Le débat sur l'euthanasie pourrait trouver là son prolongement naturel. Lydie Debaine, 66 ans, a été acquittée du meurtre de sa fille Anne-Marie (en 2005), handicapée moteur cérébrale, devant un tribunal du Val d'Oise. Elle avait estimé que la jeune femme souffrait trop et en conséquence, elle lui avait donné plusieurs cachets d'anxiolytiques avant de la noyer dans une baignoire. Lorsque le tribunal a donné son verdict, le public a applaudi la décision. Le procureur avait simplement requis trois ans avec sursis et le parquet ne fera pas appel.
Anne-Marie était née prématurée et invalide à 90%. Elle avait été placée dans des centres spécialisées de 6 à 22 ans, mais lorsqu'en 2001 ses parents ne trouvent auncune place disponible pour l'accueillir selon son handicap et par rapport à son âge, sa mère se voit contrainte de cesser son activité pour s'en occuper, refusant trois ans plus tard de la placer, craignant qu'elle ne soit violentée (!) . L'état de dépendance de la jeune femme, dont l'âge mental était estimé à cinq ans, ne pouvait aller qu'en s'amplifiant et son dossier médical le confirmait, elle souffrait de violents maux de tête, de crises d'épilepsie et de vomissements à répétition, obligeant sa mère à une attention constante, jusque dans la nuit.
LCI donne quelques détails sur le procès. Lydie Debaine vient témoigner à la barre des souffrances de sa fille "Vous ne pouvez pas savoir l'angoisse que c'est d'avoir un enfant comme ça. D'être assise à côté d'elle, d'essayer d'attirer son attention pour l'occuper, sans y arriver. C'est atroce. Personne ne pouvait rien à ses souffrances". Un médecin témoigne aussi et précise que son état allait s'empirant, qu'elle était semi-grabataire et portait des couches.
Puis en mai 2005, la mère fait prendre plusieurs cachets d'anxiolytiques à sa fille avant de la noyer : "J'ai choisi la noyade parce que c'est rapide. J'ai regardé dans un dictionnaire: la mort survient en cinq minutes. Et puis je ne voulais pas abîmer son corps". Puis trouvant les mêmes arguments que ceux utilisés par les partisans de l'euthanasie, "Je me voyais dans une impasse. Elle souffrait trop. Pour les médecins, il n'y avait pas de solution".
Elle semble de bonne foi, cette femme, en disant qu'elle était au bord des nerfs, qu'elle ne supportait plus de voir souffrir sa fille ou encore qu'elle l'aime et qu'elle lui manque. Mais partant elle évoque surtout sa propre souffrance, son propre désarroi, à son mari elle dit "Fernand, j'ai essayé de tenir encore mais ce n'est plus possible. Je ne suis pas un monstre". La souffrance d'une personne handicapée mentale est difficile à évaluer, et sa fille ne lui a jamais demandé à mourir, elle n'en était pas capable. Pose-t-on d'ailleurs ce genre de question à un enfant de cinq ans?
Le meurtre était prémédité, en témoigne les cachets et des lettres que la mère écrivait dans le secret, pour elle-même, cherchant sans doute à se confier sur papier, préméditant son terrible geste. Comment cela s'est-il passé? Ce n'est guère difficile à imaginer. Elle l'a conduite vers la baignoire comme pour lui faire prendre un bain, elle l'a plongée dedans. Anne-Marie était sûrement docile, droguée par les cachets. Combien de temps faut-il attendre pour que les cachets fassent vraiment effet? La jeune femme était en confiance et n'a sûrement rien vu venir. L'emmener vers la baignoire, la soulever, la mettre dans le bain… Quand on lui a plongé la tête sous l'eau, elle a dû se débattre, cinq minutes selon le dictionnaire de Mme Debaine. Cinq très longues minutes. Cinq minutes pour tuer quelqu'un… cela doit prendre un temps fou, tuer quelqu'un qui doit se débattre… Un temps bien long, qui plus est pour son propre enfant!
Son avocate avait expliqué "Elle est très ébranlée. Elle attend ce procès, la suite de son histoire. Sans faire de déclarations générales sur la nécessité de légaliser l'euthanasie ou sur l'actualité récente, elle expliquera ce qui l'a amené à tuer sa fille. Sa sanction, c'est sa peine". Ébranlée elle a dû l'être, cela se comprend aisément. Le père n'approuve pas, mais pardonne. Mme Debaine, "lavée" par la justice, déclarera : "C'est une reconnaissance des souffrances et de ce qui a provoqué mon geste. J'espérais cet acquittement mais je ne m'y attendais pas". Ici elle évoque clairement ses propres souffrances, pas celles de sa fille..
Sous les articles de journaux, les commentaires vont bon train. Ah! comment ne pas comprendre cette femme qui a tué son enfant? Elle n'en pouvait plus, c'est bien normal croit-on lire, ébahi… Et puis la jeune femme souffrait après tout. On ne lui a pas demandé son avis? Bof, et alors? Mais lorsqu'on prône l'avortement systématique au moindre doute, en oubliant que les méthodes de détection des maladies pour les embryons comportent de nombreuses erreurs, lorsqu'on estime qu'après tout l'euthanasie est une bonne solution, la suite vient rapidement : pourquoi pas pour les handicapés…? Tout devient alors relatif.
C'est l'euthanasie de demain que le tribunal vient d'autoriser, pour les handicapés compris. En Belgique, où l'euthanasie est déjà pratiquée, des politiciens envisagent de déposer un projet de loi pour autoriser sa pratique sur les enfants et sur les personnes âgées atteintes de démence. Mais à quoi bon faire de même en France, si le tribunal fait mine d'autoriser l'infanticide sur les handicapés? Nulle besoin d'une loi, la justice s'en charge seule, elle qui se mêle déjà de tout. Et quand les citoyens suivent, ils devraient peut-être eux-aussi penser que tôt ou tard ils vieilliront, se ratatineront, leur dos se cambrera et ils tiendront des discours décousus, répétant sans cesse le temps de leur jeunesse. Puis quand ils seront un peu séniles, plus très alertes, "déments", alors peut-être appellera-t-on le chirurgien qui fera son oeuvre, sur autorisation signée de leurs enfants.
Le cas de Mme Debaine n'est pas le seul. Un autre enfant polyhandicapé a été assassiné, des traces de valium ont été trouvés dans son sang, mais il serait mort asphyxié. La mère en serait responsable, et se trouve à l'hôpital psychiatrique : on ne tue pas son propre enfant impunément, même s'il est atteint d'un handicap. Ne jugeons pas cette femme, meurtrière de sa fille. C'est un cadeau empoisonnée que lui a fait la cour. Elle ne paiera pas son acte à la société, c'est à elle d'en estimer le prix et bien souvent l'on est plus dur avec soi-même que d'autres pourraient l'être. Comme pour l'euthanasie, les réflexions ne vont pas dans le sens d'une meilleure prise en charge de la souffrance. Avec un handicapé, à quoi bon? à quoi bon penser à les soigner? Ils sont déjà malade… Il serait peut-être bon de se demander si les hôpitaux prennent correctement en charge les handicapés mentaux et si les parent reçoivent une assistance suffisante.
Pas de réflexion non plus sur la société en général. Personne ne songe que les nazis aussi pratiquait l'euthanasie sur les malades mentaux notamment… Le terme utilisé était d'ailleurs le même…
une justice enfin juste
on a reconnu la détresse de cette mère, incapable de supporter plus longtemps les souffrances de sa fille, après plus de 20 ans de soins assidus…
mais que faire pour cette enfant? ou cette jeune femme? rien de possible, pas d’aide sociale ou médicale…aucune vie au sens d’une vie consciente et active
bien sûr, elle n’a pas pu demander elle-même la mort, puisqu’elle ne s’exprimait pas..
la loi reconnaît que dans ce cas c’est sa mère qui est tutrice et qui donc a le droit de décider à sa place
la loi actuelle n’aurait pas permis à cette mère de demander et d’obtenir l’euthanasie pour sa fille
la loi l’a obligée à se débrouiller seule, sans assistance
elle a pensé que la mort choisie serait douce, les anxyolithiques ont dû l’endormir avant qu’elle ne ressente la noyade?
mais si il y avait mieux à faire, personne ne l’aidait…
alors, oui, permettons l’euthanasie dans certains cas, très réglementés et aidons à soulager la détresse humaine
et cessez de ressasser l’histoire des nazis, aucun rapport avec une loi destinée à empêcher des souffrances intolérables
Bonjour Jsalenson,
Heureux de vous relire, toutefois je m’étonne que vous ne constatiez pas que la jeune femme ne pouvait décider de sa mort elle-même.
Il vous parait donc normal que quelqu’un d’autre décide pour elle de sa vie ou de sa mort?
A votre aise, ce n’est pas mon avis.
Pour les nazis, cela vous dérange donc?
Désolé, c’est ce qui me vient automatiquement à l’esprit…
Blaise, bien que je sois pour l’Euthanasie, je trouve immoral que cette mère ait tué sa fille de 26 ans au prétexte qu’elle était handicapée…
En effet, la jeune femme n’a pas demandé à mourir : pour moi, elle a été assassinée !
L’euthanasie doit être accompagnée par la volonté ferme de la personne à vouloir mourir, comme ce fut le cas pour Chantal Sébire !
Je suis tout à fait d’accord avec ta position, Blaise… Je partage ton inquiétude quant à la possibilité d’une loi autorisant l’Euthanasie…
Oui, c’est très grave ce qui est en train de se passer.
Le suicide est un acte de désespoir personnel, on voit mal pourquoi les médecins devraient être concernés par cette acte, hormis pour tenter de soulager le malade.
Autoriser l’euthanasie mènera à ça, point. Si l’on peut fermer les yeux sur un docteur qui donne une dose élevée de calmants à son patient pour le soulager et que le patient meurt, c’est une chose différente que de l’autoriser à le piquer. C’est la porte ouverte à tout en la matière.
J’étais un peu choqué après cette nouvelle, je le suis encore plus des applaudissements de la foule et des commentaires des partisans dans les journaux.
C’est tout de même du meurtre d’une jeune femme handicapée dont on parle, dans l’indifférence générale et « sous vos applaudissements » (comme disait Jacques Martin)…
C’est tout à fait sordide.
Blaise, dans mon commentaire -tu as dû le constater-, je suis le seul à ne pas avoir applaudi le meurtre, par sa mère, de cette jeune handicapée de 26 ans…
L’Euthanasie est un sujet trop grave pour être laissé à l’appréciation d’un seul médecin ! Je partage ton inquiétude, malgré mes positions, car, tout comme toi, je considère que ce serait laisser la porte ouverte à toutes formes d’abus !
Ton article, ainsi que tes autres articles rédigés à ce sujet, ont le mérite de nous obliger, nous partisans de l’Euthanasie, sur l’existence même de cette loi autorisant cette « forme » de suicide !
Tout à fait Dominique, je m’en suis bien rendu compte, tu es bien l’un des seuls partisans avec lesquels il est possible de discuter.
N’empèche, il est absolument ignoble qu’à la sortie du procès de la mère infanticide d’une jeune femme handicapée, toute une foule se présente pour applaudir l’acquittement.
Quand un pays se comporte de cette façon-là, c’est qu’il mérite de disparaitre, quand la cour, le parquet, les jurés et même le public est d’accord pour faire comme si de rien au dessus d’une tombe, la tombe toute fraiche encore d’une jeune femme sans défense, alors il ne reste plus grand chose à espérer.
Et constate bien que si le débat n’était pas déjà lancé sur l’euthanasie de cette façon, alors ce crime n’aurait pas été accepté. Je plains la pauvre femme qui va devoir supporter tout cela, ce n’était pas facile d’avoir sa fille à s’occuper, ce sera pire à présent. Et je la plains de tout mon coeur, d’autant qu’elle sera instrumentalisée.
L’euthanasie mène à l’élimination des plus faible, c’est une évidence, une horrible évidence.
Un ami m’en disait que c’est du « neo-nazisme-humaniste »… Il n’a pas tout à fait tort!
Tu as parfaitement raison, la foule présente au procès aurait dû faire preuve de retenue !
Notre pays est entrain de se comporter de mauvais façon, puisque la compassion humaine n’existe plus : on s’en est aperçu avec le traitement du dossier de Madame Chantal Sebire
Je me demande si notre Justice, telle qu’elle est conçue, a le droit d’exister dans les conditions que tu décris si bien : les jurés, qui sont issus du Peuple français, auraient dû faire preuve de plus de retenue également !
Notre Pays, méritera-t-il d’exister dans ces conditions ? Tout comme toi, j’en doute !
En ce qui concerne cette mère, qui a assassiné sa fille, je pense qu’elle est persuadée du bien fondé de son acte, ce, même si elle regrette son geste et si elle le regrettera jusqu’à la fin de ses jours !
Instrumentaliser l’euthanasie par une loi pourrait donner lieu à des comportements néo-nazis : sur ce point, je suis d’accord avec ton ami !
Bonsoir,
J’avoue ne pas avoir lu l’ensemble des commentaires mais je voudrais tout de même revenir sur la question de savoir si Anne Marie était « d’accord ».
Alors bien sur, elle n’a jamais fait part de sa volonté univoque d’en finir. Mais n’oublions pas qu’Anne Marie raisonnait comme une enfant de 5 ans…
Par contre, je pense que l’on peut considérer que le corps d’Anne Marie a parlé pour elle. J’ai assisté aux débats et me permets donc de rappeler quelques éléments qui vont dans ce sens : enfant, ado, Anne Marie présentait des signes de « plaisir » : elle reconnaissait ses proches qui lui rendaient visite, elle écoutait de la musique, connaissait par coeur des chansons, feuilletait des catalogues, des livres pour enfants.
Puis, 8-9 mois avant sa mort, AM a commencé à montrer des signes qui veulent (à mon sens) dire qu’elle ne voulait plus vivre : en effet, elle s’est renfermée sur elle, ne disait plus bonjour d’elle même, n’appelait plus ses proches par leur prénom, refusait d’écouter de la musique, ne feuilletait plus les nouveaux livres et catalogues qui lui étaient proposés. N’est ce pas les signes de quelqu’un qui ne veut plus avancer ? Quand on refuse de faire tout ce qu’on aimait je crois que l’on peut penser que c’est bien que l’on ne veut plus vivre.
J.
BLAISE, un petit passage pour redire que je suis « POUR » les soins PALLIATIFS, et « CONTRE » l’HEUTHANASIE, si l’on développait ce secteur de soins, dans tous les Hopitaux de France, il ne devrait plus avoir de débats. » Tu ne tueras point », j’en reste à ce commandement chrétien!!
@micalement Sophy
Bonjour Sophy,
Merci de ce petit message
Julien, merci de ce message très posé qui donne un avis tout à fait estimable.
Cependant je crois que les bases de votre réflexion sont hasardeuses et peuvent aller un peu loin. Ne croyez vous p as que dans ce cas nous pourrions euthanasier bien du monde à commencer par les personnes dépressives?
Bonsoir,
Je ne pense pas que l’on puisse considérer que les personnes dépressives n’ont pas les moyens pour faire entendre leur voix. Dans le cas d’Anne Marie son corps était le seul moyen de faire transparaître des émotions. De plus, je pense qu’un dépressif voulant en finir n’a besoin de personne…
Mais je suis bien conscient des risques de dérive.
Cdt,
Julien