La date du 3 mai 2011 marque pour moi un anniversaire : voici un an (déjà ? Tout au plus ?) que je n’ai plus franchi en consommateur la porte d’un bureau de tabac. Le moment me parait donc approprié pour faire le point, après avoir expliqué (voir Arrêtez de fumer ! (1/2)), l’impérieuse nécessité de cette situation et la contribution de la cigarette électronique à ce nouveau quotidien, puis annoncé ce bilan que je livre aujourd’hui (voir Arrêtez de fumer ! (2/2)).

 

La première évidence est de constater que je suis encore à ce jour fidèle à la cigarette électronique. Selon certains, il serait plus approprié de parler de dépendance de substitution plutôt que de fidélité. Sans doute ont-ils raison, à ces quelques détails près qu’au fur et à mesure que passent les semaines, il peut m’arriver de passer toute une matinée sans pratiquer et que je ne suis plus d’une humeur massacrante s’il m’arrive de quitter mon domicile pour une demi-journée en y oubliant l’ustensile.

A vrai dire, l’essentiel à mes yeux n’est pas là. Voici un an, je n’aurais pas pris le pari que ce nouvel équilibre serait stable et durable ; d’une certaine manière, je me contentais par avance d’une situation qui n’aurait été que provisoire, me disant que c’était toujours ça de pris… Mon tabacologue est donc dans le vrai en nommant mon substitut, de façon imagée mais tout à fait réaliste, une « béquille ».

Sur le plan strictement médical, le résultat est mitigé : je n’ai ressenti aucun des bénéfices annoncés sur les sites de lutte anti-tabac. Le souffle, qui me permettait avant l’arrêt, de danser sans problèmes rock et salsa, ne s’est pas amélioré au point de me faire passer au rock acrobatique (le sexagénaire que je suis n’en attendait pas tant, au demeurant). Quant au goût et à l’odorat, le nirvana promis reste à l’état de mirage. Un bémol, cependant : cet échec semble imputable au rhume endémique que j’avais tendance à mettre sur le compte du tabagisme ; à tort, car il s’avèrerait plutôt d’origine allergique.

En revanche, le volet économique s’avère un franc et large succès, contre toute attente (car j’étais de longue date prêt à consentir le surcoût qu’aurait nécessité, par exemple, l’usage de patches). Le gain annuel se situe aux alentours de 800 euros, tout compris. Pour mémoire, ce solde positif résulte de l’économie de l’achat de quatre paquets hebdomadaires à l’actif, contre un passif constitué d’un investissement initial suivi d’une série de dépenses de fonctionnement sur lesquelles je reviendrai plus bas.

Mais c’est sur le plan psychologique que se situe l’avantage déterminant : je me suis débarrassé de la mauvaise conscience qui accompagnait mon geste tabagique et je le vis comme une véritable libération, tout comme c’est le cas pour le fait que ma participation aux conversations (auditeur ou orateur) n’est plus rythmée par la nécessité d’abandonner le groupe pour aller fumer à l’extérieur. Dans le même domaine se situe le fait de maîtriser le temps, en ce sens que c’est moi qui détermine le rythme de ma consommation (et non plus la vitesse de combustion spontanée du tabac). J’ajouterai le plaisir, un brin narcissique sans doute, d’apparaître sympathique tant aux fumeurs (que je continue de fréquenter sans être ni gêné ni tenté par leur pratique) qu’aux non-fumeurs ; j’avoue être même devenu un militant du vapotage, avec une forte tendance au prosélytisme.

Quant aux considérations pratiques annoncées plus haut, elles tiennent au fait qu’il s’agit d’un transfert d’addiction, au moins pour l’instant car certains signes laissent penser qu’une libération totale n’est pas exclue. De ce fait, cette année s’est écoulée sous le signe de la gestion des stocks pour éviter une défaillance d’autant plus pénalisante que l’approvisionnement se fait exclusivement via Internet ; c’est en tout cas vrai pour le fournisseur que j’ai choisi pour son sérieux (dont je donnerai bien volontiers les coordonnées par messagerie privée à ceux qui pourraient m’en faire la demande).

Parmi ces stocks, il tombe sous le sens qu’on trouve le liquide générateur de vapeur (par parenthèse, les lecteurs curieux seront intéressés à savoir qu’il est à base de glycérol ou de propylène glycol – les liens renvoient aux fiches relatives à ces produits sur Wikipedia – un produit inoffensif). Mais il faut aussi compter avec les cartouches vides qui reçoivent ledit liquide et dont la bourre se déforme au fur et à mesure qu’elle subit les chauffes, à terme de manière irrémédiable ; il faut donc prévoir leur remplacement toutes les deux à trois semaines. Fort heureusement, elles sont fort peu coûteuses (de l’ordre de 0,50 €), ce qui n’est pas le cas des atomiseurs (de l’ordre de 6 €) dont la délicate grille, chargée de chauffer le liquide à une cinquantaine de degrés, finit pas céder ou par être noyée par ledit liquide. Les atomiseurs eux-mêmes nécessitent donc un remplacement périodique, dont la fréquence est à la demande ; cela signifie que l’atomiseur aussi devra être considéré comme une pièce d’usure et qu’il conviendra d’en tenir un en stock, par précaution. A titre d’illustration, j’en ai utilisé 6 au cours de l’année écoulée (dont 2 détruits par inexpérience, au début) ; en moyenne, un remplacement par trimestre.

Par ailleurs, l’énergie étant fournie au vaporisateur par une batterie rechargeable, celle-ci n’est en mesure de subir qu’un nombre limité de cycles charge/décharge. Elles sont relativement onéreuses (11 €) et doivent être considérées comme des pièces d’usure avec donc la nécessité d’en tenir un exemplaire en stock ; j’en ai remplacé deux au cours des 12 mois écoulés, soit un remplacement au rythme d’un par semestre. Enfin, pour le modèle que j’ai retenu, cette batterie individuelle s’insère dans une autre, au format d’un paquet de cigarettes, celle-là ; elle permet d’avoir sur soi un stock d’énergie correspondant à une autonomie d’une journée. Comme toute batterie, elle ne supporte elle-même qu’un nombre limité de cycles et doit être tenue en stock pour éviter les ruptures de service en cas de défaillance. Elle est exclusivement disponible sous la forme du pack initial (comprenant également un vaporisateur, une batterie individuelle et cinq cartouches), pour un coût de l’ordre de 55 €.

Pour mémoire, l’ensemble de ces fournitures n’étant disponible que via Internet, la gestion des commandes doit être optimisée pour éviter que les frais de port ne viennent grever le budget de façon sensible. L’autre facteur à prendre en compte est relatif aux délais d’approvisionnement. Ils sont très raisonnables dès lors que les produits sont disponibles en stock chez le fournisseur ; si ce n’est pas le cas, le délai devient tout à fait aléatoire et peut s’avérer fort long.

La raison en est que si la cigarette électronique a ses adeptes (vous en avez manifestement rencontré un en décidant de lire cet article), elle a aussi ses détracteurs. Au premier rang desquels se trouvent les cigaretiers, suivis de près par les buralistes dont une bonne partie serait cependant disposés à la commercialiser s’ils ne redoutaient pas les représailles des fabricants de tabac. L’autre adversaire est le fisc, manifestement peu pressé de favoriser quoi que ce soit qui serait de nature à réduire le pactole des taxes ; il en résulte en pratique que le dédouanement des produits (importés dans leur quasi-totalité) tourne fréquemment au cauchemar. En particulier, si le site ou la publicité de l’importateur dit (ou laisse entendre) que les produits peuvent contribuer au sevrage tabagique (ce qui pourtant est manifestement le cas, comme en atteste le présent témoignage), alors ils seront considérés comme des médicaments, avec pour conséquence que leur dédouanement nécessitera l’approbation des autorités sanitaires (sous des délais incertains)…

En résumé, un bilan très largement favorable qui m’incite à suggérer sans retenue à quiconque souhaitant (ou devant) cesser de fumer de prendre sérieusement en considération la cigarette électronique, à titre de succédané ou de « béquille ». Pour ma part, cet ersatz me paraît beaucoup plus efficace à moyen terme que de se ranger à la vox populi quand elle prétend abruptement et sans fondement qu’arrêter de fumer n’est l’affaire que d’un effort de volonté.