« Fallait pas s’inviter » : parodiant le leitmotiv d’une séquence de « L’Autre Journal » de Canal+, la phrase s’applique à l’Irak, l’Afghanistan, et la Libye… Gérard Longuet vient, pour le JDD, de faire le fanfaron. Les « coalisés » persisteront tant que… leur protégés de Benghazi (oui, mais, lesquels au juste ?) ne seront pas au pouvoir à Tripoli. En Afghanistan, le retrait est programmé, car « la mission est accomplie ». L’ennui, en Irak, c’est qu’elle ne l’est pas tout à fait.

Les milices chiites font tout ce qu’elles peuvent pour faire passer le retrait des troupes américaines et autres (il reste encore quelques autres contingents de pays de l’Otan en Irak) de Bagdad et des provinces irakiennes (ou plutôt, aussi, kurdes) pour un fiasco. L’Irak est encore plus dangereux et agité que l’année précédente, admet Stuart W. Bowen Jr, délégué de Washington et du Pentagone pour l’Irak. Son rapport est commenté par The Daily Mail qui pointe les 15 soldats américains morts en juin dernier, mais aussi divers autres points soulevés par le rapport devant les chambres (The Congress) de Bowen. La fameuse « Zone verte », le camp retranché du gouvernement irakien et des ambassades à Bagdad, fait l’objet de tirs de roquettes et missiles légers plus fréquents. De plus, les assassinats d’officiels, de policiers, de juges, se poursuivent, plutôt en s’amplifiant.

Alors que l’heure est aux règlements de comptes entre factions au sein du Conseil national de transition de Benghazi, Gérard Longuet vient de rejouer l’unique note optimiste : « les jours de Kadhafi sont comptés, la population va se soulever. ». Tout indique le contraire. Les divisions au sein du CNT libyen laissent plutôt envisager une situation comparable à celle de l’Espagne républicaine, minée par les rivalités, les combats fratricides.

En Afghanistan, après l’assassinat du frère du président (proclamé élu démocratiquement), tout ce qui s’applique à l’Irak se vérifie. Il y a eu encore onze morts dans un attentat ce dimanche, à Lashkar Gah, capitale du Hemland. L’amiral Mike Mullen craint que le ramadan n’encourage les talibans à l’offensive et se demande si les événements du mois d’août ne vont pas remettre en cause l’objectif de retrait de quelque 10 000 soldats américains d’Afghanistan.

Le maire de Kandahar a été assassiné récemment, il y a eu une vingtaine d’autres morts dans une autre province la semaine dernière. Certaines milices formées par les Américains échappent à tout réel contrôle. Le retrait ne pourrait se faire qu’au prix d’une présence plus prolongée des militaires, privés de permissions et voyant reporter leurs dates de rotation (retour pour une période de repos prolongé). Les pertes de l’Otan en six mois sont de 330 militaires depuis début janvier.

Le général (en retraite) Stanley McChrystal, qui dirigeait l’ISAF en Afghanistan, estime que les dirigeants politiques afghans sont « leurs propres pires ennemis » (d’eux-mêmes, car question propreté…), et il se pourrait bien qu’il soit dit la même chose des futurs dirigeants libyens.

McChrystal est plus optimiste – mais seulement à moyen ou long terme – pour l’Irak. Le problème, c’est le présent.

L’Otan, qualifiée « d’organisation criminelle » dans une tribune libre publiée par la Pravda ce dimanche, peut-elle se permettre de se retirer comme prévu d’Afghanistan si le retrait de l’Irak tourne au désastre ? Peut-elle se permettre de faire marche arrière en Libye, soit de donner du répit à Kadhafi, qui saura en jouer, si l’activisme chiite se développe Irak ces prochaines semaines ?

En sus de l’impuissance manifestée en Syrie, de l’arrogance de l’actuel pouvoir Israélien, le sort de l’Irak, encore incertain, pèse sur l’attitude actuelle des dirigeants des pays membres de l’Alliance atlantique. Il faut pourtant savoir dire « stop ». La question : en sont-ils seulement capables, particulièrement dans les pays qui, comme la France, voient se profiler des élections majeures ? Cela vaut tout autant pour les principales formations d’opposition.

La France, qui n’a pu sauver la face en Indochine ou en Algérie, devrait y songer : à quoi bon poursuivre des conflits, si ce n’est pour la gloriole de certains dirigeants ? Sans, parfois, grandes chances de passer durablement pour les femmes ou les hommes « providentiels ». Cela vaut déjà, ce dimanche, pour Gérard Longuet, courroie de transmission d’éléments de langage auxquels il n’accorde peut-être pas toute la crédibilité que l’expression de « ses » convictions laisse entendre.