Beaucoup s'en souviennent, mais peut-être vaguement. Rafraîchissons donc les mémoires. Quand Le Petit Prince de Saint-Exupéry raconte son voyage à l'aviateur rencontré dans le désert, il énumère une série de planètes sur lesquelles il s'est posé et où vivent des personnages curieux…
Sur la cinquième planète, toute petite, vit un allumeur de réverbères, au pied d'un unique réverbère. Il l'allume quand le soir tombe, il l'éteint au lever du jour. Normal, c'et la consigne. Mais sa planète tourne de plus en plus vite et c'est maintenant une fois par minute qu'il allume et éteint. "Je n'ai plus une seconde de repos", dit-il. Le Petit Prince lui suggère de marcher pour rester dans l'ombre ou la lumière, et ne plus avoir à travailler. Mais, pas de chance: "Ce que j'aime dans la vie, c'est dormir", explique l'unique habitant de cette planète.
Le Petit Prince n'est pas idiot. Il voit bien que ce travail est absurde. "Cependant il est moins absurde que le roi, que le vaniteux, que le businessman et que le buveur. Au moins son travail a-t-il un sens. Quand il allume son réverbère, c’est comme s’il faisait naître une étoile de plus, ou une fleur. Quand il éteint son réverbère, ça endort la fleur ou l’étoile. C’est une occupation très jolie. C’est véritablement utile puisque c’est joli."
Puisque tout évolue – d'autres diraient que tout fout le camp -, le métier d'allumeur de réverbères a maintenant disparu.
Quoique…
A Dörentrup, raconte Le Monde, des rues ont été équipées de lampadaires qui s'éteignent automatiquement à 21 heures et se rallument à la demande, pour un quart d'heure, sur simple envoi d'un SMS. Chacun devient alors, pour son propre compte, allumeur de réverbères.
Cette histoire aurait probablement bien plu au Petit Prince et à Saint-Exupéry.
D'autant que l'absurdité n'en est pas absente. Réalisé, on s'en doute, dans le but d'économiser l'énergie, cet aménagement a conduit, les premières nuits au moins, à maintenir les rues éclairées presque en continu: tout le monde voulait essayer le nouveau système.
Il reste à imaginer ce que pourraient être, dans notre siècle, les équivalents du roi sans sujet, du vaniteux, du buveur, du businessman, du géographe…