Le secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés est candidat à la succession du chef d’Etat Zine el-Abidine Ben Ali fin 2009. Rencontre

Il a cet air affable et rassurant que l’on souhaite aux médecins de famille, les traits ronds et le regard doux, l’attention courtoise. Mustapha Ben Jaafar est bien docteur, ancien chef du service de radiologie de l’hôpital universitaire de Tunis, professeur à la faculté de médecine. Mais il peut aussi se montrer féroce. Depuis plus de trente ans, l’homme anime la scène de l’opposition politique tunisienne, après avoir fréquenté le Néo-Destour de Bourguiba dans les années 1960.

Initiateur de la Ligue locale des droits de l’homme en 1977, membre fondateur du mouvement des démocrates socialistes en 1978 et du Conseil national des libertés en Tunisie en 1998, secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) – qu’il a lancé en 1994, Mustapha Ben Jaafar est incontournable. Il pourrait, cette année, se présenter à l’élection présidentielle, si le pouvoir valide sa candidature.

«Nous savons bien que les dés sont pipés. L’opposition est totalement paralysée, on nous enlève les plâtres 15 jours par année pour faire bonne figure et on nous les remet après les scrutins. Nous espérons cependant, qu’à force de pressions, le régime sera poussé à davantage d’ouverture. 2009, qui verra se dérouler des législatives et des présidentielles, pourrait marquer un tournant.»

Fondé il y a quinze ans, le FDTL n’a été légalisé qu’en 2002. Il tente d’exister, depuis, malgré le cloisonnement imposé par les autorités; difficulté d’accéder à la sphère publique, site internet invisible dans le pays, entraves aux réunions et à la diffusion de l’hebdomadaire Mouatinoun, dirigé par Ben Jaafar… «On ne nous empêche pas de le rédiger – au contraire, il sert de caution à la propagande démocratique du régime – mais au lieu de pouvoir distribuer nos 3000 exemplaires, on ne nous en laisse que 500. Le pouvoir a tout fait pour constituer un décor pluraliste. Il a légalisé notre parti en espérant que nous jouerions le jeu, que nous deviendrons plus conciliants contre un accès au Parlement et un financement publique. Beaucoup sont rentrés dans ce système, pas nous

Mustapha Ben Jaafar déplore l’indulgence de la communauté internationale, trop prompte à se contenter d’une démocratie de façade, d’élections truquées mais régulières, de faux opposants et d’ONG inféodées. «La question migratoire est au c?ur de ces rapports. La Tunisie assure le rôle de gendarme pour préserver les rives occidentales de la Méditerranée d’un flux menaçant de clandestins. En échange, on lui fiche la paix.»

Le militant, lui, prône le développement d’une «démocratie préventive». «La politique actuelle fait le lit de l’extrémisme. Au lieu d’intervenir en pompier, lorsque le feu est déclaré, la communauté internationale pourrait prendre la Tunisie comme un laboratoire, elle qui s’inquiète de l’évolution du monde arabo-musulman et voit des talibans partout. Nous avons un vrai potentiel: une société homogène, une seule langue, aucune division ethnique, des filles qui vont à l’école, une tradition syndicaliste…»

A 68 ans et plus de trois décennies de lutte derrière lui, le père de famille refuse de perdre espoir, malgré deux dictatures côtoyées. «Dans les années 1940-1950, alors que j’étais encore en culottes courtes, personne ne croyait à l’indépendance du pays. Et pourtant les gens se battaient.»

Caroline Stevan – Le Temps (CH) – lundi 16 mars 2009


Le secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés est candidat à la succession du chef d’Etat Zine el-Abidine Ben Ali fin 2009. Rencontre

Il a cet air affable et rassurant que l’on souhaite aux médecins de famille, les traits ronds et le regard doux, l’attention courtoise. Mustapha Ben Jaafar est bien docteur, ancien chef du service de radiologie de l’hôpital universitaire de Tunis, professeur à la faculté de médecine. Mais il peut aussi se montrer féroce. Depuis plus de trente ans, l’homme anime la scène de l’opposition politique tunisienne, après avoir fréquenté le Néo-Destour de Bourguiba dans les années 1960.

Initiateur de la Ligue locale des droits de l’homme en 1977, membre fondateur du mouvement des démocrates socialistes en 1978 et du Conseil national des libertés en Tunisie en 1998, secrétaire général du Forum démocratique pour le travail et les libertés (FDTL) – qu’il a lancé en 1994, Mustapha Ben Jaafar est incontournable. Il pourrait, cette année, se présenter à l’élection présidentielle, si le pouvoir valide sa candidature.

«Nous savons bien que les dés sont pipés. L’opposition est totalement paralysée, on nous enlève les plâtres 15 jours par année pour faire bonne figure et on nous les remet après les scrutins. Nous espérons cependant, qu’à force de pressions, le régime sera poussé à davantage d’ouverture. 2009, qui verra se dérouler des législatives et des présidentielles, pourrait marquer un tournant.»

Fondé il y a quinze ans, le FDTL n’a été légalisé qu’en 2002. Il tente d’exister, depuis, malgré le cloisonnement imposé par les autorités; difficulté d’accéder à la sphère publique, site internet invisible dans le pays, entraves aux réunions et à la diffusion de l’hebdomadaire Mouatinoun, dirigé par Ben Jaafar… «On ne nous empêche pas de le rédiger – au contraire, il sert de caution à la propagande démocratique du régime – mais au lieu de pouvoir distribuer nos 3000 exemplaires, on ne nous en laisse que 500. Le pouvoir a tout fait pour constituer un décor pluraliste. Il a légalisé notre parti en espérant que nous jouerions le jeu, que nous deviendrons plus conciliants contre un accès au Parlement et un financement publique. Beaucoup sont rentrés dans ce système, pas nous

Mustapha Ben Jaafar déplore l’indulgence de la communauté internationale, trop prompte à se contenter d’une démocratie de façade, d’élections truquées mais régulières, de faux opposants et d’ONG inféodées. «La question migratoire est au c?ur de ces rapports. La Tunisie assure le rôle de gendarme pour préserver les rives occidentales de la Méditerranée d’un flux menaçant de clandestins. En échange, on lui fiche la paix.»

Le militant, lui, prône le développement d’une «démocratie préventive». «La politique actuelle fait le lit de l’extrémisme. Au lieu d’intervenir en pompier, lorsque le feu est déclaré, la communauté internationale pourrait prendre la Tunisie comme un laboratoire, elle qui s’inquiète de l’évolution du monde arabo-musulman et voit des talibans partout. Nous avons un vrai potentiel: une société homogène, une seule langue, aucune division ethnique, des filles qui vont à l’école, une tradition syndicaliste…»

A 68 ans et plus de trois décennies de lutte derrière lui, le père de famille refuse de perdre espoir, malgré deux dictatures côtoyées. «Dans les années 1940-1950, alors que j’étais encore en culottes courtes, personne ne croyait à l’indépendance du pays. Et pourtant les gens se battaient.»

Caroline Stevan – Le Temps (CH) – lundi 16 mars 2009


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