Allons donc, l’inflation diminuerait tant que la rémunération du Livret A ne devrait guère dépasser un pour cent… L’inflation serait tombée à 0,9 %. Oui, mais cela dépend pour qui, et pour quel type de consommation. En fait, pour les produits alimentaires frais, et beaucoup d’autres, c’est de l’ordre de 7 à 8 %. Et pour celles et ceux dont l’essentiel des dépenses consiste à se loger, chauffer, éclairer et nourrir, c’est la catastrophe. Ce sont aussi celles et ceux qui, si possible, encaissent les coups durs grâce au Livret A, celui de La Poste et des Caisses d’épargne, que toutes les banques ont voulu. Maintenant qu’elles l’ont, elles n’en veulent plus ou beaucoup moins. Donc, tout est fait pour qu’elles puissent proposer des placements présumés plus avantageux (sur le papier), en rémunérant ces placements de six à sept fois moins que l’inflation réelle que la plupart des petits épargnants subissent.
Le relèvement du plafond du Livret A fut une excellente opération pour les banques. Quelques bas de laine ont été placés, La Poste et les Caisses d’épargne se sont vues dépossédées d’un avantage (devenu effectivement indu puisqu’il s’agit à présent d’organismes privés), les clients d’autres banques simplifiant leur gestion en rapatriant les montants sur leur banque privée.
Mais voilà, maintenant que les fonds sont engrangés, il faut fourguer des produits annoncés plus rentables… paraît-il pour l’épargnant, mais surtout pour les banques, leurs hauts dirigeants. Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France et le facilitateur des créations de filiales bancaires dans les paradis fiscaux, lâche le morceau. Le renforcement des Livret A ou de développement durable privent les banques de fonds à engranger via des livrets d’épargne ordinaire. Partant, elles financent moins les entreprises. On est prié de le gober… Comme si les banques finançaient vraiment l’économie réelle, les TPE et PME qui font l’essentiel de l’emploi…
Le relèvement des plafonds « a eu un effet restrictif sur les ressources des banques », explique doctement Christian Noyer. Effectivement, la perte pour les banques est de 40 milliards d’euros. Sans doute moins, mais autant gonfler les chiffres pour mieux faire passer l’amère pilule.
En fait, toutes les banques françaises, en particulier Natixis et le Crédit agricole, sont dans le rouge, leurs fonds propres n’étant qu’une toute petite fraction de leurs engagements. Il leur faudrait donc renforcer leurs fonds propres pour que, comme l’Europe et la BCE n’ont plus d’argent (celui des contribuables) pour leur permettre de continuer à jouer au casino, actionnaires et déposants soient ponctionnés, comme à Chypre, en cas de désastre. Le gros désavantage des Livret A et LDD, c’est que les fonds ne sont pas disponibles, la banque prenant sa commission mais devant abonder la Caisse des dépôts et consignations.
Laquelle ne finance pas que le logement social et la politique de la ville, comme l’affirme faussement Christian Noyer pour la galerie, mais aussi d’autres investissements publics. Et surtout, en cas de faillites de banques, n’importe quel gouvernement tomberait si les fonds de ces livrets étaient ponctionnés pour sauver les postes de direction des banquiers.
D’où l’intérêt de l’opération : rendre ces livrets les moins attractifs possible, les moins rémunérés. L’État est censé aussi y gagner puisque cette épargne est défiscalisée, ce qui n’est pas le cas des autres produits bancaires. Mais en cas d’effondrement, l’avantage est double : on pourra faire plus facilement main basse sur les autres placements.
Challenges le rappelle : « Depuis la création en 1818 de ce qu’on appelait alors le "livret de caisse d’épargne", sa rémunération n’était jamais descendue sous 1,25%, un plancher connu entre le 1er août 2009 et le 1er août 2010. ». Pour la plupart des gens, ce taux de 1,25 est déjà très fortement spoliateur. Il est question, lundi, de faire passer qu’il tombe à un pour cent, soit que beaucoup de gens perdent de six à sept pour cent, car ils consomment peu de produits manufacturés dont, il est vrai, les prix « baissent » (pas forcément, mais comme ils sont plus perfectionnés que ceux qu’ils remplacent, même s’ils étaient un peu plus chers, il sera considéré qu’ils le sont « relativement » moins).
Il revient au gouvernement de trancher. On a déjà la réponse par avance : de toute façon, pour les plus pauvres mais pouvant un peu épargner, ils seront encore plus lourdement spoliés.
Les dirigeants des banques se frotteront les mains. Ils s’attendent à récupérer, selon Les Échos, environ 25 milliards d’euros (une dizaine du Livret A et du LDD, 15 du Livret d’épargne populaire, le LEP). De quoi renforcer les fonds propres, mais aussi spéculer, financer des Bernard Tapie, s’offrir des tableaux de maîtres, bref, placer là où le rendement est largement supérieur à l’inflation.
C"est le principe des vases « communicants ». C’est pour les entreprises, qu’on vous dit. Lesquelles ?
L’Express croit pouvoir pronostiquer que, puisque 96 % des foyers détiennent l’un de ces livrets, le risque politique est grand. Sous Sarkozy, le taux avait été raboté sans vergogne. En février dernier, au lieu de 1,75 %, il aurait dû être, en se fondant sur le calcul de l’inflation très habilement globalisé (hors tabac), de 1,50 %.
Cela étant, les plus malins et plus fortunés vont pouvoir en profiter, notamment en jonglant avec les offres promotionnelles à court terme, ouvrant des livrets B, les fermant, en ouvrant d’autres, à des taux certes réduits par l’imposition, mais bien supérieurs (sur trois mois par exemple, entre cinq ou six pour cent, à lus de trois sur un an) à ceux des livrets à taux encadrés.
Pendant ce temps, les 500 premières fortunes françaises engrangeaient des gains d’un quart, un rendement de 25 % en moyenne (mais avec des pics à 122, 75 ou 64 % pour certaines).
Déjà, alors qu’il avait été question de réviser, selon un mode de calcul plus favorable aux épargnants, la formule de fixation automatique du taux du Livret A (et livrets associés), le gouvernement avait reculé, sous la pression des banques. Lesquelles consentiraient bien à baisser leur commission de collecte (de 0,5 à 0,4 %), mais à condition d’obtenir plus que les 35 % des fonds récoltés – le reste allant à la CDC – pour en disposer à leur guise.
Les bons du Trésor public ont déjà été liquidés pour favoriser les banques, voici fort longtemps, mais elles sont toujours et toujours plus gourmandes.
Comme le déclarait à La Tribune l’économiste Michel Santi, de Finance Watch, « pourquoi nos banques centrales ne feraient-elles pas de leurs propres citoyens les ultimes bénéficiaires de leur politique monétaire ? Ne serait-il pas nettement plus productif (et autrement plus moral) pour les banques centrales qu’elles augmentent leur base monétaire en arrosant de liquidités, non les banques mais la population ? ». Elles financent l’économie ? Totalement faux. Elles appliquent surtout le programme de Margaret Tchatcher consistant à faire de l’argent avec de l’argent, et ne financent que les plus grands groupes industriels, pour les aider à délocaliser.
Les frais de tenue de compte « explosent » selon l’UFC-Que Choisir. Sur 105 établissements français surveillés, ils ont augmenté, dans 61 banques, de 56 % par rapport à 2010. La moyenne se situe à 22 euros annuels simplement pour détenir un compte courant (et à 43 si le compte reste dormant). Quand il s’agit de rémunérer les épargnants, c’est toujours plus bas, quand il s’agit de ponctionner les déposants, c’est toujours plus haut.
Quand donc les citoyennes et citoyens lanceront-ils un message clair, net, et sans appel ?
[b]A croire que la « représentation nationale », ou bien, reste, les bras croisés, ou bien, lâche et veule en face de banquiers qui n’en font qu’à leur tête…[/b]