Femme, Black et pauvre en Amérique au début du siècle dernier.
Le cumul des handicaps ? Sûrement. Et pourtant…

Pour Bessie Coleman, avoir des ailes est son rêve américain à elle.
Elle fera tout pour le réaliser. Des champs de coton du Deep South aux petits boulots d’une ville à l’autre. L’université en pointillés… Puis manucure et esthéticienne à Chicago, à un moment où ces activités se développent dans la bourgeoisie black. Un moyen de s’autofinancer.
Là bas, si on n’a pas la chance de naître riche, on exerce 10 métiers, on bouge et on se reconvertit quand on trouve une opportunité; on économise, et on finance ainsi ses études ou ses passions.

 

En 1919 à 27 ans, lassée des refus racistes et sexistes des écoles de pilotage US, Bessie Coleman vient en France où elle obtient le premier degré de pilote. Les Français sont alors réputés les meilleurs aviateurs du monde ! Et notre langue est celle de l’aviation comme de la diplomatie. Difficile à imaginer aujourd’hui…

Avec des instructeurs qui se sont illustrés pendant "la grande guerre", Bessie progresse vite et dans les 2 années qui suivent, elle se forme à la voltige et au vol au long cours.
Fin 1921 elle est diplômée "pilote international" pour reprendre la terminologie de l’époque.

L’Amérique, dans un de ces revirements surprenants qui nous étonnent toujours, l’accueille alors en super star. Broadway lui fait un triomphe.
Comprenant que le talent a besoin de la pub’ pour triompher, elle surjoue son rôle d’aventurière pour occuper la une des journaux et être invitée dans toutes les stations de radio.
D’aucuns lui reprocheront quelques mauvaises fréquentations, des bad boys et de vrais gangsters qu’elle rencontre dans les boîtes de jazz de Chicago,  les tripots de New York et les bars d’aviateurs. Lesquels ont alors la réputation d’être des daredevils arrogants et alcooliques.

 

Mais c’est banal de dire que les gens qui réussissent à mener leur vie hors du troupeau, échappant aux bergers et à leurs chiens, évoluent plus ou moins dans des milieux interlopes où leurs amis ne sont pas tous de bons paroissiens. Au grand dam des moutons dociles et frustrés…
Voltigeuse téméraire et parachutiste émérite, elle gagne beaucoup d’argent mais a des principes : elle refuse des cachets somptueux si les Noirs ne sont pas admis au premier rang du public avec les Blancs.

En 1926, son avion part en vrille, Bessie est éjectée et le zinc s’écrase en flammes.
On parle de sabotage, mais le mécanicien qui a oublié la clé fatale qui a bloqué les commandes était à bord et meurt lui aussi.
Le testament de Bessie tient en ces quelques mots prononcés peu avant l’accident :
"Rien n’est impossible. Nous pouvons tous réaliser nos rêves si nous le voulons. Ne laissons personne nous en empêcher ou décider à notre place !"

 

Bessie a ouvert une route. Un chemin de fortune qui deviendra voie royale.
Dans les années 30, Janet Harmon est la première noire à obtenir sa licence de pilote professionnel aux USA cette fois. La crise, puis WW 2 freineront sa carrière, mais en tant qu’ instructeur
elle ouvre les écoles de pilotage aux filles de toutes origines, et crée la première association de pilotes professionnels en Amérique.

D’autres suivront. De plus en plus nombreuses.
Lignes aériennes, USAF, FAA (Federal Air Administration)
Et NASA avec les astronautes afroaméricaines Mae Jemison, Yvonne Darlene Cagle, Joan Higginbotham et Stephanie Wilson.

Dans le même temps, des ATPL (pilotes de ligne) africaines viennent se former aux States.
Et depuis 2011, plus personne ne s’étonne de voir aux USA, sur des vols commerciaux, des équipages commandant de bord et copilote blackettes.