Jeudi 26 avril 2007, invité de l’émission A vous de juger sur France 2, Sarkozy se prononce en termes très clair pour le retrait de notre contingent militaire en Afghanistan : "Il était certainement utile qu’on les envoie dans la mesure où il y avait un combat contre le terrorisme. Mais la présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive".

Promesse de campagne ! Le 22 décembre 2007, le chef de l’État se rend en visite surprise à Kaboul où il déclare : "Tout ce qui nous amènera à renforcer notre présence pour aider les Afghans à prendre leur destin en mains, nous verrons ça avec un regard très positif. Ce qui est sûr, c’est que nous n’avons pas voulu donner le signal du départ, ça aurait été un signal détestable au moment où on voit les ravages que peut faire le terrorisme dans le monde". "Renforcer notre présence" ? Le passage à l’acte se produit trois mois plus tard : il annonce le 26 mars 2008 que les 1600 soldats français en poste en Afghanistan vont recevoir le renfort de 700 hommes supplémentaires.

À la demande de son grand ami Bush, qui souhaite redéployer ses troupes de l’Afghanistan vers l’Irak. Les Français sont donc là pour remplacer les GI. Une décision dans la droite ligne de l’atlantisme forcené de Sarkozy, que nous stigmatisions dans un billet du 5 avril dernier dans ces termes : "American Sarko nous enlise dans le bourbier afghan, avant d’entraîner notre pays à participer à d’autres aventures néo-coloniales, visant sous de faux prétextes à mettre la main sur les réserves énergétiques. Iran, nous voilà". Nous ne sommes certes pas encore en Iran, mais bien en plein dans le bourbier afghan, comme l’illustre la mort de dix de nos soldats pris lundi dans une embuscade à 50 Km de Kaboul. Réaction présidentielle ? "Quand il vous arrive quelque chose, je m’en sens responsable", admet-il face aux militaires, lors de sa visite éclair en Afghanistan pour "rendre hommage" aux victimes, selon la formule consacrée. Et de fait, précisons-le même s’il s’agit d’une lapalissade : si le président avait honoré la promesse du candidat de rapatrier nos forces, aucun soldat français ne serait plus tombé en Afghanistan. Il se sent responsable, donc, et il l’est, mais il persiste, proclamant sa "détermination intacte à poursuivre la lutte contre le terrorisme".

Pas d’accord ! "Quels sont les buts de cette guerre ? Combien de forces faudra-t-il pour arriver aux objectifs fixés ? Quel est le bilan de l’action militaire et de la reconstruction engagée depuis 2001 ?", interroge avec pertinence François Hollande, Premier secrétaire du Parti socialiste. Mais il ne réclame pas pour autant le retrait de l’armée française de l’Afghanistan, filocheau contraire du PC et de la LCR. Énième illustration de la timidité de l’opposition des "socialistes". Certains au PS ne partagent pourtant pas l’avis d’Hollande, comme Gérard Filoche, digne représentant de la gauche du parti, qui nous a adressé un courrier électronique que nous reproduisons ci-dessous :

"Retrait immédiat des troupes françaises d’Afghanistan

L’actuelle guerre prolongée d’invasion et d’occupation de l’Afghanistan n’a rien à voir, contrairement à ce que prétendent Sarkozy, le va-t’en guerre Kouchner (rapporteur pour Total en Birmanie) et Fillon avec la lutte contre le terrorisme. C’est une guerre pour le pétrole au service essentiel des intérêts américains. Hamid Karzaï, pachtoun, est l’homme de la RAND Corporation, formé et recruté aux USA, employé du pétrolier UNOCAL lié au vice-président Dick Cheney, dans le but de construire le pipe-line qui doit traverser l’Afghanistan et driver le pétrole d’Asie centrale. Karzaï avait collaboré et négocié, pour ce faire, avec les talibans lorsque ceux-ci étaient encore alliés des USA. Et c’est ce fantoche Hamid Karzaï qu’ils ont mis en en place et dont ils défendent par la violence le pouvoir.
S’ils aidaient vraiment le peuple afghan à s’émanciper, à se développer, ils auraient progressé depuis sept ans, vu les énormes moyens investis. Une petite partie de ces moyens auraient pu servir à construire une voie ferrée, des écoles et des hôpitaux. Mais comme leurs but de guerre ne sont pas du tout d’aider "le peuple afghan à se libérer des terroristes et des intégristes”, en dépit de 70 000 hommes de troupes internationales venues de 28 pays depuis 7 ans, ils ne parviennent à rien d’autre qu’à unifier contre eux le peuple afghan et à le ressouder avec les talibans.

Ce n’est pas le progrès qu’ils ont apporté en sept ans, mais la progression de la fabrication et de la vente de l’opium, dont le frère Ahmed Wali Karzai, est un des plus grands trafiquants du pays. Toutes les opérations brutales de police et d’occupation étrangère, menées par les occupants de la coalition américaine, dont 3000 français, au lieu d’isoler les intégristes talibans, ont contribué à développer un sentiment national que les talibans exploitent.

C’est pourquoi cette guerre sera fatalement perdue : toute escalade nourrira les résistants afghans, et la défaite est au bout de chaque embuscade. Les Afghans sont chez eux, c’est leur terre, leur pays, ils ont le temps pour eux, les armées étrangères d’occupation perdront fatalement comme chaque fois que l’Afghanistan a été occupé depuis un siècle.
Sarkozy, qui avait, dans sa campagne électorale annoncé avec tambours et trompettes, le retrait des troupes françaises d’Afghanistan, et qui une fois élu, s’est contredit, en envoyant mille hommes de plus, est le responsable direct des 10 soldats morts et des 21 blessés tombés en embuscade le 19 août 2008. Il se rend à Kaboul ? S’il poursuit cette guerre, il sera obligé de s’y rendre souvent !
C’est pourquoi toute la gauche doit s’unir et convaincre le peuple français d’imposer au pouvoir sarkosyste le retrait immédiat de tous nos soldats d’Afghanistan."

Inutile de préciser que nous partageons totalement le point de vue de Gérard Filoche. 

Des soldats débutants !

Ajoutons enfin ces mots du ministre de la Défense, Hervé Morin : "Les combats sont de plus en plus difficiles, parce que les talibans sont capables de mettre en œuvre des tactiques beaucoup plus aguerries qu’avant", utilement complétés par ceux du lieutenant-colonel Louisfert, adjoint du général Michel Stollsteiner, commandant de la région de Kaboul, pour qui l’embuscade de lundi était "imparable", compte tenu de l’état de préparation des talibans : "Regardez les montagnes autour de vous. Eux, ils sont nés dedans". Et qui envoie-t-on pour les combattre ? Écoutons le témoignage du père d’une des victimes, âgée de 20 ans, sur l’antenne de RMC : "C’était sa première mission en opération extérieure. Il était si heureux et si inconscient de ce qu’il allait connaître en allant là-bas. Au nom de l’intérêt de quoi ? (…) Il faut être réaliste ; il avait choisi depuis un an de s’engager dans l’armée. (…) Il est certain que ce n’est pas avec six mois de formation, et après six mois d’activité en caserne, avec des manœuvres, qu’on devient soldat. En Afghanistan, les gens qui se battent là-bas sont nés dans la guerre ; ils sont chez eux en plus ; ils se sont toujours battus ; ils ne connaissent que ça. Donc, il est évident que c’était les envoyer au casse-pipe. (…) au nom de quoi ? Parce qu’on sait bien que depuis qu’il y a des guerres, il y a des gamins qui sont tués, et puis que ça ne va pas changer grand-chose à la face du monde. Et là, on en parle, et demain ce sera oublié, terminé. Et il y en aura d’autres. C’est pas le premier, c’est pas le dernier qui laissera sa peau, au nom d’intérêts qui nous échappent totalement. Je ne comprends pas vraiment l’importance d’envoyer des soldats en Afghanistan, dans la mesure où les gens là-bas se battent depuis toujours ; ils ont foutu les Russes dehors. Ils sont chez eux, et je ne pense pas que des petits gamins qui débarquent et qui n’ont jamais rien vu, puissent changer quelque chose au cours des choses."

bush war criminalAlors pourquoi la France est-elle en Afghanistan ? Peut-être pour mériter qu’hier, George W. Bush en personnne adresse "à tous les Français nos remerciements sincères pour les sacrifices qu’ils ont faits, et pour l’engagement de la France à participer au maintien de l’ordre en Afghanistan". Il est vrai que nos soldats tués dans l’embuscade de lundi opéraient sous… commandement américain.