Le stratovolcan Tungurahua et le risque d’une éruption explosive paroxysmale, voire colossale.
L’effondrement sectoriel du bâti Tungurahua II et l’avalanche de matériaux volcaniques, les coulées pyroclastiques et les lahars qui en ont découlé, datés de vers 1.200 ans ± 100 ans avant J.C., par comptage du carbone 14 résiduel, – autrement dit datation par le radiocarbone ou datation par le carbone 14 -, ont laissé d’importants dépôts qui affleurent sur les flancs et le pourtour de l’édifice volcanique. De toute évidence, cet épisode paroxysmal a été provoqué par une éruption explosive, de type plinienne, ou sub-plinienne, d’une grande intensité, Indice d’Explosivité Volcanique VEI 5, et a produit des accumulations conséquentes de matières minérales vulcaniennes de deux types bien distincts.
Le premier type de dépôts correspond à des couches cendres, stratifiées et non stratifiées, croisées et lenticulaires, laissées par une nuée ardente, extrêmement véloce et mobile, composée d’une coulée pyroclastique à sa base et de gaz, de cendres et de blocs de taille variable qui dévalèrent les pentes d’un volcan et s’étendirent sur une superficie d’environ 600 kilomètres carrés pour une volume global supérieur à 0,95 kilomètres cubes.
Le deuxième type est une accumulation de strates découlant d’empilements de fragments de pierre ponce et scories émanant du nuage volcanique, tombés en pluies intermittentes, depuis la stratosphère, sur une longue durée. L’épaisseur des diverses couches, la superficie recouverte et la taille maximum des téphras, des fragments de pierre ponce et des scories mesurés et calculés, il est permis d’évaluer le volume global des produits émis et rejetés et la puissance de la phase éruptive. Ainsi, il est aisé de constater que le volume de la couche déposée représente plus de 0,55 kilomètres cube et que la durée de la phase éruptive peut être évaluée à plus ou moins une heure et la colonne de cendre a pu atteindre une altitude estimée à environ 25 kilomètres avant de se disperser vers le Nord.
Sans compter le volume du dépôt avalancheux de matériaux volcaniques associé à l’explosion sectorielle, le volume des deux types d’accumulations concrétisent un dépôt global de plus de 1,5 kilomètres cubes de roches dites « molles. »
Les multiples découvertes archéologiques, dans le périmètre régional s’étendant dans le pentagone irrégulier Tena-Puyo-Riobamba-Guaranda-Ambato-Tena et Puyo, de substructions de villes, de pots en céramique, de l’or, du cuivre et du bronze ouvragés, des canaux d’irrigation, des terrasses de culture et d’ossements humains, laissent supposer que la région était densément peuplée aux temps archaïques amérindiens de la culture Chavín(2), période dite « horizon de formation », entre 2.700 et 200 avant l’ère chrétienne.
Il est quasi certitude que l’éruption explosive colossale qui s’est produite vers 1.200 ans ± 100 ans avant J.C., a eu, pour graves conséquences, de grands dommages tant sur les habitations que sur les personnes et a dû entraîner dans la mort des centaines, voire des milliers de personnes.
En conclusion, il peut être admis que ces considérations, sur le bâti holocène du Tungurahua, tendent à établir, si besoin en était d’en apporter preuve supplémentaire, le caractère excessivement explosif de l’édifice volcanique dans un temps géologique très récent, d’une part, et, d’autre part, l’étendue considérable des zones dévastées par ce type d’effondrement sectoriel dont le Tungurahua II s’est commis. Il n’est point à en douter, aussi, que cet événement s’est, au moins, produit une seconde fois, – probablement un certain nombre d’autres -, entre 770.000 et 350.000 ans avant J.C., avec le Proto-Tungurahua.
Et, se penchant sur la démographie régionale, plus de 400.000 personnes, dont 65.000 dans la zone dévastée vers 1.200 ans ± 100 ans avant J.C., vivent, en ce début du XXI° siècle, dans un rayon de 50 kilomètres autour du stratovolcan.
Même si les analyses de stabilité suggèrent que le Tungurahua actuel est un cône « jeune », relativement stable et, donc, sans risque excessif d’effondrement sectoriel ou total, dans son ensemble, les travaux géologiques effectués sur le bâti référencent que plusieurs petits effondrements et de légers enfoncements, les uns et les autres modestes en regard de celui s’étant produit vers 1.200 ans ± 100 ans avant J.C., se sont développés lors des plus récentes éruptions émanant toutes du cratère sommital.
D’après les faits historiques, le Tungurahua réintégrant son processus éruptif, en moyenne, tous les 100 ans, un processus pouvant durer de quelques mois à une dizaine d’années, l’épisode critique et redouté, d’un nouvel événement catastrophique, étant en attente depuis 1999, plusieurs dizaines de milliers de personnes vivent sous la menace permanente d’une éruption explosive, cataclysmique à colossale, du Tungurahua III. Et ce risque serait d’autant plus amplifié si, associée à une intense activité sismique, une intrusion de magma à force concentration dacitique, venait à arriver à l’intérieur de la volcanique.
Notes.
(2) La culture de Chavin est une civilisation précolombienne. Elle doit son nom au village de Chavin de Huantar, au Pérou, où les ruines les plus significatives ont été retrouvées. C’est la culture mère de toutes les civilisations andines. Une société dirigée par une élite de prêtres dont le culte tourne autour de l’image du Jaguar ou du puma. Elle a émergé vers 1200/1300 avant l’ère chrétienne et a vu son apogée, avant de disparaître, vers 800-200 avant J.C. Elle était essentiellement localisée le long du littoral de l’océan Pacifique et dans la Cordillère Andine colombienne, péruvienne et équatorienne.
La civilisation de Chavin a introduit le travail du cuivre, du bronze et de l’or en Amérique du Sud. Elle pratiquait également d’autres formes d’artisanat, comme la poterie et le tissage. Des stèles qui représentent des félins stylisés en creux, sont attribuées à cette culture.
Bravo, rester simple, râbacher les dates pour qu’on suive bien le fil, les explications avec de fines précisions, ce n’est pas donné à tous!
Pour ça, il ne faut pas vouloir se la péter, mais vraiment désirer partager !
Merci pour ces cours magistraux !
Merci pour votre compliment, SybilleL…
Mais à quoi servirait la connaissance d’un sujet, si on ne la partageait pas…?
Je me suis toujours entendu dire à ceux qui trouvent que j’en dis trop, beaucoup préférant rester dans le strict minimum dans l’information, que je n’ai jamais vu des coffre-forts suivre des corbillards… (sourire)…
[b]Catalan :
Vos textes sont magnifiques, les visites au rendez vous de chacun de vos articles, vous vous investissez sous les autres rédacteurs.
Je crois que C4N a trouvé « un trésor »
Pour vous quelques images sur une musique dodécaphonique d’une jeune femme belge qui rend hommage à Haroun Tazieff
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[b]Spectaculaire :
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Merci à vous Sophy pour vos deux magnifiques vidéos…
Je puis vous assurer que là haut, quant ça pète comme ça, nous sommes comme tout le monde, nous avons le trouillomètre à zéro si ce n’est moins mais c’est l’esprit d’équipe, tous pour un un pour tous, qui nous permet de passer à travers et de redescendre en entier…
et quant il y en a un qui foire, c’est toute l’équipe qui foire et on y laisse tous la peau… et lors, il n’y a ni gloire ni gloriole… il y a seulement des femmes et des hommes qui font tout pour leur survie…