Éric Woerth, parangon de probité dans ses fonctions, pourfendeur de l’évasion fiscale, va avoir du pain sur la planche : le détail des versements de Liliane Bettencourt à ses divers fournisseurs, révélé par l’enquête policière, va certainement lui donner du grain à moudre… Pour un peu, il réactiverait les cours régionales des comptes, comme celle de Picardie qui l’avait épinglé dès 1992 (mais c’est une vieille histoire).
La prose du Figaro, lorsqu’il s’agit d’évoquer l’affaire Woerth (pourquoi toujours titrer sur « l’affaire Bettencourt », au fait ?), ne manque pas de sel. Pourquoi, dans l’édition de ce 8 juillet 2010, indiquer : « Si 50.000 euros ont bien été retirés le 26 mars 2007 – somme qui aurait été, selon elle, remise à Eric Woerth -, la mention «Bettencourt» – habituellement apposée lorsque l’argent était destiné à des hommes politiques – ne figure pas à cette date. » ? C’est accréditer l’idée saugrenue, à en croire les ténors de l’UMP, que les propriétaires de l’Oréal versaient des sommes en liquidités à des hommes politiques. Lesquels ? Éric Woerth, qui vient de porter plainte contre X pour « dénonciation calomnieuse », devrait mieux argumenter sa plainte et viser nominativement Le Figaro qui se répand en affirmations pour le moins douteuses.
Un autre « détail » attire l’attention dans la liste de ceux que Libération, repris par Le Figaro et pratiquement l’ensemble de la presse, révèle à propos de la destination des 50 000 euros retirés et remis dans une enveloppe à on ne sait qui. Liliane Bettancourt aurait remis 1 143 euros à un « médecin ». Lequel ?
Il ne peut s’agir évidemment que d’un « pourboire ». Quand vous devez régler une telle somme à un membre du Conseil de l’ordre des médecins, que faites-vous ? Vous lui remettez un chèque. Lequel entre dans sa comptabilité et constitue un revenu déclaré au fisc. Mais on doit comprendre que, comme ces clients indélicats qui au café ou au restaurant farfouillent dans leurs poches et en ressortent toute la petite monnaie, Liliane Bettancourt, après avoir réglé par chèque, a renversé son porte-monnaie sur le bureau de son praticien… Il semble bizarre, cependant, qu’une somme aussi exacte figure sur son carnet de dépenses.
Les services de Bercy, au fur et à mesure que les policiers écarteront tout soupçon de versements à des hommes politiques qui n’auraient pas eu l’idée de les déclarer dans leurs comptes de campagne, vont avoir fort à faire avec les multiples fournisseurs de Liliane Bettancourt. Et on se doute bien qu’aucun recours auprès d’Éric Woerth ne sera possible : les contrôlés et éventuellement redressés ne pourront s’attendre à aucune indulgence, aucune remise. Voilà qui va sans doute chiffonner beaucoup de monde jusqu’en 2012, voire au-delà.
Un autre aspect de l’affaire Woerth tient aux propros que Nadine Morano et Xavier Bertrand ont tenu à l’égard de Médiapart. Edwy Plenel, son éditeur, a porté plainte pour diffamation. Enfin ! Il aurait tout aussi bien pu considérer que les propos de Nadine Morano peuvent être qualifiés d’injures publiques. De la part d’un député ou sénateur, de tels propos, couverts par son innumité parlementaire, seraient difficilement sanctionnables dans l’immédiat. Mais de la part d’un ministre ? On a lu par ailleurs qu’Éric Woerth pourrait être entendu par les policiers si… le conseil des ministres y consentait. Mais pourquoi donc ? Depuis quand un ministre est-il un représentant du peuple français ?
Incidemment, on ne peut que saluer l’initiative de Médiapart. Le Canard enchaîné est systématiquement ou presque poursuivi en justice par des politiques mécontents et ils tapent systématiquement au portefeuille, réclamant de très lourds dommages. Il arrive certes parfois que, trop conscients d’être au final déboutés, ils retirent leurs plaintes en diffamation dès que l’incident est quelque peu oublié. Si les journalistes et les patrons de presse réagissaient de la sorte à chaque fois qu’ils sont villipendés publiquement, on pourrait se faire du souci pour la bonne marche de la justice, dont les rôles sont ainsi abondamment encombrés par les politiques. L’occasion leur est en tout cas donnée de se montrer solidaires de leur confrère : on attend. Mais cette suggestion n’a pas eu l’heur de plaire aux modérateurs du site du Fig’ qui ont retoqué mon commentaire à ce sujet.
Bah, en France, tout finit par des chansons. Tenez, comme celle de Guy Béart…
J’affirme que l’on m’a proposé beaucoup d’argent
Pour vendre mes chances
Dans le Tour de France
Le Tour est un spectacle et plaît à beaucoup de gens
Et dans le spectacle
Y a pas de miracle
Le coureur a dit la vérité
Il doit être exécuté.
A Chicago un journaliste est mort dans la rue
Il fera silence
Sur tout ce qu’il pense
Pauvre Président tous tes témoins ont disparu
En chœur ils se taisent
Ils sont morts les treize
Le témoin a dit la vérité
Il doit être exécuté.
Réentendra-t-on bientôt cette Vérité lors de la matinale de France-Inter de Hees et Val ? Pour le moment, on lit plutôt : la comptable a dit des faussetés, elle doit être discréditée. Ou on entend encore, Médiapart s’est nazifié, il doit être baillonné. Du moins dans ces « maisons de verre de Morano » que sont l’UMP, l’Élysée, Matignon. Aux comptoirs de ceux qui ne laissent pas un petit millier d’euros et des poussières de pourboire, c’est une autre rengaine…
Pour la française moyenne que je suis ce n’est pas évident ,2 sons de cloches !
Tantôt je vois un homme politique de gauche qui s’indigne ! et on s’indigne avec lui ..
et tantôt vous entendez un homme de droite qui rétorque :
« Comment ? jamais Woert est l’homme le plus intègre qui soit ! »
Quand on n’a pas tous les éléments en main qui doit on croire ?
Evidemment ce genre de chose est divulgué avant les pré-électorales.
Quand on ne se sert pas des immigrés « on tape dans les magouilles » qui doivent exister
tout au long de l’année ,et nous français moyens nous regardons le match de ping pong.
Et pour s’y retrouver nous devons nous fier à notre pif ou être féru de politique ou avoir
fait sciences-po et encore …
Pour information des masses laborieuses :
Pour les particuliers qui n’exercent pas de profession commerciale, les paiements en espèces sont autorisés pour toute transaction dont le montant n’excède pas 3 000 euros TTC. Au-delà, le paiement par chèque barré d’avance, virement bancaire ou postal, carte de paiement ou de crédit est obligatoire. Toutefois, le paiement d’un acompte en espèces est possible dans la limite de 460 euros (art. L. 112-8 du code monétaire et financier) Art. 1649 quater B du Code général des impôts.
Le non respect de cette règle peut entraîner une amende pouvant atteindre 15 000 euros (art 1 749 du Code général des impôts).
En cas de paiement en billets et pièces, il appartient au débiteur de faire l’appoint (article L 112-5 du Code monétaire et financier).
Or donc, les micro-partis de Woerth et autres UMP ayant bénéficié de dons en liquidités de la part de Liliane Bettencourt ne devaient accepter que des chèques ou virements. Marianne rapporte : « [i]Mais l’on voit aussi apparaître des montants plus importants (6800 euros, 7000 euros, 11.200 euros, 5670 euros…), là encore en liquide, accordés semble-t-il à des médecins ayant accompagné M. et Mme Bettencourt sur la fameuse île d’Arros aux Seychelles, mais aussi à des amis intimes. [/i]». Autant d’amendes à percevoir pour le fisc…