Ma maison se trouvant à quelques centaines de mètres du fleuve dont les méandres permettent une vue unique au monde sur les voiliers qui montent vers Rouen pour les différentes Armadas, il se peut, en allant au grenier, que je les aperçoive de chez moi.

Le beau temps, pour l’occasion, n’est jamais acquis. Et en raison des perturbations climatiques qui paraissent dominer nos existences en cette transition attribuée au Calendrier Maya, il me semble qu’il faut conserver, ou tout du moins essayer de conserver, une certaine dose d’humour. Ainsi, d’une certaine façon, on peut admettre que, à Petit-Couronne, j’habite une maison d’écrivain. Non pas que je me considère comme tel, ni que mon père, auteur normand, n’ait eu le souhait d’utiliser ce qualificatif, mais bon, à cumuler les deux en une même adresse, à moins d’un kilomètre du voisin Pierre Corneille, on peut s’en amuser.

A chaque Armada, sur leur parcours, les voiliers passent, et luxe suprême, au retour repassent, à plus ou moins de distance de maisons ayant appartenu à des écrivains.

Pierre Corneille, lui, n’écrivait pas au sujet de la Normandie. Pas comme Maupassant, ou comme Flaubert. Ce dernier était propriétaire d’une maison à Croisset, en bord de Seine, dont il ne reste plus qu’un pavillon. Le soir, en juillet, il allait regarder pêcher mes ancêtres.

J’aime bien Croisset, charmant village de la rive droite niché sous la colline de Canteleu. Pas très loin, se situe le Bassin Saint-Gervais dans lequel mon père allait, lui-aussi, poser ses filets. S’y trouve maintenant le Port de Plaisance de Rouen. Plus en aval de la Seine fluviale, à la limite de la Seine-Maritime, on découvre La Bouille. En famille, ou sans famille, vous pouvez y voir sur le quai Hector Malot la maison natale de l’écrivain. On raconte que, quelques heures après la naissance du petit Hector, un voilier effectuait au petit matin une manœuvre en face de la maison et que le mât de beaupré brisa une vitre de la chambre où dormait le nouveau né.

Plus loin de Rouen, vers l’embouchure de la Seine, se trouve Villequier. Toujours sur le quai, on aperçoit l’une des maisons, sans doute la plus connue, où demeura Victor Hugo. En raison notamment de son roman Les Travailleurs de la mer, mon père aimait beaucoup Hugo, l’écrivain Hugo. Je préfère le poète Hugo mais il s’agit d’une affaire de goût. C’est ensemble que nous avons visité la maison Vacquerie de Villequier. Avant cela, mon père s’était rendu à Hauteville-House à Guernesey, là où fut écrit Les Travailleurs de la mer et c’est un autre jour que pour ma part, je visitai la maison de Hugo à Vianden, à la frontière du Luxembourg et de l’Allemagne.

Le grand homme avait deviné qu’un jour, toute l’Europe viendrait visiter Vianden. Le tourisme s’est effectivement développé après la Seconde Guerre mondiale. Sur la Seine, entre Honfleur et Paris, les bâteaux de croisières fluviales rivalisent maintenant avec les paquebots qui remontent jusqu’à Rouen. Et tous les cinq ans les grands voiliers leurs volent la vedette.

Le 28 mai 2013

 

(Photo 2MP – paquebot à La Bouille – florentb – recadrée pour illustration)