Après S&P, les truismes de Moody’s et des agences chevalines

Avis consommateur, ou plutôt investisseur : vaguement surpris par la dégradations des notes de Standard & Poors (France, Autriche, bientôt régions et banques françaises), l’observateur n’a pas trop fait attention à la note de conjoncture de Moody’s, l’autre grande agence de notation américaine (Fitch Ratings, comme son nom ne l’indique pas, étant vaguement française). Petit tour d’horizon 2012 de Jean-Michel Carayon, alias Jacques « Moody Blues » de la Palice. En prime, nos notations chevalines et canines, qui donnent l’autre tendance de la finance et de l’art de vivre.

C’est bien noyé dans le grand large et les grandes largeurs, puisque le topo sur les perspectives de notation 2012 pour les entreprises englobe toute la zone EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique). On y trouve nombre de truismes du genre « l’année s’annonce difficile pour les entreprises non financières », ce qui ne veut absolument pas dire que ce soit rose pour les financières. 2012 sera ce que fut 2011. On peut donc s’attendre à ce que, vexée de s’être faite brûler l’impolitesse par Standard & Poors, Moody’s revoit à la baisse les notes de pays, régions, et entreprises, dans ces prochains jours ou semaines.

Jean-Michel Carayon suggère aux entreprises de conserver un niveau de fraîche (de liquidités) conséquent, en regard des politiques de rigueur et d’austérité, mais aussi de l’attitude des banques qui vont serrer le robinet du crédit. Certaines choses sont joliment dites. Si cela empire, le taux de défaut pourrait rester « limité à un chiffre ». Cela veut dire jusqu’à 9,99 % de faillites.

Truisme encore : les entreprises dépendant des contrats publics risquent de souffrir beaucoup plus que les autres. Cela vaut moins pour les entreprises du BTP français, gavées de contrats PPP (partenariats public-privé), dont les chantiers se termineront dans la période 2013-2014, et qui rapporteront des loyers jusqu’à la saint Glinglin.

Précisions utiles

Néanmoins, outre les vérités premières d’usage, on détecte quelques précisions dans le bulletin de Moody’s. Ainsi, « les perspectives de Moody’s sur l’industrie sidérurgique européenne et l’industrie mondiale du transport maritime sont désormais négatives. ». La sidérurgie française étant ce qu’elle est devenue, c’est plutôt la belge qui devrait souffrir. Mais Bolloré, assez présent dans le transport maritime (donc, aussi, les ports), pourrait en pâtir. C’est sûr : moins de grands chantiers, une tendance au repli sur la production domestique, et le désamour pour le voisin lointain, cela réduit les transports.
IL paraît que, pour les opérateurs européens des télécoms, cela n’ira pas fort, et ce serait dû au « repli de la confiance des consommateurs. ». Eh, non seulement les tarifs des forfaits vont baisser, mais tant qu’à changer, les consommateurs pourraient songer à opter pour des forfaits inférieurs. Pourquoi donc se faire la causette si c’est pour se déverser dans l’oreille de pleins baquets de sinistrose, des lamentations sur le pouvoir d’achat érodé par les taxes, les pertes d’emplois ?

Ne pas trop non plus se fier à la demande des pays émergents, qui pourrait se tasser : ces marchés «  pourraient être de plus en plus touchés par la crise de la dette et un ralentissement économique en Europe. ».

À part cela, Moody’s confirme que la Pologne reste notée A2 et stable. Mais Banca Civica (Caja de Burgos, Caja Navarra, Caja Canarias et Cajasol) en prend pour son (mauvais) grade.

D’autres indicateurs

En fait, pour se faire une idée de ce qui se passe, il est d’autres indicateurs que ceux des banques, des tableaux, des courbes. Ainsi des suicides en Grèce, des abandons d’enfants (que l’église grecque enfle, histoire de justifier que son rôle social doit l’exempter d’impôt). Mais il faudrait voir aussi les abandons d’animaux domestiques en Europe.

Au Royaume-Uni, on n’achève pas encore les chevaux, on les vend aux zoos (la boucherie chevaline n’a pas la cote : la plus belle conquête ne doit pas finir avec des petits pois dans les assiettes, mais les gamelles des fauves).

Même des bestiaux en parfaite santé y passent, car les équivalents de la SPA ne peuvent plus remplir les mangeoires des équidés mal nutris. Redwings, la SPA équestre, a vu le nombre de chevaux amenés dans ses étables grimper de 160 têtes en 2009 à 450 en 2011.

Sa capacité, 1 200 boxes, a été atteinte, donc elle refuse du bestiau.

Mais, rapporte The Independent, il faudrait aussi compter le nombre d’animaux laissés à eux-mêmes, dévorés par des chiens errants, ou renversés par des voitures sur les routes et autoroutes. Ceux qui ont rompu des liens les retenant à des arbres aux orées des forêts, le propriétaire espérant qu’un passant les recueillera.

Dans le même temps, au Royaume-Uni, l’entretien moyen d’un cheval a grimpé : bientôt près de 7 000 euros l’an, en constante et même galopante croissance. Comme souvent, les femelles, les juments, trinquent davantage. Leurs poulains qui n’ont aucune chance de devenir des étalons recherchés sont d’abord tués, puis elles y passent
Envie de vous ruiner en achetant un cheval ? Prix de départ, bientôt 5 livres. Mais en insistant un peu, on vous donnera bientôt deux ou trois livres pour que vous emmeniez le cheval. Pour un peu, on vous l’offrirait et livrerait gratis de ce côté de la Manche. Allez Don Quichotte, emmène Rossinante à l’équarrissage, un Bucéphale t’attend, tout fringuant, tout sellé…

Mais il est rare que des poules ou des lapins soient abandonnés. Les chats et les chiens et les chevaux d’abord. Avec des abandons qui grimpent de près de 50 % ces deux dernières années…

Nos carnets de tendances

Mais ne vous en faites pas trop, les bêtes de race se portent de mieux en mieux. Car en posséder est devenu un luxe ostentatoire. Par conséquent, il faut encore mieux les choyer. Le Daily Mail rapporte que la niniche classique au chienchien de luxe ne suffit plus. C’est Barkingham Palace qu’il faut à Hector (cette année, il me semble me souvenir que c’est l’initiale pour les toutous à pedigree). 3 700 euros la niche, prix d’appel pour modèles « bradés » ou en promo, mais tout premier prix à 1 999 € (pour petits chiens jusqu’à 60 cm aux oreilles).
Soit la niche château de la belle au bois dormant pour Huguette, la niche réplique de la résidence de Red Buttler et Scarlet O’Hara pour Highlander, et une réplique de résidence à la Le Corbusier ou genre Bauhaus pour Huffington et Hessie.

Voyez le site de Best Friend’s Home (version allemande d’origine, ou anglaise). Pour mon Rex (un corniaud), je vais rester simple, avec une niche Lönneberga, plutôt Roche-Bobois qu’Ikea, soit une « typische Schwedenhaus », suédoise, mais sans sauna canin attenant. 1 669 euros quand même, pour chien petit modèle, 2 339 pour un mastar maousse mâtin (1,75 sous plafond).

Pour Best Friend’s Home, Moody’s doit voir la vie en rose. Bientôt, la cote Standard and Poors des aquariums, et les aboiements Fitch Ratings des cages à hamsters. Ah, dans quoi investir ? Peut-être dans les produits répulsifs et les émetteurs d’ultrasons anti-SDF. Il en est qui seraient capables de revenir chaque nuit faire coucher Hermione dehors…

Auteur/autrice : Jef Tombeur

Longtemps "jack of all trades", toujours grand voyageur. Réside principalement à Paris (Xe), fréquemment ailleurs (à présent, en Europe seulement). A pratiqué le journalisme plus de sept lustres (toutes périodicités, tous postes en presse écrite), la traduction (ang.>fr. ; presse, littérature, docs techs), le transport routier (intl. et France), l'enseignement (typo, PAO, journalisme)... Congru en typo, féru d'orthotypographie. Blague favorite : – et on t'a dit que c'était drôle ? Eh bien, on t'aura menti !

2 réflexions sur « Après S&P, les truismes de Moody’s et des agences chevalines »

  1. Pauvres animaux; si cela peut vous rassurer, Jeff, cette PME allemande se porte bien (on investit plus facilement dans son chien ou son chat que dans un gosse) et exporte joyeusement ses produits en bois de Prusse vers la Chine et les USA.

    Pas si affreux que cela d’etre un chien par ces temps de AA–

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