Art brut russe à la galerie Christian Berst (Paris)

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La galerie Christian Berst (anciennement L’Objet trouvé) expose, jusqu’au 5 mars 2010, cinq représentants de l’art brut ex-soviétique : Nicolaï, Alexandre Lobanov, Mikhaël Kaliakine, Youri Titov & Vasiliij Romanenkov… Back in CCCP… via le 24, rue de Charenton (Paris, métro Bastille).


L’objet trouvé n’est plus. Il était pourtant bien venu, de la part de Christian Berst, de choisir ainsi son enseigne : l’art brut peut certes se chercher, mais en fait, il se trouve. Les artistes peignent pour eux-mêmes et non pour être exposés. Encore faut-il nuancer : le peintre Youri Titov, ancien pensionnaire du Moulin de Senlis (centre culturel russe après avoir été un orphelinat destiné à l’immigration « blanche », pour résumer), ne s’est pas rattaché dès l’origine de son œuvre à ce « courant » très peu connu encore, et dont la communauté ne se rejoint parfois pas du tout de manière volontariste. On l’a longtemps catalogué « art des fous ».

 

Youri Vassilevitch Titov était, à Moscou, un iconographe et peintre abstrait qui, dans les années 1960-1970, passa pour un dissident du seul fait qu’il ne produisait rien dans la ligne des associations d’artistes soviétiques.
En décembre 1965, il manifeste son opposition au régime soviétique, ce qui lui vaut, ainsi qu’à son épouse, des internements en hôpitaux psychiatriques, puis, en 1972, d’être congédié, destination l’étranger. Il obtiendra de la Ville de Paris un atelier d’artiste où il vivra jusqu’en 1994. Il sombrera ou émergera dans le mysticisme après une période d’errance consécutive au suicide de sa femme…

c_berst_2.pngAncien étudiant en médecine, Nicolaï Almazov, né Vorobiov, se laissera gagner par sa fièvre créatrice aux alentours de sa trentième année. Alexandre Pavlovitch Lobanov trouvait dans ses dessins ; évoquant les chromos de peintres amateurs soviétiques ornant parfois des salles communes d’usines ou des centres villageois soviétiques, une activité stabilisatrice. Il est mort en 2003, âgé de 79 ans. L’énigmatique Mikhaël Kaliakine, disparu vers 1980, était obsédé par le « Petit Père des Peuples » et s’il n’a pas laissé que des portraits de Staline, la plupart de ses créations comportaient, à des endroits parfois insolites, la médaille de l’Ordre de Staline.

 

Vasilijj Romanenkov, ancien ébéniste, désormais jardinier, a conservé de sa formation une méticulosité évoquant la marqueterie. Ses œuvres, chargées de symboles, parfois christiques, reprennent parfois la manière des lissiers naïfs, des vitraux…

 

Christian Berst, qui expliquait, en s’appuyant sur l’un des rares livres en langue russe traitant du sujet, les caractéristiques de l’art brut à une journaliste de la chaîne russe ORT, Anna Khlopov, est le seul galeriste français spécialisé. C’est récemment (en 2009) qu’il a renoncé à son ancienne enseigne en raison des trop nombreux appels téléphoniques de personnes recherchant qui leurs clefs, qui un vélo, ou des objets personnels égarés. Pour l’art brut en France, on se perdra guère : le 24, rue de Charenton (Charenton était synonyme autrefois de Sainte-Anne…), est le seul pôle permanent de l’art brut. Cette exposition, Back in CCCP (Urss), jusqu’au 5 mars, permet de ne pas perdre le nord à propos de l’art brut à l’est.

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !