La reparution, que l’on souhaitait rapide au moment de la rédaction de ces lignes, du Fiction, féminisme et postmodernité – Les voies subversives du roman contemporain à grand succès, de l’universitaire Anne Larue, devrait contribuer à populariser encore davantage des genres littéraires quelque peu dédaignés. Quelques notes de lecture sur un livre rarissime (une vingtaine d’exemplaires tout au plus circulent sous le manteau), censuré, fait rare lui conférant le statut d’un livre de collectionneur, après parution, sans la moindre forme de réel procès… Au final, voir l’épilogue, il figure de nouveau au catalogue de l’éditeur.
Un mot sur l’auteure en guise de préambule. Anne Larue n’est pas d’abord féministe puis chercheuse universitaire ou l’inverse, investigatrice de formes d’expression dites marginales puis des grands courants de l’historiographie classique des arts et littératures ou inversement. Ses publications, consignées sur le site du Centre d’études des nouveaux espaces littéraires (CENEL), donnent un aperçu de la diversité de ses intérêts et « Eschyle, Shakespeare, Genet et la mise en scène de la guerre » ou « La stratégie orientaliste des peintres romantiques » y côtoient « Les Guérilla Girls : retour critique sur l’histoire de l’art patentée » ou « La suite Fibonacci dans les arts ». Pour le profane, glissons que la formule mathématique de Fibonacci a parfois remplacé le nombre d’or en divers domaines, telle la détermination de l’empagement en imprimerie, la prosodie musicale et la versification, l’architecture intérieure, &c.
Elle (Anne Larue, voire « il », Fibonacci, allez savoir…) est aussi réputée pour avoir éclairé l’apport du sadomasochisme à la littérature, et réciproquement, ce qui lui vaut de figurer en bonne place sur les étagères des bibliothèques des donjons, à proximité ou non du Liber abaci. Elle s’amusa et nous divertit en publiant une pochade ironique chez Chifflet, La Femme est-elle soluble dans l’eau de vaisselle ?, qui fut remarquée par la presse féminine de type Elle. Mais si elle s’intéresse à la wicca, ce n’est pas pour faire « tendance » mais parce que cela s’inscrit dans la thématique du groupe de recherches Modernité médiévales. Autrefois enseignante universitaire à Reims, elle est professeure de littérature comparée à Paris-xiii, spécialisée en Histoire de l’art, des idées et des mentalités.
Féministe, oui, Anne Larue l’est, version « hédoniste » puisqu’il faut tenter de la situer, et plutôt radicale (pas vraiment Badintérienne, pour résumer), résolument : à présent, estime-t-elle, « il faut presque s’excuser d’être féministe, il faut avoir “ un look chienne de l’extrême ” pour s’excuser, comme le dit Virginie Despentes dans King Kong Théorie. Ce qu’on dérange, ce n’est pas “ les hommes ”, c’est la Patriarquie Unie : un système qui a 6 000 ans… ». Ce n’est pas faux tant la caricature des « excès » des féministes militantes vise à déconsidérer toute expression féminine ou autre qui contrecarrerait le mercantilisme ambiant. Mais elle vit avec son temps et choisira sans doute, pour ses idées, la mort lente de Brassens. Quoique… Rédactrice, pour l’ouvrage collectif Civilités extrêmes, d’un article intitulé « Condamnés au savoir-vivre. Comment bien mourir sur l’échafaud », je la soupçonne d’avoir atteint la maturité qui ne fait plus les relapses fuyant le bûcher. Mais il faudra sans doute la pousser jusqu’au seuil de l’autodafé. Elle ne sent absolument pas l’âme d’une « grande opposante », et ses prochains articles ou volumes la mobilisent plus que la vaine recension de son furtif ressentiment.
Dans son Yes wiccanes ! Les best-sellers de la déesse-mère, titre original de son Fiction, féminisme et postmodernité – Les voies subversives du romain contemporain à grand succès, édulcoré sous l’amicale (qui deviendra inamicale) pression de son éditeur, les Classiques Garnier, elle se montre lucide. Le mouvement des wiccanes, philosophie spiritualiste dont elle expose les spéculations ésotériques sans trop s’illusionner sur leur portée opératoire, comprend une branche active engagée dans les combats féministes, écologiques, autogestionnaires (pour faire simple) et peut-on dire plus largement fraternels ou sororaux. Liberté, égalité, fraternité pourrait-être une formule wiccane. Ce qu’il en advient dans le réel évoque fort l’actuelle portée de la devise républicaine française en régime ploutocratique aménagé pour que l’opinion reste docile ou se réfugie dans le divertissement.
Il se trouve que ce « divertissement » puisse être déviant. « Que peut la wicca, cette promotion du féminin symbolique, à coloration imaginaire, sacrée, religieuse ou fantasyste ? (…) crier “ à bas la calotte ! ” et promouvoir la déesse et les sorcières en échange permettra-t-il d’en finir un jour avec le patriarcat rampant ? Une image de femme positivement puissante, sorcière et magicienne peut-elle vraiment quelque chose sur le réel alors que “ la femme ” reste majoritairement vissée, aujourd’hui encore et aujourd’hui plus que jamais, à un destin misérable de côtelette adamique ? C’est ce qu’on va se demander, exemples à l’appui. » Anne Larue n’apporte pas vraiment de réponse définitive, tant il est vrai qu’utopie et réel se confrontent par essais et erreurs, s’affrontent en avancées et reculades. Mais ce n’est sans doute pas tant ce questionnement qui a froissé les Classiques Garnier et motivé le retrait des ventes de l’ouvrage sitôt la dizaine d’exemplaires d’auteure parvenus à leur destinataire. Au détour de sa critique de l’historiographie officielle littéraire (qui vise à ignorer La Princesse de Clèves aussi superbement que Les Trois Mousquetaires de Dumas, tolère quelque peu Jules Vallès mais ensevelit Georges Darien à l’ultime ou pénultième place des listes bibliographiques, bientôt aux côtés des George Sand, loin derrière Colette), Anne Larue s’en prend aussi aux lourdes de conséquences et ô combien pesantes manœuvres d’influence des courants néoconservateurs dans l’établissement du cursus scolaire et l’orientation de la docimologie.
« Le mot “ scientifique ”, au lieu de désigner la science elle-même, a été détourné de son sens premier. Il renvoie à un dispositif de censure pour les humanités, auxquelles il inflige, pour commencer, l’entorse dénaturante d’un nom qui ne convient pas. Scientifique signifie ici, en réalité, si on ôte tous les masques : “ approuvé par les censeurs de la pensée ”. L’absurdité qui contraint les lettres à devoir-être-scientifiques, et leur étude à être menée d’une manière “ scientifique ” est une violence faite à leur nature. » En Corée du Nord, tout comme dans une moindre mesure à Cuba ou naguère dans la Moldavie soviétique, tout l’enseignement est ou était orienté de manière à ce que la dissertation soit bannie, la réflexion contingentée à reproduire de manière dirigée une argumentation qui lierait dans un discours convenu des réponses à des QCM ou à des « Questions pour un champion ». Le locuteur est A, l’auteur B, le style est de type non-Y et non-Z, sans doute X teinté de R, donc recevable, et l’art de la notation s’approche de la limpidité de correction d’un devoir de mathématiques. Rayez d’abord les mentions inutiles, soulignez la bonne réponse… Comparaison n’est pas, actuellement, déraisonnable, ici et maintenant.
La wicca et son imaginaire imprègnent les fictions à forts tirages qui captivent autant les adultes que les adolescent·e·s en versions savamment édulcorées pour passer le cap des comités de lecture des maisons pilotées par des commerciaux veillant à l’essor des dividendes. De la wicca, on ne retient guère ce qu’en expose Anne Larue. Soit « un culte à forte connotation celtisante. On craint toujours quelque dérive fasciste quand il est question de ce genre de paganisme : mais en ce qui concerne la wicca, la crainte est sans fondement. La symbolique celtisante de la wicca passe par le filtre de la fiction néomédiévale, et il n’est question que de romans de chevalerie, de fée Morgane, de belles petites épées féminines appelées athamés, de runes ou de chaudrons. (…) Vu de l’extérieur, le groupe wiccan ressemble à une confrérie SM : on y célèbre l’énergie et la suprématie féminine, on y pratique la sexualité de groupe, on y inverse les rôles, les participants sont nus, le groupe est très fermé. Cette réalité sexuelle de la “ magie ” choque passablement certains adeptes américains plus tardifs. (…) Le même désir de l’Autre Monde, avec gamineries de société secrète (club des cinq, clan des sept, club SM) et dimension héroïco-ludique (le héros ou l’héroïne souffre pour la bonne cause) est requis dans les deux univers. ».
Est aussi souvent occulté, ou travesti, ce qui fait l’attrait trouble, forcément trouble, de la wicca transposée dans les romans à succès : « la question de l’Autre Monde est surtout celle de savoir qui tient les clés de ce monde ci-présent. Spinoza lui-même aurait apprécié une telle quête, lui qui rappelait, dans son Traité théologico-politique, le rapport étroit qui existe entre le gouvernement des souverains et l’idéologie religieuse dont ils font leur arme pour asservir un peuple encore trop dénué de raison. ».
La wicca est en effet un mouvement sans grandes prêtresses à pouvoirs temporels, sans gourous infaillibles, sans hiérarchie, sans livre « révélé » intangible ou travesti de conciles en synodes, assemblées d’oulémas ou de rabbins, et ce n’est guère triste. « En associant féminité et puissance (empowerment est un mot aussi important en wicca qu’en techniques managériales !) par le biais de la Nature, investie d’une très grande force, le jeu a-t-il pour but d’instaurer (ou de restaurer, si on se place du point de vue des croyances wiccanes) un nouvel ordre symbolique qui aurait quelque effet sur le réel ? Reste à savoir si cela est efficace, et si l’inventivité performative du jeu, le rituel vécu comme un jeu symbolique a le pouvoir de façonner en retour le réel lui-même. Peut-être. Peut-être pas. C’est là l’enjeu du jeu. »
Quand Anne Larue énonce que, pour la wicca, « l’ennemi est le catholicisme (…) le capitalisme est son sbire : c’est lui qui conduit le développement urbain, celui du crédit et celui de l’armée. Capitalisme et catholicisme, unis main dans la main, forment la base du patriarcat, c’est-à-dire de la domination masculine sur la planète. Telle est, en substance, la leçon politico-religieuse de la wicca, qui plonge ses racines dans le New Age, l’ère du Verseau, le culte de la nature, l’écologie, le féminisme, l’altermondialisme et… la fantasy, » entendez plus largement, dans la littérature dérivée qui s’en inspire, « religions monothéistes révélées ». Et même, leurs lointains dérivés vulgarisés de manière pas trop agressive pour leur hégémonie sur les mentalités. « C’est en se groupant en clan maternel que les femelles ont inventé la race humaine. Sans leur union, les petits auraient été dévorés par les mâles et jamais le genre homo n’aurait vu le jour. Quant au “ tabou originel ”, ce n’est certes pas celui de l’inceste, n’en déplaise aux psychiatres viennois ; c’est la dévoration des jeunes. Pour entrer en civilisation, la société humaine originelle a dû tout d’abord apprendre, grâce aux femmes, à ne plus manger ses rejetons. Il reste de cela, dans le folklore et la mythologie, quelques traces : Kronos dévorant ses enfants et supplanté par un des leurs (le petit dieu patriarcal Zeus, nouvellement promu), et quelques ogres au fond des forêts. ». Onfray qui s’en dédit ! Le plus freudien des dualistes, ou déistes, serait-ce celui ou celle qui l’écrit ou le dissimule ?
Il n’y a pas que Dan Brown qui baigne dans la wicca et ses avatars. « La présence accrue des symboles – dont le pentacle – dans Da Vinci Code dépasse largement le deux mentions explicites de cette “ religion ” dans le best-seller : c’est en somme tout le livre qui est wiccan, qui baigne dans la wicca. Le livre est supposé flatter le goût de la lectrice pour la puissance révélée du féminin. Mais ce n’est là que vile flatterie superficielle : le roman est sexiste, au sens où le patriarcat de rigueur et la primauté donnée à l’homme ne souffre ici aucune discussion. » Je n’entrerai pas dans l’érudite revue de détail des divers genres populaires à laquelle se livre Anne Larue : je n’ai lui que Tolkien, dont il est longuement question, les Harry Potter ou Les Dames du lac ne figurent pas dans mes rayons, je n’ai jamais participé à un jeu Grandeur Nature, je vois de très loin les rassemblements néo-médiévaux où se dégustent des langues de pigeons arrosées d’ambroisie à base de fermentations genre chouchen ou hypocras pour le coup de l’étrier…
Mais il y a un réel plaisir de lecture (entrecoupé de consultations passionnantes de dictionnaires, car Larue, sans jamais tomber dans l’abscons fumeux et le charabia emploie des termes spécialisés qu’elle explicite ou non et quelques charmants vocables, ainsi du « lieu amœbée qu’est la Lorien » de Tolkien). Mais c’est tout un univers passionnant – même si on a d’autres chats à fouetter et d’autres intérêts plus prenants – qui est dévoilé ; on comprend du coup mieux ce qu’il peut avoir de potentiellement subversif. « La passion dévorante de la fiction, qu’on pourrait appeler politique de la lecture brûlée, consume les cycles aussitôt qu’ils paraissent, les emportant dans un maëlström où ils se périment avec rapidité tout en suscitant un engouement planétaire. On connaît les difficultés de conservation de la littérature populaire : les livres ne sont pas gardés, ils circulent et disparaissent. Ils sont accompagnés, suivis et remplacés par un processus qui est celui de la création dérivée – qui pour être dérivée, n’en est pas moins création et objet à part entière. Films, BD, jeux vidéo, jeux grandeur nature, jeux de rôle, blogs, forums, fêtes, mariages, pratique de la magie blanche ou fanfiction témoignent de cette vitalité. On se gardera de les éliminer de notre pensée sous l’appellation marketing de “ produits dérivés ” : il faut les considérer comme des produits culturels à part entière, et leur prêter la même attention qu’à leur source pas beaucoup plus valorisée culturellement quand il s’agit de littérature populaire, le livre. »
Je me suis déjà assez vite départi de mon regard mi-goguenard, mi-narquois lorsque je croisais des jeunes gens et beaucoup moins jeunes femmes grimés et vêtus à la mode gothique. Mes réminiscences de Byron et surtout Mary Shelley (Frankenstein, revisité à la faveur d’une préparation au Capès ancienne mode), m’avaient, sans le recours au Fiction, féminisme et postmodernité… d’Anne Larue, fait opérer quelques rapprochements. On peut préférer à ce romantisme porteur de radicalité, mais aussi générateur de modes éphémères, celui de la Beat Generation, du punk, ou de je ne sais quoi de plus actuel et médiatisé à présent. Mais Anne Larue aide à créer des liens, jeter des passerelles, voire forer des souterrains, déjouer des labyrinthes. Cela décape et fait envisager autrement son environnement. Livre nécessaire, donc.
Faute d’expertise du champ d’investigation d’Anne Larue et de ses corpus, je me suis attaché à ce que les Classiques Garnier ont peut-être pris pour des digressions dans le cadre de leurs essais académiques policés (c’est du moins ce qu’un comité de lecture, qui s’est renié, allègue… sans qu’on puisse subodorer quelles pressions, dues à l’autocensure ou à on ne sait quelles avouables ou occultes interventions extérieures, aient pu ou non jouer). « La terreur technologique dans l’espace urbain fait exactement pendant au refuge dans un passé campagnard réinventé ; telles sont les positions respectives, pas fondamentalement antagonistes, de la fantasy et de la SF. La question posée par les deux genres est en fin de compte le statut du présent : ou bien on le mire dans le passé, perdu à jamais, ou bien on le projette dans le futur, qui serre le cœur en prouvant que tout ce qu’on est en train de vivre au présent est voué à la consomption implacable. ».
Lors de mon prochain long trajet ferroviaire, si je n’ai pensé, au moment de boucler en hâte un bagage, à enfouir quelques ouvrages en carence de lecture (ou relecture, par exemple le remarquable Kass Burn, Les Neuf Péchés capitaux expliqués aux adultes, des éditions BTF Concept), je risque fort de m’emparer, en Relais H, ou chez Smith and Wesson de préférence, d’un de ces épais bouquins de « littérature de gare » dont Anne Larue s’est délectée. Je m’y brûlerai peut-être. Possiblement aux chausses de ces Dames dont Anne Larue rend les chevilles alléchantes : « nous allons plutôt nous concentrer sur le combat théologique en fantasy. Il commence vraiment avec Marion Zimmer Bradley. Certes, on pourrait citer le Silmarillion de Tolkien, et bien d’autres romans où apparaît la guerre des dieux, notamment en science-fiction ; mais The Mists of Avalon [Ndlr. Les Dames du lac, en VF] tient une place à part dans cet univers. C’est une fiction inaugurale à plus d’un titre : la passion de son lectorat, la très grande diffusion de cette œuvre, ses larges retombées qui soutiennent la vague de l’engouement arthurien et surtout sa construction à contre-courant du mainstream héroïco-patriarcal contribuent à son caractère décisif. ».
La lecture de fiction, considère un éminent professeur émérite de littérature rémois dont je ne me pardonne jamais d’oublier encore le nom, consiste à se recréer un vécu revisité et à se projeter dans l’avenir, dans l’acte potentiel. Anne Larue pousse cette logique assez loin, antérieurement au monde antique, et fort avant, bien au-delà du déclin de la Patriarquie Unie « dont on n’est pas près de se débarrasser, » considérait-elle dans les commentaires, sur Come4News, de la censure dont elle est l’objet et dont l’enjeu dépasse sa personne. D’ailleurs, n’écrit-elle pas « la question posée par les deux genres [Ndlr. fantasy, SF] est en fin de compte le statut du présent : ou bien on le mire dans le passé, perdu à jamais, ou bien on le projette dans le futur, qui serre le cœur en prouvant que tout ce qu’on est en train de vivre au présent est voué à la consomption implacable… » ?
On trouvera sur divers sites d’autres extraits de cet ouvrage qui a commencé à être convoité, prêté, passé de mains en mains, voire photocopillé en intégralité sans que la Scam ou autres sociétés de droits d’auteurs puissent en récupérer l’usufruit à répartir. Not at the British Library, relevaient les notices des ouvrages bibliophiliques d’une extrême rareté. Je me contenterai d’une réédition, sans doute augmentée d’un incipit narrant ses vicissitudes. Au passage, on espérera que l’orthotypographie défaillante, désinvolte, des Classiques Garnier, à la Anelka baguenaudant et flânant au pas d’arpenteur variqueux sur la pelouse de Polkawane, soit corrigée. Quand on se targue de faire dans l’édition de qualité, cela frise parfois la monstruosité et dévoile l’imposture. Fi donc ! Certaines, certains auteur·e·s de ces Classiques pourraient peut-être dire, comme Hugo Lloris, gardien du temple des Bleus 2010, « je préfère ne pas parler, je risquerai de lâcher des choses. ». Chiche !? Les points sur les i ne surmonteraient peut-être pas que les coquilles (une flagrante, un banneau, petit panier de vendangeur, substitué au bandeau « sur les yeux de Frodo, » p. 164, ligne 1, dernier §) et l’alternance fantaisiste du romain et des italiques pour certains termes. À ce propos, amœbée se ligature (ce qui a échappé au comité de lecture, p. 165).
Je reprocherai quand même à Anne Larue quelques défaillances d’attention vénielles : elle frôle parfois la redite en termes non redondants. Mais c’est leste, allègrement mené, et les anglicistes se délecteront, si elles ou ils le peuvent, de trouvailles telles que ce Brave Glossy World « blairien » qui annonce une référence à Fredric Jameson (Penser avec la science-fiction). Les cinéphiles y trouvent également leur content (and contents), tout comme les amateurs de mankagas. Botul (ou plutôt les Botul…) aurait très certainement beaucoup apprécié ce livre. Quelques pisse-froid infatués de leurs usurpées prérogatives se feront sourcilleux en lisant « la disparition des catégories implantées, la dissolution des valeurs de la Haute Culture, l’indifférence grandissante du public envers les prétentions de la légitimation littéraire font sans doute, d’un certain point de vue, des ravages ; mais (…) un certain idéal kantien, jusqu’ici refusé à certaines catégories de livres en raison de leur inscription libraire et éditoriale dans un genre réputé marginal ou populaire, est soudain atteint : si un livre est bon, peu importe son genre, son sous-genre, sa prétendue cible. ».
Tant pis pour ces fesse-mathieux qui, après nous avoir confisqué nos albums de BD, font à présent semblant de se réjouir que les Harry Potter font renouer la petite jeunesse avec l’imprimé, histoire de donner des entretiens conformes aux attentes des magazines dont les publicités vantent aussi leurs si peu compendieux pensums. Le Larue n’est plus en rayons, il est presque déjà dans la rue, et les roués qui ruent encore s’en réjouiront… et en feront leur miel, hypocrassique (sic) ou non.
Épilogue :
Fin août 2010, nous recevions d’Anne Larue ce qui suit :
Le délai [Ndlr. entre le 25 juin et fin août 2010] s’explique par le règlement de l’affaire juridique. »
Passionnant; donnerait envie de decouvrie Mme Larue…
Cher Jeff, si vous vous interessez aux feministes wicannistes que vous mentionnez, je ne peux que vous recommender « Women Who Run with the Wolves » de Clarissa Pinkola Estes; cela a fait un tabac il y a 20 ans aux USA; et quelques livres de Gloria Steinem , la digne heritiere de Castor(Outrageous Acts and Everyday Rebellion, Marilyn: Norma Jean ,Revolution from Within; j’avais adoré à une epoque
et toujours d’actualité
cordialement
Chère AgnesB : cela donne envie de vous découvrir…
Tant qu’à lire ces livres, je vais précéder cette/ces lecture/s de celle du Bertrand Russell, [i]Why I am not a Christian[/i], dans l’édition de Touchstone (Simon & Schuster), qui doit être encore dispo sous le titre de [i]Pourquoi je ne suis pas chrétien[/i] chez Perspectives Libertaires. En résumé, dit Russell, “[i]I am as firmly convinced that religions do harm as I am that they are untrue[/i]” (je suis aussi persuadé que les religions font autant de dégâts que convaincu qu’elles sont irréelles, pour adapter en substance). Pour la wicca, à part le mal que pourraient s’infliger des adeptes, comme ce n’est pas une religion, je n’y vois pas d’inconvénient. Mais on ne me fera pas me suspendre à des crochets enfichés dans mon derme ou quoi que ce soit pour atteindre je ne sais quel niveau de conscience, ou prendre des crampes le bras replié dans une loge maçonnique (gare à l’arthrite). Trop tard pour être [i]in bed with Norma Jean[/i]… Mais j’aurais bien sacrifié à ce genre de culte 😉
Cher Jeff,
De plus en plus d’accord avec Russell (et je l’etendrai à toutes les religions monotheistes)… J’avoue cependant avoir fait un raccourci trop rapide dans ma lecture des wiccanistes; les femmes ecrivains metionnées ne le sont pas..
Mais j’ai été fascinée dans les années 80/90 par un mouvement de pensée feministe qui se rapprochaient des theses « junguiennes » sur les deesses greco romaines et par un mouvement qui revendiquait un retour aux sources et aux legendes
je n’ai jamais etendu parler de violences ou mutilation ou de frnac maçonnerie…
amicalement
Au passage, je relève qu’inopinément l’interface de Come4News, coutumier du fait, est capable de supprimer tout le formatage d’un texte (faire sauter les italiques, la bordure de pixels blancs des images, &c.), et c’est parfois gonflant de s’apercevoir, quelques heures ou jours après, qu’il faut tout reprendre… Au risque, cette fois, d’une moindre vigilance.
Bien évidemment, mutilations, violences ou franc-maçonnerie ne relèvent pas de l’univers de la wicca, mais d’autres formes de pensées spiritualistes ou animistes.
Larue rejoint Russell en ce qu’elle considère sans doute comme lui que le péché est ce qui ne plait pas à ceux qui contrôlent l’éducation (“[i]Perhaps at this point the reader will expect a definition of sin[/i] (…) [i]sin is what is disliked by those who control education[/i].”). Nous ne sommes pas loin d’en arriver (ou de retourner) au point où le péché est de réfléchir et de s’informer hors de la documentation qui n’a pas été mise à l’index (de la religion catholique qui a longtemps banni la lecture de la Bible et de toute littérature non approuvée par ses soins).
La complexité des polythéismes, leur inventivité contribuant à faire évoluer le sens caché du réel au gré des événements et circonstances, a été réduite par les religions révélées qui, en grande partie, n’ont fait que reprendre les fondamentaux des diverses superstitions pour affirmer leur pouvoir. Réduire la vision trinitaire au « mystère » (dont l’interprétation est réservée à des pères conciliaires ou des hiérarchies) de la Trinité est l’un des subterfuges de divers dogmes. La wicca, à laquelle je n’adhère pas davantage qu’à toute autre recherche spiritualiste dont je ne dénie pas la portée de réflexion, d’interrogation du réel par d’autres voies que le raisonnement scientifique, est en ce sens intéressante : il n’y a pas de dogme.
Il y a liberté et responsabilisation.
La wicca, tout comme la cité spatiale de Yona Friedman en urbanisme, fournit une grille, une trame, une ossature qui n’est pas immuable, et c’est aux habitants de gérer leur habitat, leur vécu, de manière libre mais aussi consciente du collectif, responsable.
La censure est aussi une forme de « grille », mais « déresponsabilisante ».
Un truc m’a amusé : on ne se relit jamais assez…
Initialement, en chapeau, j’avais « [i]les voies subversives du romaIn contemporain[/i] » (en italiques, comme il se doit). Cela m’avait échappé.
Pour celles du « Romain contemporain », avec cette affaire, il est vrai qu’on s’imagine bien dans l’Italie de Berlusconi, où la presse aux ordres enfouit soigneusement ce genre d’affaire.
Bonsoir,
Il faudra signaler que le livre a été remis en vente en juillet.
Pour Numa :
C’est fait…
Mais la remise en vente est sans doute devenue effective un peu plus tard…
Épilogue
Fin août 2010, nous recevions d’Anne Larue ce qui suit :
« “J’ai le plaisir de vous indiquer qu’à la suite d’un accord intervenu avec les éditions Classiques Garnier et les deux directeurs de la collection Perspectives comparatistes, mon ouvrage [i]Fiction, féminisme et post-modernité. Les voies subversives du roman contemporain à grand succès[/i] a été remis en vente le 25 juin dernier ”.
C’est la formule que j’ai le droit de vous adresser à présent, qui résulte d’un protocole transactionnel.
Le délai [Ndlr. entre le 25 juin et fin août 2010] s’explique par le règlement de l’affaire juridique. »