Ce week end, les Journées européennes du Patrimoine – manifestation organisée chaque 3ème week end de septembre – attireront encore des millions de visiteurs dans nos innombrables monuments historiques. Les plus prestigieux seront alors pris d’assaut, et les plus modestes – même si certains trésors s’y dissimulent – seront, une fois encore, passés sous silence. Passionné de ce sujet, je vous livrerai une étude approfondie sur ce thème d’ici quelques jours, car le Patrimoine Historique fait bien partie de la Culture, voire de l’exception culturelle française.

Aujourd’hui néanmoins, à la veille de cette commémoration des vieilles pierres, il m’a semblé de bon ton de rappeler que ce patrimoine historique n’est qu’une invention récente. Plus précisément, le concept date de la Révolution française. Auparavant, la nation n’était pas reconnue, et seul le Roi disposait des monuments. Ces derniers étaient la preuve de la grandeur de son règne, ou de la trace, qu’il souhaitait laisser pour la postérité. Versailles, pour prendre un des exemples les plus célèbres, n’est qu’une démonstration de luxe et d’imagination pour impressionner les princes et autres monarques européens.

 

A cette époque –et cela est vrai durant tout le Moyen Age -, le monument est considéré comme un bien personnel, et on n’envisage pas la nécessité de sa conservation. Au contraire, certains monuments vont être détruits, au cours des siècles, pour faire oublier un évènement, un personnage,…. Aujourd’hui, nous nous émerveillons devant nos cathédrales gothiques. L’art, initié par Saint Denis, devait permettre aux fidèles de s’élever, à l’instar des nefs de plus en plus hautes, vers le Ciel. Ces cathédrales sont des chefs d’œuvre architecturaux, et cela ne fait plus guère de doutes. Mais, pour les bâtir, l’Eglise a détruit les anciens oratoires romans, qui eux aussi étaient de véritables trésors, qu’il nous est donc impossible de découvrir. C’est un « vandalisme utilitaire » certes, mais un vandalisme néanmoins.

 

Plus modestement, combien de cathédrales ou d’églises paroissiales ont vu leur jubé rasé et détruit, car les offices liturgiques avaient changé, et qu’il n’était pas opportun de maintenir cette séparation entre le profane et le sacré. Quelle importance de tout conserver me direz – vous ?  L’envie de connaitre et de comprendre…

Prenons un exemple précis. Vous pouvez, si vous visitez la cathédrale d’Amiens et / ou d’ Auxerre (il en existe d’autres, mais je vous épargne une liste exhaustive) , voir des labyrinthes tracés au sol. Chaque édifice en possédait un autrefois, mais au cours du XVIIIème siècle, l’Eglise décida de les effacer, car le jeu des Enfants autour de ces labyrinthes dérangeaient les fidèles. Mais, ces labyrinthes n’étaient pas là par hasard, puisqu’ils concrétisaient « symboliquement » le pèlerinage vers la Jérusalem Céleste. Les fidèles, les parcourant à genoux, pouvait gagner bien des Indulgences (il s’agit ici du rachat des péchés). Mais, ces labyrinthes servaient aussi à organiser la « Fêtes des Fous » dans chacune des paroisses de France.

 

Ces anecdotes, je vous l’accorde, ne vous apprennent rien sur la Grande Histoire, mais elles font partie de notre culture. Ce vandalisme n’a pas touché que le patrimoine religieux, mais combien d’aqueducs, de châteaux, d’abbayes, de villas romaines,…ont été transformées en carrière de pierres. Les raisons politiques sont encore plus nombreuses, et la révolution, elle-même, ambitionna d’effacer toutes les traces d’un régime autoritaire. Un grand nombre de tableaux, de statues,.., célébrant les rois thaumaturges par exemple, ont été détruit, avec la bénédiction de l’Etat, qui, à partir de 1792, se voyait confier une nouvelle mission : recenser et protéger les monuments historiques. Je vous en reparlerai prochainement donc, mais avant de refermer cette préparation à ce week end de découvertes, je tiens néanmoins à préciser, que le phénomène n’est pas récent, puisque Jean Jacques Rousseau écrivait :

 

 

Les Français n’ont soin de rien et ne respectent aucun monument. Ils sont tout feu pour entreprendre et ne savent rien ni finir, ni rien conserver.

(Les Confessions. Livre VI )