Le 26 septembre 2009, le cinéaste Roman Polanski est arrêté en Suisse, où il se rend pourtant régulièrement, pour une affaire datant d’il y a 30 ans et qui avait fait grand bruit à l’époque.

Les avis sont plus que mitigés : au nom du génie, de nombreux artistes se sont mobilisés pour manifester leur indignation alors que l’opinion publique estime en majorité que l’oeuvre magistrale du réalisateur ne le protège en rien.

Ses avocats avaient demandé un jugement par contumace, qui a été refusé mercredi dernier. Cette décision va dans le sens du procureur qui réclamait son retour sur le territoire américain, qu’il avait quitté la veille de son jugement. Il ne manque aujourd’hui plus que l’accord d’extradition de la Suisse pour que Polanski comparaisse devant le tribunal de Los Angeles. Pourtant, sa victime elle-même allait dans le sens du réalisateur, affirmant qu’elle a "pardonné" et soutenant la demande de contumace. Selon son avocate, Samantha Geimer n’a même pas été prévenue de la demande d’extradition, ce qui est contraire aux lois californiennes.

 

Le problème est de savoir s’il s’agit là de justice, de morale, de politique ou de gros sous. De politique d’abord : les relations hélvético-américaines sont tendues, notamment dans le domaine bancaire et du partage des données (en principe confidentielles). La Suisse peut donc considérer que céder à la demande de Washington pourrait apaiser quelque peu les tensions entre les deux pays. 

Pour l’instant assigné à résidence à Gstaad au moyen d’un bracelet électronique, les experts pensent que son extradition ne saurait tarder et que Polanski va devoir, 30 ans après, affronter un passé sur lequel même sa victime a passé l’éponge…

Bref rappel des faits

Un magazine propose au cinéaste de réaliser une série de photos avec le modèle de son choix, qui se porte sur la très jeune Samantha Geimer, 13 ans. Avec l’accord de sa mère, l’adolescente se rend dans la maison de Jack Nicholson où, selon ses dires, Polanski lui fait boire du champagne et avaler des médicaments. Petit à petit, il demande à l’enfant de retirer ses vêtements, jusqu’à prendre des photos d’elle nue dans un jacuzzi. Ceci se termine en relations sexuelles, consenties selon Polanski, forcées selon les parents de Samantha, à l’origine de la plainte. Le réalisateur plaide alors non-coupable.

Quelques mois après, il change de stratégie : il va plaider coupable, non pour viol mais pour détournement de mineur. Condamné à trois mois de prison, il n’effectuera que 47 jours de sa peine. 
A sa sortie, il apprend qu’il risque la peine maximale (50 ans de prison) et décide de fuir à Paris, étant toujours de nationalité française.  Il ne retournera jamais aux Etats Unis mais se sent libre de se "promener" de pays en pays, sans jamais être inquiété, ce qui, tout naturellement, lui donne de plus en plus de confiance en lui et étend son périmètre de voyages. 

Le procureur américain chargé de l’affaire refuse d’absoudre Polanski mais réduit sa peine maximale à 4 ans, selon la nouvelle législation. Après avoir reçu 225000 $, Samantha Geimer "pardonne" à son agresseur mais persiste dans sa version : elle aurait bel et bien été abusée. Elle demande toutefois que le cinéaste soit autorisé à recevoir son Oscar pour son chef d’oeuvre, "Le Pianiste". Polanski ne prendra pas ce risque et l’Oscar gagné restera aux Etats Unis. 

En 2008, les avocats du cinéaste demandent l’abandon des poursuites à la justice californienne, au nom de nouvelles preuves permettant d’affirmer l’inéquité de la procédure pénale de Los Angeles. Cette demande est rejetée. Moins d’un an après, Polanski est arrêté à Zurich où il se rendait pour participer à un festival le mettant à l’honneur. 

La méthode est plus que discutable, même si le bon droit est du côté américain. Polanski est un habitué de la Suisse où il possède même une maison, cette arrestation, qui tombe pile au bon moment pour apaiser les relations entra la Suisse et les Etats Unis, ressemble fort à un piège. 

N’oublions pas que la victime a pardonné, qu’elle a été dédommagée (si tant est que l’on puisse réparer un viol avec des dollars) et que la plainte a été retirée. On peut penser ce que l’on veut de la conduite de Polanski il y a 32 ans, mais n’oublions pas qu’il s’agit d’un citoyen français. Les exactions d’un quidam seraient sans doute tombées dans l’oubli depuis longtemps, mais cette fois, il ne fait vraiment pas bon être un personnage public…