Jacques Chirac en correctionnelle, un baroud d’honneur?

 

Après Charles Pasqua, maintenant Jacques Chirac dans les emplois fictifs de la Mairie de Paris sous sa gouvernance de 1977 à 1995 ne sont pas passés à la trappe, mais le renvoi en correctionnelle décidé par la juge Xavière Siméoni constitue une première dans l’histoire de la 5ème république, ainsi que les abus commis par la toute puissante Chiraquie pendant sa gouvernance en maître absolu à la Mairie de Paris. La révolte des juges, ou les prémices d’une fronde ou tout simplement un baroud d’honneur ?

Jacques Chirac a été protégé pendant 12 années par sa fonction présidentielle, et n’a pas été inquiété pour les délits commis sous cette mandature à la Mairie de Paris par suite de la décision du Conseil Constitutionnel 98-408 relative à la Cour pénale internationale du 22 janvier 1999 définissant l’immunité pénale du chef de l’État, décision prise sous son mandat de président de la république, (afin de le protéger), sur le respect des dispositions de la Constitution relatives à la responsabilité pénale des titulaires de certaines qualités officielles.

Le Conseil Constitutionnel,

Considérant qu’il résulte de l’article 68, voir ci après, de la Constitution que le Président de la République, pour les actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions et hors le cas de haute trahison, bénéficie d’une immunité, qu’au surplus, pendant la durée de ses fonctions, sa responsabilité pénale ne peut être mise en cause que devant la Haute Cour de Justice, selon les modalités fixées par le même article, qu’en vertu de l’article 68-1 de la Constitution :

Les membres du gouvernement sont pénalement responsables des actes accomplis dans l’exercice de leurs fonctions et qualifiés crimes ou délits au moment où ils ont été commis. Ils sont jugés par la Cour de justice de la République. La Cour de justice de la République est liée par la définition des crimes et délits ainsi que par la détermination des peines telles qu’elles résultent de la loi.

«De cela, il résulte que le président de la république n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par les deux assemblées statuant par un vote identique au scrutin public et à la majorité absolue des membres les composants, il est jugé par la Haute cour de justice».

«En dehors de ces dispositions le président de la république est un citoyen au même titre que tous les Français et est soumis comme eux au respect de nos lois».

Article 68 de la Constitution du 4 novembre 1848 :

Le président de la République, les ministres, les agents et dépositaires de l’autorité publique, sont responsables, chacun en ce qui le concerne, de tous les actes du gouvernement et de l’administration. — Toute mesure par laquelle le président de la République dissout l’Assemblée nationale, la proroge ou met obstacle à l’exercice de son mandat, est un crime de haute trahison. — Par ce seul fait, le président est déchu de ses fonctions ; les citoyens sont tenus de lui refuser obéissance ; le pouvoir exécutif passe de plein droit à l’Assemblée nationale. Les juges de la Haute Cour de justice se réunissent immédiatement à peine de forfaiture : ils convoquent les jurés dans le lieu qu’ils désignent, pour procéder au jugement du président et de ses complices ; ils nomment eux—mêmes les magistrats chargés de remplir les fonctions du ministère public. — Une loi déterminera les autres cas de responsabilité, ainsi que les formes et les conditions de la poursuite.

 

Jacques Chirac est apparu dans les années 90 dans les enquêtes sur les marchés publics des lycées d’Ile-de-France, financement occulte de partis politiques, sur les HLM de la Ville de Paris, irrégularités dans la passation de marchés, sur l’ancienne imprimerie de la ville de Paris Sempap, sur les faux électeurs des 3e et 5e arrondissements et enfin dans l’affaire dite des «frais de bouche» du couple Chirac payés par la mairie de Paris, mais aucune poursuite n’a été engagée contre lui ce qui montre la bienveillance de la justice à son égard ce qu’aucun justiciable ne peut se prévaloir. Pour le détail de ces affaires, voir le dossier du Figaro politique.fr 

Le dossier qui est soumis en correctionnelle est donc le seul qui reste et l’on ne peut qu’être surpris, mais satisfait, que la décision de la juge Xavière Siméoni n’ait pas suivi les réquisitions du parquet qui avait conclu le 29 septembre à un non lieu général. Or, la juge Xavière Siméoni, qui s’apprête à quitter ses fonctions, n’a pas dû aimer la disparition annoncée des juges d’instruction, et cette décision de fait, non seulement revêt tout un symbole puisque qu’elle s’applique à un ancien président de la république, une première mais probablement pas la dernière il faut le souhaiter, mais en plus sonne comme un retour de bâton à la suppression des juges d’instruction.

Je pense, comme beaucoup probablement,  qu’il ne faut pas se bercer d’illusions, Jacques Chirac n’est pas encore condamné, la Chiraquie résiduelle est encore puissante. Le parquet peut interjeter appel de cette ordonnance, ce qui est peu probable ce serait alors à la Cour d’appel de Paris de se prononcer sur ce dossier. Le fera-t-elle, ce serait scandaleux ?

On voit bien que cette affaire Chirac montre l’importance du juge d’instruction, et que, ce que veut faire le gouvernement n’est pas sans fondement pour l’immunité des hommes politiques, puisque sans ce juge il n’aurait jamais été requis en correctionnelle, il n’y est pas encore il convient de le préciser. Les milieux judiciaires ont salués la décision de la juge Xavière Siméoni, et l’un des premiers à réagir est le juge Éric Halphen qui a instruit pendant 12 années dans l’affaire des HLM de Paris avant d’en être dessaisi en 2001, on ne touche pas à Jacques Chirac. La suppression du juge d’instruction est un des points clés de la réforme de la procédure pénale, qui doit faire l’objet d’un projet de loi d’ici l’été 2010, et qui m’est en place cette réforme Nicolas Sarkozy. Sarkozy ne s’est pas prononcé préférant botter en touche, mais on entend de Ségolène Royal à François Hollande en passant par le PS, les Chiraqiens et les Villepenistes que l’on aurait dû le laisse tranquille finir en beauté sa retraite, probablement, mais pas aux yeux des Français qui sur le Web apparaissent satisfait. N’a-t-il pas profité ou fait profité des amis politiques des délits qui lui ont été exemptés, ce qui n’aurait pas été le cas pour un citoyen ordinaire.

Jacques Chirac est un personnage que les Français aiment bien, de quels Français parle Dominique Paillé porte-parole adjoint de l’UMP ? Et puis, il n’est pas question d’aimer ou de ne pas aimer Jacques Chirac, il est question de juger des abus de confiance et de détournements de fonds publics et on peut très bien aimer Jacques Chirac mais comprendre qu’il doit être jugé. Qu’a-t-il plus qu’un autre devant la loi ? Avec de tels arguments sous prétexte qu’une personne est aimée par des Français, pas tous, et qui de plus est âgée, ne dois pas être jugée ? Il me semble que l’exemple doit être montré au sommet au moment ou l’on reparle d’identité nationale, c’est à dire qu’en effet nous sommes tous égaux devant la loi. Il n’y aurait aucun problème aux États-Unis pour condamner Jacques Chirac, et il me faut faire remarquer qu’il a bénéficié très largement de son bouclier présidentiel, trop longtemps à mon gré, c’est ce que l’on peut reprocher à cette loi d’immunité. Cette loi protège sans protéger puisqu’elle permet au président d’être éventuellement jugé en pénal à la fin de son mandat ce qui finalement lui est plus pénible puisque plus âgé.

Dans cette affaire, il n’est pas le seul à être en correctionnelle, neuf autres personnes sont renvoyées devant le tribunal, dont deux anciens directeurs de cabinet de M. Chirac lorsqu’il était maire de Paris (1977-1995), Michel Roussin et Rémy Chardon, et sept bénéficiaires supposés d’emplois fictifs. Parmi eux, l’ancien député Jean de Gaulle, petit-fils de Charles de Gaulle, François Debré, frère de l’actuel président du Conseil constitutionnel, ou encore Marc Blondel, l’ancien secrétaire général du syndicat Force ouvrière. Que du beau monde, et je serais étonné qu’un non lieu ne soit finalement pas prononcé, ce qui serait une preuve que l’identité nationale n’existe pas.

Tout ceci à pour fondement la politique de Nicolas Sarkozy, qui a supprimé des tribunaux d’Instance, de Prudhomme et de Grande Instance, et ne cessant de critiquer les juges qui ne font que leur travail, il me semble que dans ce contexte, qu’il n’y a rien d’étonnant à cette réaction, et je pense aussi que s’il ne conduisait pas cette politique, Jacques Chirac et les autres prévenus n’auraient probablement pas été requis en correctionnelle.

Nicolas Sarkozy est le seul responsable, et il faut aussi considérer l’image que l’on donne au monde, un président de la république Française devant un tribunal pour emplois fictifs, ce qui montre qu’en définitive la France c’est aussi laver propre, presque propre.