et de l’affaire récente, à tort dénommée « du concombre espagnol » (une contamination mortelle ou invalidante due à des semences biologiques).

Pour nos amis les bêtes

Heureusement, les laboratoires Boiron se contentent de préconiser des médicaments « de confort » ou palliatifs pour les ruminants et les animaux équins. Si les 30 ml de solutions destinées à éviter toutes sortes de maux aux animaux domestiques évitent de coûteuses visites chez le vétérinaire, tant mieux (et comme Médor ou Félix risque d’être écrasé par une voiture avant que ses symptômes soient trop apparents…).

Par ailleurs, j’affirme que la calendula est bien une substance calmante pour les peaux (celle des lèvres en particulier). Je ne connais pas le taux de dilution (s’il en est) de Calendula Gel, des labos Boiron, mais je note que le souci officinal (Calendula officinalis) n’aurait pas d’effet autre que placebo si on l’emploie dans un dentifrice et je me satisfais généralement de préparations génériques. C’est beaucoup moins cher, plus efficace, et à peine moins pratique qu’un bâton pour les lèvres gercées frappé d’un sigle cosmétique quelconque.

Je ne suis ni médecin, ni scientifique, mais je me demande bien pourquoi Boiron commercialise une crème douce à base de paraffine (Paraffin, pour le descriptif Boiron, ce qui fait sans doute mieux) et de lanoline (Lanolin, idem, la capitale change tout). Quelques gouttes d’eau avec des dilutions ne suffiraient pas ? Et pourquoi donc tant d’ingrédients (36, rien que cela) dans un simple tube labial Homeostick ? C’est vendu plus d’un euro le gramme. Soit 1 125 euros le kilo. Alors que le produit Neutrogena se vend un bon tiers moins cher et qu’on trouve bien meilleur marché chez Ed ou Lidl.

Bon, je n’écrirais pas que Boiron nous prend pour des gogos : ses produits ayant des quasi-équivalents moins onéreux sont sans doute plus efficaces. En tout cas, on peut le croire…

Ne point désespérer Belfort

Boiron a quelque 40 implantations en France, dont l’une à Belfort, ville qui m’est chère, et je ne voudrais surtout désespérer son « Billancourt » homéopathique. Il existe aussi des filiales au Burkina Faso, au Sénégal, en Tunisie, &c. Ainsi que sur tous les continents. Le chiffre d’affaires du groupe, au premier trimestre 2011, n’est en retrait qu’en Roumanie, Hongrie, Russie et la progression globale dépasse les six pour cent. 520 millions d’euros seront sans doute réalisés à la fin de l’exercice et le dividende est de 70 centimes d’euros par action. On peut sourire de tout mais il ne faut pas trop s’esbaudir avec cela, n’est-il pas ? Ces dernières années, le titre oscille entre 24 et 33 euros. Comparez, c’est une assez bonne affaire.

Notre conseil : Acheter (mais ne pas utiliser ses dividendes pour acquérir inconsidérément des médicaments Boiron ; consulter votre médecin au besoin).