Le scandale de la viande de cheval semble avoir été estompé par d’autres nouvelles, mais s’il ne fait plus de gros titres, il perdure. Ou refait surface. Au Royaume-Uni, c’est à présent la chaîne Asda (filiale de Wallmart) qui, selon The Sun, a retiré des boîtes de corned beef : elle contenait du minerai de cheval en provenance de Toupnot SA (Lourdes) qui exporte ses produits dans plus de 60 pays (notamment sous sa marque, Cuisine des Pyrénées, et d’autres).  Mais les Balkans sont aussi touchés par des produits laitiers contaminés par des aflatoxines (vraiment dangereuses) et on a aussi trouvé du cheval dans les fameux mics (mici, mititei), proches de l’Adana kebab, qui sont aux festivités roumaines ce que les merguez sont à la fête de L’Humanité.

Tiens, Toupnot SA, dont le site s’orne d’un beau label AB (bio) et d’un onglet portant sur le développement durable, n’avait pas encore fait parler d’elle dans le cadre du scandale de la viande de cheval. Il est vrai que cette société de Lourdes est au-dessus de tout soupçon puisqu’elle se voyait décerner, en janvier dernier, un prix honorant son Pdg, Rémi Arnauld de Sartre. Arnaud Montebourg en personne avait fait le voyage à Lourdes pour féliciter le numéro trois mondial du corned beef.

La firme vante sa certification IFS (International Food Standard) niveau supérieur, son procédé de fabrication sous process HACCP, ses deux laboratoires d’analyses, et annonce sans rire sur son site que « la détection des corps étrangers est effectuée à tous les stades de fabrication, par triage manuel ou automatique ».
Comme le relate The Sun, Asda compte désormais huit produits ayant été détectés pour contenir de la viande de cheval incorporée à du bœuf. Dans le cas du corned beef Asda Smart Price fournit par la béarnaise Toupnot (Lourdes), les proportions pouvaient atteindre 50 %, selon la « police » (le Leicestershire County Council) et seulement 5 % selon le manifestant Asda proclamant sa bonne foi et la tromperie de son fournisseur (ou du fournisseur de Toupnot, allez savoir…). Asda proclame que les produits ne sont pas dangereux mais qu’ils seront sur demande intégralement remboursés (la facture étant envoyée sans doute à Toupnot, qui se fournissait aussi, comme Spanghero, Covi ou Gel Alpes, auprès de Draap Trading).

Plus grave, cette fois dans les Balkans, la Transylvanie, &c. Danone a retiré des rayons roumains certains de ses produits laitiers contaminés par des aflatoxines aux effets potentiellement cancérigènes. Serbie, Croatie et Bosnie avaient pris les devants la semaine dernière. Les pertes, selon l’AFP, seraient minimes, mais Agenda (.ro) évoque « des dizaines de millions d’euros ».
Les autorités sanitaires roumaines avaient dépisté trois élevages, deux unités de transformation et deux coopératives de collecte : catastrofal. 32 automates de traitement (qui ne fournissaient pas que Danone) ont été décontaminés.

Mais les Roumaines et Roumains ont davantage réagi en apprenant que les mici (ou mititei), traditionnellement fabriqués en quantités industrielles (mais aussi artisanales, un peu partout), à partir de viandes de mouton ou de porc, pouvaient contenir du cheval en quantités importantes.

Au plus fort du scandale de la viande de cheval (affaires Comigel-Spanghero), la Roumanie avait proclamé haut et fort qu’elle n’y était pour rien. En fait, de petits affaires de cheval vendu pour du bœuf, sur de petits marchés à ciel ouvert de la capitale, Bucarest, avaient été répercutées quelques mois auparavant (dans la presse roumaine et ici-même, sur Come4News).

Mais là, avec les mics, vendus à travers la grande distribution dans 36 départements roumains, une corde sensible a été touchée. Tout comme les sarmale (préparations enrobées de feuilles de choux, voisines des feuilles de vigne à la grecque), les mici sont extrêmement populaires. Il s’agit de chair à saucisse sans enveloppe, grillée en petits bâtons, servis dans les restaurants, lors de toutes fêtes en plein air, grillés au fond des jardins, présents sur tous les marchés.

Des analyses se sont déroulées du 14 au 21 mars derniers, rapporte l’agence Mediafax, et une première société, de Ploiesti, a été épinglée. Environ 2 000 lots avaient déjà été distribués. C’est peu, mais particulièrement choquant.

En Bulgarie, ce sont les sazdarma, d’autres type de saucisses, qui contiennent du cheval : le résultat des analyses a été divulgué ce jeudi.

En France, Gel Alpes (de Manosque), qui fournissait William Saurin (qui, elle même… &c.), a obtenu une procédure de sauvegarde : William Saurin bloque ses paiements.

On va certainement passer à autre chose, et s’intéresser à présent aux pâtes, biscuits, céréales, viennoiseries contenant des pesticides. Ils sont pulvérisés dans les entrepôts et silos, et se retrouvent dans les produits finis. Une étude de l’association Générations futures incrimine les biscuits BN blé complet, ceux de Belvita, les céréales Chocapic, le pain complet de Carrefour, les spaghetti Panzani, les croissants Pasquier, et d’autres produits moins connus.

N’empêche, on en apprend toujours un peu plus chaque jour sur les circuits de la viande. Les salamis Tesco retirés hier mercredi des étals tchèques provenaient d’Italie.

Mieux, dans certains cas, comme celui de l’irlandaise QK Meats, c’est seulement maintenant qu’on apprend que la société savait, dès juin 2012, qu’elle importait du cheval mélangé à du bœuf provenant de 19 sources polonaises. Sept tests s’étaient révélés positifs. D’autres tests positifs furent constatés en octobre, novembre, décembre 2012 et encore en janvier 2013. QK Meats, en toute connaissance de cause, fournissait la marque Bird Eyes, et réexportait aussi vers la Tchéquie. QK Meats avait une quarantaine de fournisseurs…

On se rappelle que le patron de Spanghero, Barthélémy Aguerre, assurait qu’il ne pouvait absolument pas tester du minerai congelé sans perdre l’intégralité d’un paquet de 10 kg. Il suffit de relire ses déclarations de l’époque. Or, chez QK Meats, on procédait par forages et prélèvements d’échantillons. Si c’était possible en Irlande…

Toujours en Irlande, vendredi dernier, on a découvert que sur 25 chevaux testés, certains vieux animaux avaient été vendus tels des poulains de l’année (yearlings). Le ministre de l’Agriculture s’est déclaré incapable de garantir que des animaux suspects n’étaient pas entrés dans la chaîne alimentaire.

Vous l’aurez certainement remarqué : au début du scandale de la viande de cheval, la presse a publié des infographies avec de jolies flèches. À présent, il n’y en a plus. Pour cause : si tous les cas été reportés, l’entrecroisement serait tel que les schémas deviendraient totalement illisibles.

Et encore : si on ajoutait les problèmes de viandes avariées (Castel Viandes…) à ceux du lait et d’autres produits, il faudrait un format trop grand pour être commodément affiché pour tenter de s’y retrouver. 

Le cheval dans le bœuf est une chose. Mais combien de viandes de réforme (des vaches laitières en fin de vie) étiquetées « pur bœuf » ? Le bœuf est très coûteux à produire, n’est pas reproducteur, il est uniquement élevé pour la consommation de viande. Comme le dit l’un des meilleurs restaurateurs José Gordon Ferrero, d’El Capricho, distingué par la presse pour la qualité de sa viande provenant d’animaux paissant sur ses pâturages, « on dénomme bœuf surtout de la viande de vaches ». Évidemment : la côte de bœuf qu’il sert à sa table, aux Canaries, est indiquée à 70 euros le kilo. Pour lui, il serait temps d’appeler un chat, un chat, et de la viande de vache de la viande de vache.

Dans l’Aube, une quinzaine de bouchers ont créé le label L’Original qui « concerne uniquement la viande de vache allaitante », indique Jean-Claude Poujol, du syndicat des bouchers aubois.

Rappelons que les deux-tiers de la viande bovine écoulée en GMS (grands distributeurs, grandes et moyennes surfaces) est de la vache laitière ou allaitante. Connaître la provenance de la viande ne renseigne que peu sur sa nature ou sa qualité. Le label VBF (viande bovine française), propriété d’Interbev, l’interprofession bétail et viande, garantit des bovins nés, élevés et abattus en France.

Pour la marque Mousquetaires, « la filière bovine française produit un million de tonnes par an. Si tous les fabricants de plats cuisinés désirent passer en cent pour cent de viande française, il n’y aurait besoin que de 40 000 tonnes ». Mais ne pas confondre viande bovine et viande de bœuf. 

Bonne nouvelle du jour. Les boulettes de viande Ikea reviennent sur les rayons. Ikea avait 15 fournisseurs, tous allemands (achetant dans toute l’Europe), il n’en aura plus que sept, suédois ou norvégiens pour certains. Espérons qu’Ikea sera imitée.
Autre nouvelle qui sort à présent : Barthélémy Aguerre a démissionné lundi de son poste chez Arcadie Sud-Ouest (Lur Berri). Sauveur Urrutiaguer, président de Lur Berri, le remplace.

Comme le résume Euskal Herriko Kazeta (Journal du Pays Basque), cela ressemble fort à un jeu de chaises musicales mais… avec un nombre identique de chaises que de participants : « ces changements demeurent superficiels et en interne ». En fait, la remarque risque fort d’être beaucoup plus générale ; on aménagera plus qu’on ne changera…