Dessiner suspend la pensée

« Dessiner suspend la pensée. » Jacques Herzog

Pantin désarticulé pose pour moi, ma mine s’écrase pour te représenter tel que tu es. Ton reflet sur le papier m’apaise comme un son doux et long qu’on ne cesse d’écouter. Le souvenir du touché granuleux de la feuille, naissance d’une passion m’ensorcelle. Etre l’auteur d’un nouveau croquis est toujours un réel plaisir, mais ne vaut pas le plaisir de dessiner, de créer pour d’autres personnes qui est comme une flatterie qu’on s’offre à soi-même, une fierté.

Les traits se dessinent, petit à petit l’œuvre devient entière, et pourtant un sentiment d’insatisfaction envahit tout mon être. Eternelle insatisfaite ! Souvent on croit que je dis ça pour que l’on me dise que justement c’est bien, mais non, pour l’œil de l’artiste ça ne sera jamais assez satisfaisant, car on peut toujours mieux faire, et les artistes reconnus nous le prouve jours après jour. Un rêve de pouvoir refléter sur une feuille de papier la réalité, de reproduire un sentiment, quelque chose qui ne se voit pas forcément à l’œil nu, mais quelque chose que l’on devine, quelque chose de mystérieux.

Tracer, gribouiller, gommer, griffonner, croquer ; tel est ma passion : le dessin. Un exutoire qui m’emporte au-delà de toutes mes pensées sombres, de ma colère envers le monde. Lorsque l’écriture ne suffit plus à mon bien être, lorsque des idées traquent mon esprit, alors il me suffit de l’imaginer concrètement, de poser mon crayon sur la feuille, pour que toutes ces choses s’envolent pour prendre vie à l’extérieur de ma tête.

Une passion est importante, elle s’entretient, et personne ne devrait être privé de celle-ci car la passion est le berceau de l’âme, grâce à elle, elle s’apaise quelque peu jusqu’à l’apparition d’un nouveau démon. Une passion est une obsession, on aimerait en faire un métier, en vivre, mais parfois il faut aussi être réaliste, se dire qu’on n’a surement pas assez de talent pour ça, et que de toute façon, une passion ne rapporte pas de quoi vivre comme de l’argent, mais assez de bonheur et de confiance en soi. Et ça, ça vaut bien tout l’or du monde.

La matière me glisse entre les mains, la feuille est douce, parfois épaisse, généreuse, parfois teintée, ou granuleuse. Sans réfléchir, ma main se fléchit, se met en branle, s’exécute pour laisser apparaitre un monde qui n’appartient qu’à une seule personne, le mien.