Aux espions virtuels de Renault des millions d’euros,

n’est-on pas dans la démesure ?

D’aucuns diront à énorme accusation, énorme réparation, cela dépend pour qui ? Quels sont ces cadres de Renault pour percevoir 11 millions d’euros en réparation du préjudice subi ? Même pour des erreurs de justice sur des affaires criminelles conduisant à la ruine de familles, de telles sommes ne sont que rarement prononcées ! Une accusation d’espionnage avec un licenciement à la clef est certes un motif méritant même la prison puisqu’il porte sur l’honneur des personnes accusées, mais ce n’est pas la mort, on en réchappe. Ce n’est pas tant la réparation du préjudice qui heurte, elle est logique, pas tant que ça puisque les coupables semblent avoir été préservés c’est donc que ce n’était pas grave, c’est la somme «des millions d’euros !» Beaucoup aimeraient être accusés d’espionnage à tord et percevoir en réparation des millions d’euros. On ne peut qu’être heureux pour ces cadres, mais ce serait de vulgaires pions, on n’en entendrait même pas parler. Alors tout esprit sain ne peut que se demander quelles sont ces personnes que l’on soigne si bien ? Qu’ont-elles de spécifique, quelle est leur valeur, quelles sont leurs relations ?

L’affaire Renault a commencé le 3 janvier par une accusation d’espionnage industriel et se termine en une vague magouille d’escroquerie. Trois mois pendant lesquels on a, au départ, accusé ces cadres sans preuves simplement sur des accusations péremptoires de la direction du groupe. Les cadres sont mis à pied sur le soupçon d’avoir renseigné sur le programme de Renault relatif à la voiture électrique. Le 4 janvier le groupe évoque des faits graves découverts en août 2010 à la suite d’une enquête interne et annonce déposer plainte. Le 10 janvier le directeur général délégué Patrick Pélata affirme que le constructeur est victime d’une filière internationale organisée mais refuse de confirmer à la presse la piste Chinoise présumée. Les Chinois l’auraient mal pris, on comprend bien qu’ils ne se gênent pas pour copier. Les trois cadres convoqués à l’entretien préalable à leur licenciement nient en bloc. Renault dépose plainte contre X le 13 janvier pour espionnage industriel, corruption, abus de confiance, vol recel, en bande organisée. Le 14 février Renault est conscient de s’être fourvoyé dans une fausse affaire d’espionnage. Le 3 mars la direction centrale du renseignement intérieur DCRI, ne trouve ni trace d’espionnage ni compte en Suisse. Le lendemain Patrick Pélata reconnait être victime d’une manipulation et propose la réintégration des trois cadres s’il se confirme que la société s’est fourvoyée, on connait la suite.

L’État qui est actionnaire à 15 % du capital de Renault entreprise devenue privée en à fait une affaire nationale qui depuis son début mobilise les médias, et veut des sanctions. N’y a-t-il pas de quoi s’étonner, alors que des problèmes bien plus importants portant sur les conditions de vie des Français, ne sont même pas soulevés. Le 18 mars Christine Lagarde n’hésite pas à déclarer sur Europe 1 «je veux d’abord que réparation soit faite et réintégration soit proposée», il y a des salariés qui dans cette affaire ont été victimes. C’est bien, rien à y redire, mais combien de salariés sont victimes d’abus de leur entreprise sans que notre ministre de l’économie s’émeuve. Il est vrai que Christine Lagarde aime bien réparer les injustices, l’affaire Tapie en est un exemple.

Sans polémique, si l’État ne serait pas intervenu, cette affaire aurait fait un chemin normal en justice correctionnelle et Renault aurait été condamné aux préjudices, et probablement pas à verser des millions d’euros ! Il y a donc bien en dessous quelque chose que nous ne savons pas. Certes Renault est une grande entreprise internationale dont l’État se doit de préserver la notoriété, mais c’est une affaire Française sans plus puisqu’il n’y a pas eu espionnage au profit des Chinois, mais probablement magouilles au sein de la direction de Renault.

Il y a d’abord Matthieu Tenenbaum directeur adjoint du programme des voitures électriques, l’un des trois cadres injustement licenciés par l’entreprise. Comme les deux autres Michel Balthazard ancien membre du comité exécutif directeur des projets et des prestations et son adjoint Bertrand Rochette travaillant au Technocentre de Renault à Guyancourt, dont on perçoit à travers la presse une lourde ambiance. Ce site de recherches de 12.000 personnes à 20 km de Paris exprime depuis quelques temps l’angoisse des salariés, trois d’entre eux se sont suicidés en 2007. C’est dire l’ambiance.

Ce sont donc des cadres de haut niveau, probablement ingénieurs mais de quelle école ? Le parcours de Matthieu Tenenbaum témoigne de son implication sur l’ensemble des aspects du véhicule électrique, après des postes de production chez Nissan en Amérique du Nord et Samsung en Corée, il a été chargé, en 2007-2008, de développer en Israël la filière électrique imaginée par Better Place, nouvel allié de Renault, voire Israël Valley.

Ce qui parait évident c’est que, outre les coupables de la direction dont le directeur général Patrick Pétala qui démissionne jouant ainsi le rôle de fusible, mais en fait ne quitte pas Renault puisque placé à un autre poste, quelle mascarade, les salariés par voie de conséquence devront payer la facture, et on ne voit pas comment Renault pourrait faire autrement.

Affaire Renault : le directeur général n’avait pas d’autre choix que la démission
LE MONDE pour Le Monde.fr | 11.04.11

© Le Monde.fr

Sur les trois salariés injustement licenciés, un devrait réintégrer le groupe. Matthieu Tenenbaum, 33 ans, comme l’a confirmé son avocat, au lendemain de l’annonce par Renault d’un accord de principe pour indemniser ses ex-salariés. «Il reste à déterminer dans quelles fonctions, cela se discutera ces jours-ci», a-t-il toutefois précisé. Les deux autres Michel Balthazard, et son bras droit Bertrand Rochette, ont en revanche refusés de réintégrer Renault.

Ce qui serait intéressant à connaître c’est l’obédience politique de ces cadres, on ne peut ne pas l’évoquer. Les implications sont telles au niveau de l’Etat qu’elles méritent d’être posées. On ne donne pas comme cela des millions d’euros à des salariés même pour une affaire grave s’il n’y a pas des influences politiques, qui peut croire cela ?