Une réunion parmi d’autres, une réunion déprimée et déprimante dans un univers où l’éducatrice spécialisée que je suis a besoin de reconnaissance, de valorisation, d’étayages, d’explications, de retours pour dynamiser et donner le goût d’accompagner au quotidien des enfants en grande souffrance psychiques.

Après une journée suffisamment éprouvante et anxiogène pour me faire basculer dans le cynisme, la réactivité, l’exigence, l’intolérance au médiocre et à l’incompétence …

Je m’ennuie … au coeur des chiffres, des problèmes d’argent et de personnel, des discours qui remplissent le vide et vident l’esprit par un savoir opaque déconnecté de ma réalité et incapable de répondre à mes besoins.

J’attends de la direction qu’elle soutienne, reconnaisse, valorise, rassure, structure, organise, prévoit, assume ses responsabilités, stimule et alimente le meilleur de chacun à mettre au service… qu’elle soit une mère bienveillante et un père sécurisant …

J’attends des " psy " un savoir éclairé, un regard décalé révélant des solutions adaptés et des clés pour chaque souffrance, de l’écoute, de l’empathie, de l’intelligence …

J’attends de l’animateur de la réunion qu’il distribue la parole et structure les débats suggérés par un ordre du jour trop chargé, qu’il stimule l’expression des plus discrets et canalise le verbiage des plus éloquents …

J’attends de mes collègues de l’enthousiasme, de l’implication, du positionnement, de la résistance, qu’ils réagissent quand on leur fait prendre des vessies pour des lanternes !!!

J’attends du vivant là où il est si facile voire confortable de renoncer, de déprimer, de se laisser engluer dans l’impuissance face à l’improbable guérison de la folie, face à la folie des hommes sensés être sensés car en place de soignants, payeurs, décideurs, directeurs, présidents, gouvernants …

J’attends un débat d’idées, de la confrontation, des questionnements, des remises en questions, des réflexions qui éduquent, élèvent, enrichissent …

 

Mais je m’ennuie et me désespère de voir toutes mes attentes déçues les unes après les autres.

Je m’accroche alors à l’ultime attente : entendre une parole qui réveillent les esprits endormies et éveillent les consciences anesthésiées.

Soudain, sans que j’ai eu le temps de réfléchir, des mots qui heurtent sortent de ma bouche, je laisse s’exprimer ma déception et mon intolérance, mon analyse et ma critique, mon impuissance et ma colère. Je vise, je pointe, je tire, je dénonce, je reproche …

Quelle pertinence, quelle subtilité, quelle analyse !

Bravo de mes collègues unanimes … sauf un qui s’est senti agressé, malmené, méprisé, pas soutenu, pas reconnu, pas valorisé … par mes propos pourtant si intelligents !

Je n’ai rien dit contre lui mais j’ai contribué à son mal être et nourri de la malveillance.

 

Au prise avec ma colère, j’ai manqué de bienveillance

Au coeur du manque d’humanité, j’ai manqué d’humanité

Au coeur de mon intelligence, j’ai manqué d’intelligence de coeur …