Quel est donc le rôle de l ‘écrivain ?
Quelle est donc la responsabilité qui le pousse à formuler des réponses claires et nettes?
«Le rôle de l’écrivain ne se sépare pas de devoirs difficiles, répond Albert Camus.Par définition il ne peut se mettre aujourd’hui au service de ceux qui font l’histoire: il est au service de ceux qui la subissent. Le silence d’un prisonnier inconnu, abandonné aux humiliations à l’autre bout du monde, suffit à retirer l’écrivain de l’exil, chaque fois du moins qu’il parvient, au milieu des privilèges de la liberté, à ne pas oublier ce silence et à le relayer pour le faire retentir par les moyens de l’art.» .Albert Camus, Stockholm 1957. Recevant le prix Nobel de littérature, il se décrit parfaitement.
Camus tombe par hasard sur le métier de journaliste. il quitte l’enseignement suite une maladie contractée en Algérie natale: la tuberculose.
Il se découvre une nouvelle passion. Il se retrouve.
Humaniste hors pair il combattra à sa manière, avec la plume, au coté des opprimés de l ‘Algérie française .
Il ne fait pas de cadeau. Il dérange et le journal Alger républicain de Pascal Pia sur lequel il collabore disparaît.
Camus plie bagage et part à Paris. Dès 1943, il reprend en main le Combat.
Une nouvelle page dans la vie de Camus. Il se fortifie dans le métier et prend conscience qu ‘il peut influencer l ‘opinion publique.
Un peu à l ‘image de Voltaire il transforme les dénis de justice en affaire publique. Et il est entendu.
Pour Jean Guérin, qui a dirigé la publication du Dictionnaire Camus, «Camus, s’il ne la forge pas, donne ses lettres de noblesse à l’idée d’un ‘journalisme critique’ qui se situe entre le journalisme de combat et le journalisme d’opinion».
A Combat, l’éditorialiste sait qu’il est très lu. Il ne se trompe pas. Il sait ce qu ‘il veut.Il donne une belle leçon à ses paires de bravoure et de responsabilité journalistique. Valable encore de nos jours.
Il sait maintenant la portée de ses écrits de plus en plus aimés et entend «redonner au pays sa voix profonde. Si nous faisons que cette voix demeure celle de l’énergie plutôt que de la haine, de la fière objectivité et non de la rhétorique, de l’humanité plutôt que de la médiocrité, alors beaucoup de choses seront sauvées et nous n’aurons pas démérité.»
Il ne perd pas son temps dans des débats stériles et vains. Il sait discerner l ‘essentiel de ce qu ‘il ne l ‘est pas. L ‘âme algérienne jusqu ‘au bout il ne baissera pas les bras de sitôt.
Sa cause est la défense de la justice sous toutes ses formes. Il comprend l’ enjeu politique dans ses moindres recoins et le fait savoir.
C’est son exigence morale, poussée jusqu’à l’obsession pour répondre à la question de saint Augustin: «d’où vient le mal?» Cette morale s’exprime particulièrement clairement dans ses éditoriaux. Il y a de la clairvoyance chez Camus. A propos de la décolonisation, de la laïcité, de l’Algérie. Il est le seul à alerter l’opinion sur le virage de civilisation qu’implique en 1945 la bombe d’Hiroshima.