Il y en a qui pensent que "la vie est un long fleuve tranquille", d’autres semblent au contraire croire furieusement à l’impérieuse nécessité de toujours s’agiter pour exister.

Et quoi de mieux que le mouvement pour susciter et justifier le mouvement ?
C’est ainsi que je comprenais la montée en puissance politique de Sarkozy en l’adossant au phénomène médiatique. Pour attirer les médias, faire la une, cannibaliser l’actualité, il se démultipliait, érigeait les thèmes, les sujets, éructait, promettait et … passait vite à autre chose.


L’opinion suivait, sans mémoire, séduite presque avide de connaître le prochain épisode. Fort de cette stratégie implacable, il gravit toutes les marches du pouvoir. Jusqu’à plafonner, forcément tout là-haut, à manquer de carburant pour alimenter le moteur de son quotidien politique, pire jusqu’à lasser de trop de similitudes associées, de scènes répétitives et par trop calculées.
Alors j’en concluais volontiers que les médias de masse n’étaient guère maitrisables à long terme, que l’opinion publique avait certes accepté la peopolisation des politiques mais pour mieux leur appliquer les règles en vigueur dans ce milieu qui glorifie autant qu’il oublie.
J’avais tort.
Je croyais les évènements, les crises au service du politique pour mieux l’ériger en recours et sauveur. Mais si le politique se nourrit des crises avec tant d’avidité ce n’est pas tant pour sa gloire personnelle que pour accomplir son dessein.
Libéral dans l’âme, amoureux de l’argent et de ses atours, dédaigneux de la France d’en bas paresseuse et râleuse, les crises lui servent en fait à démanteler la structure même du pays, remettre en cause ses fondements, faire s’affronter des catégories entre elles.
Il ne souhaite pas régler les crises, apaiser les esprits, ou protéger le citoyen. Il veut imposer ses principes, entériner ses idées et refouler les critiques comme il semble vouloir faire sa fête à tout ce qui est né du programme du Conseil National de la Résistance ou de Mai 68.
J’ai compris tout cela au moment où je m’y attendais le moins. Lorsque de premiers bilans de l’action présidentielle se sont fait jour.
Car comment expliquer autrement un si médiocre bilan sécuritaire par exemple ? Lui, déjà Ministre de l’Intérieur il y a 8 ans, n’a rien amélioré. A stigmatiser à tort et à travers, à kaercheriser tout ce qui bouge, à envisager un policier derrière chaque platane… il n’a de fait rien réglé. Parce qu’il ne le veut pas. L’état de crise lui va si bien. C’est à ce moment là qu’il peut engager ses véritables réformes, celles qui radicalisent sans discussion. L’environnement illustre encore ce comportement consumériste : adepte parce que c’est politiquement porteur, il le jète bientôt car "cela commence à bien faire". Comme une confession pour signifier plus globalement que les simagrées, les faux changements, la retenue ne peut avoir qu’un temps. Qu’après moi, le chaos, Sarkozy invente la crise d’Etat permanente.
Nous voici à l’heure de la rigueur et toujours sous la menace. Si on ne l’accepte pas on finira comme la Grèce. Si vous ne voulez pas reculer votre âge de départ à le retraite, vous n’en aurez plus du tout. Si vous enlevez le bouclier fiscal le pays va s’appauvrir. Si vous n’êtes pas pour l’ordre et la sécurité, vous êtes un mauvais français….
La rhétorique est simple mais bien huilée, exclusive et explosive.
A le voir récemment faire s’esclaffer des expatriés de Chine en ralliant le manque d’énergie et de vigueur au travail de leurs compatriotes restés au pays, je me suis tout de même demandé pourquoi je devais subir cela. Etre des millions ainsi rabaissés, presqu’ humiliés par un petit homme venu de Neuilly aussi donneur de leçon que son exemplarité est risible.
Lui qui s’augmenta dés sa prise de pouvoir et fêta joyeusement sa victoire sur des yatchs dorés nous parle rigueur et stabilité des dépenses publiques. Lui qui est entré en politique en 1974 découvre aujourd’hui en 2010 qu’il faut sauver le système de retraite ! Lui qui prônait la rupture dirige un pays dans lequel les inégalités n’ont jamais été aussi criantes.
On pourrait presque à l’infini enfiler les contradictions de celui qui n’en a cure. Mais au-delà de la démonstration, il y a lieu de s’inquiéter d’une dérive non pas monarchique mais totalitaire de celui qui se verrait bien doté de pouvoirs exceptionnels que lui confèrerait une crise un peu plus grave que les autres. Ce n’est qu’un mauvais rêve mais objectivement, que reste t’il de démocratique dans notre pays qui peut vraiment s’y opposer ?