Commençons plutôt par le supplétif de BHL qui lance un vibrant appel à l’infiltration de forces spéciales en Syrie chargées de convoyer des armes, Bernard Schalscha. Sur La Règle du Je(u), financé par BHL, celui qui estimait voici peu que la Ligue arabe avait « passé un accord avec la mafia de Damas » veut de nouveau, pour des raisons uniquement éthiques et morales, que « les services secrets » fassent « entrer clandestinement » du matériel de guerre en Syrie. Et vous savez aussi pourquoi ? Pour ne pas laisser « le champ libre aux fous de Dieu qui reniflent la bonne occasion d’infiltrer leurs hommes en territoire syrien ». Comme si ce n’était pas déjà fait, comme si ceux que BHL étreignait en Lybie devant les caméras n’étaient pas déjà sur place, avec du matériel qatari, épaulés par des forces spéciales.
Au passage, il voudrait que Nicolas Sarkozy reprenne la tête d’une coalition d’une légion de volontaires français pour aller contrer l’armée alaouite, les services russes, chinois, iraniens… sur le terrain. Enfin, de loin, hein !
Dans The Huffington Post, avec Homs, BHL « tient » son second Benghazi, « capitale syrienne de la souffrance ». Sortez les mouchoirs de leur métropole mondiale, Cholet, en Maine-&-Loire.
« Trop, c’est trop », et c’est effectivement trop pour les civils d’Homs bombardés, molestés et pire encore. BHL, qui avait singulièrement oublié la « géographie », notamment démographique et sociale, libyenne, admet cette fois que la syrienne importe. Mais c’est encore une fois accessoire. BHL pousse son cri « Stop ! ».
Il souhaite des bases arrière en Jordanie, Turquie et « peut-être » au Liban. Pourquoi peut-être, puisque c’est déjà le cas ? Il voudrait des sanctuaires pour l’Armée syrienne libre « équipée d’armes défensives ». Pourquoi seulement « défensives » ? Pourquoi pas le même genre d’armements français que l’on retrouve désormais un peu partout, du Liban à la Mauritanie ?
C’est avec des armes défensives que l’on détruit des blindés et de l’artillerie ?
L’appui actif de la Turquie qui aurait, face à l’Iran, « choisi depuis longtemps son camp » lui semble définitivement acquis. C’est un peu simplet.
Son apothéose, son épiphanie, destinée à l’opinion publique américaine, c’est que Assad, si on le laissait faire, transformerait la Syrie « en un nouvel Irak ». Avec des armes de destruction massives, et la pax de Saddam Hussein. Lequel, comme nul n’en ignorait en lisant la presse américaine, était l’inspirateur, ou le suppôt, cela variait, d’Ossama Ben Laden.
À moi, les truffes !
Les gogos, en particulier les contribuables, sont priés de se rallier au panache blanc de BHL et de cracher au bassinet. Pour quels résultats, à court, moyen ou long terme, on ne sait trop. Enfin, si. Il s’agit de conforter la très démocratique Arabie et d’autres pays du Golfe dans une alliance avec Israël pour mieux menacer en retour l’Iran.
Évidemment, il ne s’agit pas d’égorger tous les Alaouites, pas plus que les révolutionnaires Libyens de Syrte, qui ont retrouvé leur cité dévastée, ne sont – pour le moment – déjà massacrés. Ils ne sont que très amers, il ne leur est pas déjà imputé d’avoir été des éléments kadhafistes infiltrés dans les milices et les brigades révolutionnaires.
Heureusement, dans le même Huffington, Josef Olmert et d’autres apportent un éclairage différent.
Les dirigeants saoudiens, comme les qataris, poussent à une intervention israélienne, appuyée par les États-Unis, contre l’Iran. Inutile de dire qu’ils se contrefichent du sort des sunnites syriens, et plus encore de celui des chrétiens, des Kurdes, &c.
Exactement comme BHL se moque bien du sort des Africains ou les Libyens noirs, des Toubous et d’autres qui, en Libye, comme les civils des anciens fiefs kadhafistes, sont forcément dans le camp des perdants et qu’il en advienne ce que pourra. BHL agite ses petites mains blanches, c’est, pour lui, l’essentiel.
Car une tournée des popotes dans les zones sécurisées tant espérées, si possible sur invitation du Qatar et tous frais payés, accompagné des caméras d’Al-Jazeera, si possible lors de la sortie de son film sur la Libye, serait une très bonne opération.
Et puis, tant qu’à faire, rester encore cinq ans la « conscience humanitaire » et de « gôche » d’un Sarkozy foudre de guerre présenterait quelques éléments de confort. Il parviendrait peut-être à faire en sorte que quelques très riches Syriens, dont l’argent est déjà dans des banques occidentales, ne soient pas trop inquiétés par les services de l’immigration, quel qu’aurait pu être leur passé pro ou anti-Assad.
100 000 Libye
Comme Kadhafi en Libye, Assad fut prompt à réprimer. Il s’agit de faire en sorte de le pousser à réprimer encore plus cruellement, de façon qu’il puisse soutenir aux Russes et aux Chinois qu’il ne peut plus faire autrement, qu’il ne dispose plus de marche arrière.
S’il en était autrement, BHL serait déjà à Pékin ou en train de se faire photographier avec Poutine.
La triste réalité est que la Syrie d’Assad en rébellion est comparable à la Hongrie de 1956. Mais avec de toutes autres interventions étrangères. L’autre différence est que l’opposition syrienne est sans doute beaucoup plus fractionnée que la hongroise d’alors. Y compris certains déserteurs de l’armée du régime n’ont sans doute guère envie de retourner combattre, leur sécurité leur important davantage. Mais leur dénuement croissant peut les faire changer, sinon d’avis, du moins d’attitude.
BHL voudrait que se lève un peuple en armes. Cela fonctionne peut-être en Grèce (où la résistance à l’occupant fut forte), en Afghanistan, mais il faut généralement un encadrement très fortement motivé idéologiquement et imposant une discipline de fer, comme au Vietnam. Il n’est pas du tout sûr que la Syrie réunisse ces conditions, si ce n’est sous la férule de combattants islamistes aguerris.
« L’humanitaire » BHL se pose surtout en va-t-en-guerre, quelles que soient les conséquences pour les civils. De tous bords ou d’aucun.
Croisé pour sa gloriole
Il n’a pas encore trouvé, dans la diaspora syrienne, avec qui poser le bras sur l’épaule. Peut-être pour cause… Aucune figure médiatique ne se dégage déjà. Mais on finira peut-être par lui en fabriquer une. Si possible un nouveau Massoud qui n’avait pas laissé que de bons souvenirs à Kaboul. À défaut un diplomate ayant fait défection. Ou Burhan Ghalioun (CNS). Ou un autre.
Il semblerait légitime, effectivement, d’armer les habitants de Homs. Mais cela supposerait aussi que l’armée syrienne soit beaucoup plus profondément divisée qu’elle ne l’est, selon la plupart des observateurs. Les armer davantage pour le moment, c’est prendre le risque des les envoyer frontalement et massivement à la boucherie. Sans qu’on soit sûr que cela ne finisse pas comme pour les Juifs du ghetto de Varsovie. Ils n’avaient sans doute absolument plus rien à perdre ; pour Homs un certain doute subsiste encore, même si, d’évidence, l’armée syrienne veut faire plier et se soumettre une population démunie, affamée, apeurée.
P.-S. – on ne reprochera absolument pas au président Sarkozy d’avoir cafouillé au sujet de l’évacuation de la journaliste du Figaro. Tout autre n’aurait sans doute guère fait mieux. Mais si cela pouvait inspirer un peu d’humilité au candidat Sarkozy, y compris sur le sujet de la Syrie, ce ne serait pas plus mal.
un mot sur la tribune de Brendan O’Neill dans [i]The Telegraph[/i].
Une certaine génération a vécu dans la nostalgie d’une guerre d’Espagne mythifiée.
Avec la Bosnie, on a eu des gens très sincères, qui se sont réellement engagés (certains sont d’ailleurs restés, et je pense à Bueb, par ex.).
Et d’autres qui se sont transformés en croisés pour se montrer, un peu comme des nobliaux sans foi ni loi partant pour les Croisades afin de guerroyer, et si possible de faire de nouveaux fiefs. Mais là, ils en guerroient que devant des caméras.
C’est ce qu’0’Neill évoque en dépeignant les nostalgiques du conflit bosniaque. BHL n’est pas mentionné, mais tout le monde y aura pensé.