N’imitez rien ni personne. Un lion qui copie un lion devient un singe (Victor HUGO)
La banalisation du plagiat en France, médiatisé aujourd’hui, inquiète de plus en plus les universités et Grandes Ecoles. Mais pas seulement, parce que employeurs et chasseurs de têtes sont directement concernés puisque abusés par des curriculum vitae assortis de diplômes gonflés à la pompe.
Car une fois le précieux sésame en poche, ces jeunes diplômés fraîchement débarqués sur le terrain, ne se révèlent pas si brillants que ça. Arrivés à ce niveau d’études et de postes à responsabilités qui en découlent, ce n’est pas non plus sans risques.
Cela se voit, cela s’entend ….et cela se sait ! Plus inquiétant encore est le taux élevé de tricheurs avoués.
Lors d’une enquête réalisée il y a peu en France, et qui concerne particulièrement le niveau supérieur, « 70% des étudiants déclarent avoir triché au cours de leur cursus pour décrocher leur diplôme ».
A la lumière des conséquences connues, n’est-il pas aussi urgent de s’interroger sur les causes du mal et d’y appliquer un remède efficace ?
Parce qu’il est difficile d’imaginer que ces trop nombreux jongleurs de la pompe, qui ne manquent pas d’air pour se considérer bénéficiaires légitimes de distinctions usurpées et d’en attendre remerciements et félicitations, n’ont pas bénéficié tout au long de leur parcours de négligences pour le moins bienveillantes de la part de leurs aînés, sensés avant tout sanctionner de telles pratiques.
Sans souligner le fait qu’ils (elles) occupent immanquablement les places d’autres jeunes tout à fait compétents et certainement honnêtes, barrés impitoyablement par les louvoiements de camarades peu scrupuleux, surtout dans le cas de numerus clausus.
Il faudra attendre la tardive décision de la Cour de Cassation en avril 2009 pour que l’Omerta des plagiats de thèses soit brisée en France.
Décision lourde de conséquences pour Monsieur X, plagiaire concerné dans cette affaire, frappé de 2 ans d’emprisonnement avec sursis, assorti de 20 000 euros de dommages et intérêts, 5 000 euros d’amende, et de sa radiation de l’Ordre des avocats par la Cour d’Appel de Poitiers en 2008, décision cassée ensuite.
Sa radiation de l’Ordre des avocats de Bordeaux est confirmée par un arrêt de la Cour d’appel de Bordeaux en juin 2010.
A ce sujet, il est bon de rappeler que Monsieur X devenu Docteur en Droit, n’avait jamais suivi de cours de Droit, ni passé d’examen d’entrée dans un centre de Formation Professionnelle des Avocats. Il en était automatiquement dispensé à l’issue de ses « excellentes soutenances de thèses » .
Toujours est-il que c’est seulement au cours de l’année 2010 que les universités d’Angers et de Lille 2, parfaitement informées des faits depuis leur origine, prennent enfin des mesures qui auraient dû s’imposer depuis longtemps.
Elles attendront tout de même le printemps suivant pour réunir les Commissions habilitées à faire annuler les thèses de l’indélicat.
Sans l’acharnement de la plagiée Bénédicte DEVIERE, Maître de conférences à la faculté de Droit de Besançon et spécialiste française reconnue de Bioéthique, ainsi que de son avocat, ce pilleur parallèlement chargé de mission au Ministère de la Santé, poursuivrait tranquillement son parcours professionnel avec les honneurs dus à deux excellentes thèses en Médecine légale et Droit privé.
Le pillage de l’artiste portait tout de même sur plus d’une centaine de pages sur les 284 soumises. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?
Lors d’un entretien accordé au Monde en novembre 2010, Madame DEVIERE affirme avoir fait l’objet de sérieuses pressions pour l’inviter à ne pas porter plainte pour contrefaçon.
Néanmoins en date du 11 janvier 2012, Monsieur X exerçait un droit de réponse sur MEDIAPART suite à un article de Louise Fessard sur lesdites condamnations :
"Enfin, je souhaite porter à votre connaissance que j’ai bénéficié d’une ordonnance de non lieu dans sa quasi totalité devant le Tribunal de Grande Instance de la Rochelle le 8 septembre 2010.
Le juge d’instruction, dans son ordonnance, a considéré à juste titre qu’il n’y avait pas lieu de donner suite, pour cause d’absence de charges suffisantes, aux poursuites à mon encontre. Les parties civiles ont donc été déboutées…"
Dont acte.
Serait-ce devenu un sport national ? Cela laisse perplexe tout de même.
Toutefois, l’annulation de ces thèses revient aussi à jeter un discrédit sur la toute puissante autorité d’un jury d’examen, dont on n’oserait douter de l’impartialité, l’accabler de négligences voire le soupçonner d’avoir fait l’impasse sur la lecture de précieux documents avant l’audition du candidat.
En France cela ressort du domaine du crime de lèse-majesté qui en plus est passible de sanctions.
Le 29 juin 2010, le FIGARO publie sous la plume de Marie-Estelle PECH, que « selon un rapport de l’Inspection Générale portant sur l’évaluation à l’université en 2007, il existe un écart important de perception du phénomène selon qu’on interroge les professeurs et administratifs qui minimisent la triche, et les étudiants qui en font une évocation inquiétante en ce qui concerne les examens sur table.
En ce qui concerne les copier/coller sur Internet, les appréciations sont inversées ».
Les universités reconnaissent que les cas de tricherie et plagiat ont augmenté de plus de 80% entre 2003 et 2006. L’utilisation systématique du copier/coller sur internet aurait triplé au cours de cette même période.
Parallèlement, la presse se fait l’écho d’enseignants qui ont déclaré la guerre au plagiat depuis 2008.
Néanmoins les chiffres consternants de l’augmentation croissante de cette pratique intolérable laissent pensif.
Comment voulez-vous que la qualité et l’autorité de nos universités, Grandes Ecoles et diplômés soient reconnues dans le monde aujourd’hui ?
Il est affligeant de parcourir chaque année le classement OCDE des meilleurs établissements d’enseignement dans le monde. Alors que la France fut honorablement classée pendant des années, son recul se poursuit en 2011 par rapport à 2010 qui n’était déjà pas brillant.
Le Laboratoire PARAGRAPHE à l’université Paris VIII, détient le record de France des thèses plagiées, ce qui ne l’a pas empêché de se voir attribuer un « A » par les éminents membres de l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur).
Ce qui ne veut pas dire non plus que rien n’est fait en ce sens, dans la mesure où certains professeurs qui exècrent cette pratique intolérable, marquent le coup à chaque fois que le délit est avéré. Mais combien sont-ils (elles) à réagir de la sorte et sont-ils (elles) entendus et soutenus par leur hiérarchie ?
L’Allemagne ne badine avec ces pratiques qu’elle ne considère ni imaginatives ni acceptables, et qu’elle n’entend pas laisser impunies.
Rappelez-vous l’épisode Karl-Theodor zu Gutteberg, ex-ministre Allemand de la Défense qui avait dû démissionner suite à la révélation du plagiat de sa thèse.
La sanction ne s’était pas fait attendre. Plus récemment, ce fut au tour de Silvana Koch-Mehrin, députée européenne allemande (libéraux), de se faire épingler pour les mêmes motifs.
La France choisit la voie de la délicatesse pour traiter ses élites indélicates.
Valérie PECRESSE, alors Ministre de l’enseignement supérieur et de la Recherche, avait adressé pour les mêmes raisons à Louise PELTZER, écrivaine, membre de l’Académie Tahitienne, Présidente de l’université de Polynésie Française, accusée par un collectif d’enseignants de plagiat de l’écrivain Umberto Eco, un simple rappel à la loi.
En date du 25 janvier 2011, le journal Le Monde fait savoir que la curieuse position du Ministère n’est pas vraiment ambigüe dans la mesure où il déclare : « le plagiat d’un livre doit être jugé par la justice civile et non une commission de discipline ».
Décision qui n’a toutefois pas ébranlé Valérie PECRESSE qui déclare plus tard à propos du cas de sociologue plagiaire Ali Aït ABDELMALEK :
«Le pouvoir disciplinaire sur les enseignants-chercheurs appartient à la section disciplinaire du conseil d’administration de l’établissement auquel ils sont affectés ».
Peut-être que les Allemands ont du mal à intégrer l’idée qu’en France n’est pas «élite » qui veut mais qui peut, et que dans ce cas la délicatesse issue du charme et de l’élégance française , n’est pas un vestige inébranlable puisque des sanctions tombent pour d’autres.
Des restes de l’impérissable « responsable mais pas coupable » sans doute…
Rien de nouveau sous le soleil ! De mon temps déjà, les thèses originales reposant sur des recherches réelles, étaient rarissimes. Il faut dire que les mandarins allergiques aux idées nouvelles n’encourageaient guère l’expression de celles-ci.
Dès lors, la plupart des thèses étaient, sur le fond, des compilations d’auteurs reconnus et d’idées académiquement correctes. Mais il y avait la manière et le style.
Plutôt que de serviles copies, il s’agissait de rewriting donnant l’illusion d’une création nouvelle, échappant aux accusations de vulgaire plagiat.
Mais les temps ont changé. Le copier-coller numérique s’est banalisé et personne ne voit plus rien de mal à emprunter les idées et les mots d’autrui. Je crains que cette tendance soit irréversible. Induisant cette question sousjacente : le concept de thèse n’a guère évolué depuis le Moyen Age. Peut-être serait-il temps d’imaginer autre chose ? Par exemple un rapport de travail de terrain, ou une synthèse de recherche effective, plutôt qu’un énième commentaire des commentaires déjà publiés ?
Bonjour CHRISTIAN
Rien de nouvellement « inventé » effectivement. Par contre je déplore la façon primaire dont les plagiaires opèrent maintenant.
Mais vous avez tout à fait raison de dire qu’il serait plus que temps que le concept des thèses évolue.
D’autres formules ont déjà été proposées aux responsables et décisionnaires, formules bien plus adaptées à notre époque et à la jeunesse qui la façonne …. sans suite et on peut le regretter.
Que faut-il penser des étudiants qui décrochent un 20/20 attribué par certains maîtres de stage sans scrupules et complices actifs de cette tricherie organisée ?
Qui est à blâmer ?
[b]D’où l’indispensable utilité de mettre ses sources.
Il n’y a pas de honte à çà !!
Soit on les citent dans le texte même, soit on les mets à la fin de son texte.
On peut « piquer » des idées, mais si possible les remettre avec son vocabulaire « propre ».
Il est bien évident que pour les « articles », rien ne vaut le reportage, texte et photos.[/b]
Bien sûr SOPHY, mais pour ce faire encore faut-il lire l’article ! Trop souvent ce n’est pas le cas.
Je suis sidérée du nombre d’étudiants « pilleurs » qui revendiquent la reconnaissance et l’estime d’un simple tatouage papier, qu’ils distribuent généreusement en plusieurs exemplaires. La complicité souvent bienveillante de leurs aînés m’écoeure.
Je les trouve encore plus coupables que les jeunes.
Mais il ne fait pas occulter que souvent ils ne sont pas si jeunes que cela ces pilleurs. Un phénomène de société qui va nous revenir dans la figure tel un boomerang. Ce sera trop tard.