Auto-entreprises : gaffe au superflu et à l’inutile « qui va de soi »

Sauf à reprendre la clientèle de papa ou maman, d’avoir codirigé déjà une TPE, l’autoentrepreneuse ou le nouveau travailleur indépendant ayant opté pour ce régime n’est pas vraiment au fait de ce qui lui sera vraiment indispensable, le plus souhaitable… Mais dès l’inscription faite, les sollicitations abondent : fournisseurs potentiels, assureurs, prestataires divers… dont les arguments peuvent laisser entendre que leurs services vont de soi ou sont obligatoirement requis. Deux exemples…

En tant que journaliste indépendant, être inscrit – gratuitement – dans un annuaire professionnel ou figurer dans les Pages jaunes ne m’a jamais rien apporté de très tangible (hormis de recevoir des communiqués).
Encore que… Si, effectivement, très rarement : des personnes aux cas personnels quasi insolubles vous sollicitent, mais donnent rarement suite quand on leur demande des pièces, des justificatifs, d’autres témoignages.
Si, de fait, très fréquemment : tout indépendant est considéré entrepreneur, supputé même employer du personnel, et donc avoir besoins de fournitures, d’assurances, et de disposer d’argent à placer. D’où des appels, des propositions diverses, parfois insistantes ou présentées impératives alors qu’elles ne sont que facultatives.

Qui opte pour le régime de l’autoentreprise se voit systématiquement démarché. Deux cas doivent retenir particulièrement l’attention.
Le premier, c’est celui d’Info-Siret. Il s’agit d’un annuaire dont le formulaire a tout à fait l’allure d’une communication administrative. Cette « fiche d’enregistrement » semble exiger un versement par chèque « sous huit jours » d’un montant TTC de 197,34 euros.
Heureusement, au verso, dans les clauses, on s’aperçoit assez clairement qu’il s’agit d’un courrier émanant de la société Prolex et que l’offre « n’est nullement obligatoire ». Prolex ne doit pas être confondue avec le registre national du commerce ou Infogreffe.

Figurer dans un annuaire professionnel est peut-être utile, tout comme il n’est pas superflu pour un infirmier, une comptable, d’autres professionnels, de figurer dans les Pages jaunes. Les nouveaux arrivants dans un quartier peuvent avoir tendance à choisir la ou le proche de son domicile. Mais pour de très nombreuses autres professions, c’est totalement inutile. Surtout si l’annuaire en question recense trop de personnes, que son site ne permet pas une consultation aisée… Pour Info-Siret, c’est un peu différent puisque, pour tout le 10e ar. parisien, le site semble n’indiquer qu’une seule entreprise de plomberie.
En revanche, ce site propose divers formulaires qu’il est généralement possible d’obtenir, ailleurs, gratuitement, mais qui sont facturés.

D’autres sociétés, comme Europe-register (.info), celle proposant de figurer sur un registre APE, ou de remplir une fiche RSI, ou cette autre proposant de remplir une fiche Infos-Kbis procèdent du même « registre », soit une offre commerciale facultative.

Au moins est-il indiqué quelque part que l’offre est facultative.

Plus surprenant s’annonce le prospectus commercial de la Mutuelle Prévifrance. Il s’orne d’une réplique conforme du logotype du RSI (Régime social des indépendants). 

« objet : votre inscription obligatoire à notre organisme conventionné RSI (…) Nous allons donc traiter désormais vos prestations d’assurances maladie ou maternité ». Certes, mais il s’agit des prestations complémentaires au régime général du RSI et vous êtes parfaitement libres de souscrire ou non à toute autre mutuelle…
Si vous en doutez, téléphonez à « votre conseiller » dont le nom et le numéro de téléphone figure sur le prospectus. Il vous confirmera que souscrire une couverture complémentaire n’est nullement obligatoirement requis.
En tout cas, si vous n’êtes pas souffrant, ne pensez pas l’être et ne savez pas trop si vous pourrez payer votre loyer à temps, réfléchissez à l’opportunité de souscrire une mutuelle dès la création de votre TPE d’indépendant.

Prévifrance n’est autre qu’une mutuelle, anciennement SMIP, ayant absorbé la société Oreade, une société d’assurances IARD (Incendie-accident-risques divers), automobile, et vie (petite et grande branche, comme on disait dans le jargon des assureurs). Elle est certes « conventionnée RSI », tout comme la Réunion des Assureurs Maladie, la Mutuelle de France Plus, Harmonie Mutuelle, Via Santé, UMCAPI, d’autres encore selon les régions ou départements. Bref chacun est libre d’opter ou non pour une complémentaire auprès d’une société d’assurances, mutualiste ou autre…

N’oubliez pas d’ailleurs que, si vos revenus ne sont supérieurs que de 35 % au plafond d’obtention de la CMU, vous pouvez bénéficier d’une aide financière pour acquérir une couverture complémentaire santé. Les montants varient, selon votre âge, de 100 à 500 euros. Cela peut aussi vous permettre de bénéficier de tarifications spéciales (minorées) pour le gaz et l’électricité.

Ce prospectus de Prévifrance pose problème : qu’en dit la concurrence ? Faut-il penser qu’elle procède de même (en se partageant les prospects) ?

En revanche, et en fonction de la nature de l’entreprise, il n’est pas du tout inutile de souscrire une assurance de responsabilité civile. Celle liée à votre assurance – obligatoire – incendie-inondation ne jouera pas. 

Si vous tenez à souscrire une mutuelle ou assurance complémentaire, renseignez-vous auprès de votre caisse RSI. Certaines peuvent être conventionnés dans une région et pas dans une autre. Souscrire, en tant qu’entreprise, une complémentaire, ne s’impose que si on embauche des salariés. Et tant qu’à souscrire auprès d’un organisme conventionné par le RSI, autant choisir celui le proche de son domicile ou du siège (du local) de son entreprise.

Le RSI (son agence régionale) peut fort bien avoir sélectionné des organismes conventionnés et les charger de gérer le risque santé. Mais rien n’oblige à souscrire une couverture complémentaire.

Prévifrance figure bien, depuis début 2013, sur la liste des six organismes conventionnés par le Régime social des indépendants (RSI) pour l’Île-de-France (il s’agissait encore aussi, au printemps dernier, de la RAM, de l’UMCAPI, de la Mutuelle Bleue, d’Avenir Santé Mutuelle, d’Harmonie Mutuelle), et ces autres organismes disposent de diverses agences sur Paris, Melun, Montigny, Cergy, Poissy, Melun, Prévifrance ne disposant que d’une antenne à Paris. Il se peut que tel ou telle ait choisi l’un ou l’autre de ces organismes ou que, faute de choix, elle ou il ait été affecté à l’un d’entre eux. Mais cela ne vous lie que pour une « année » (la civile en cours et la suivante, mais la reconduction est tacite). Si vous voulez en changer, comme l’indique le RSI, la dénonciation devra être adressée par lettre AR auprès du seul siège RSI IDF, trois mois avant l’expiration « en précisant le nouvel organisme conventionné choisi ». Votre seule obligation envers cet organisme consiste à lui signaler tout changement permanent d’adresse.

Toute création d’entreprise expose à de multiples sollicitations, démarchages… Faites le tri, et ne vous imposez pas des obligations superflues ou non urgentes.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

3 réflexions sur « Auto-entreprises : gaffe au superflu et à l’inutile « qui va de soi » »

  1. « Toute création d’entreprise expose à de multiples sollicitations, démarchages… »
    Ho oui.
    À l’ouverture de l’entreprise, durant son fonctionnement…
    Et même « ensuite » !
    Si je vous disais que j’ai fermé mon entreprise en 2009 et que, en mai ou juin dernier, j’ai encore reçu de la pub pour des assurances ou je ne sais trop quoi pour mes employés… Employés que mon entreprise n’a d’ailleurs jamais engagés, puisque je travaillais seul, en libéral…
    Je puis comprendre qu’un Français ne sache pas trop s’y retrouver avec toutes ces sollicitations.
    Mais quand, comme moi, on vient de l’étranger (et qu’on n’est pas très au courant de ce qui est obligatoire, conseillé, inutile, déconseillé, …), je vous assure que ce n’est pas simple de savoir quelle suite il convient de donner à tous ces courriers !

  2. C’est comme ces factures que l’on reçoit à payer, pour des prestations que nous n’avons jamais sollicitées. Le hameçonnage qu’on vit sur internet aujourd’hui existe depuis bien longtemps… Ils comptent sur notre crédulité, notre ignorance… Et ça doit marcher puisqu’ils continuent !

  3. Bien sûr, que ça doit marcher !
    Mais, bon, la législation et l’administration sont tellement compliquées que c’est difficile de démêler le vrai du faux, l’obligatoire de l’inutile…
    Au lieu d’avoir trente-six mille intervenants, pourquoi ne pas tout regrouper en un seul organisme central ? Quitte à dispatcher ensuite entre différents services, mais sans que des intervenants extérieurs soient nécessaires.
    Enfin, pour ce que j’en dis… J’ai quitté Paris pour revenir ouvrir mon bureau dans ma Belgique natale : plus simple et plus facile au point de vue administratif, et je puis quand même travailler dans toute l’Europe…

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