Titre original
BRINGING OUT THE DEAD
Réalisateur
MARTIN SCORSESE
Compositeurs
ELMER BERNSTEIN et PETE TOWNSHEND
Casting
NICOLAS CAGE
PATRICIA ARQUETTE
JOHN GOODMAN
VING RHAMES
TOM SIZEMORE
MARC ANTHONY
Année de production
1999
Durée du film
2 HEURES
Bande originale
VAN MORRISON
THE CLASH
R.E.M.
JOHNNY THUNDERS
UB 40
MARTHA REEVES
THE WHO
etc.
Il n'est rien de plus difficile, de plus éprouvant et de plus angoissant que de tenter de faire partager à autrui un moment de pure extase esthétique vécu seul, face à l'écran… Certains d'entre vous me rejoindront, comprendront et partageront mes émotions, cette sensation de plénitude artistique qui m'habite à l'évocation de ce que je n'ai aucun scrupule à qualifier de chef-d'œuvre cinématographique… D'autres s'esclafferont, s'indigneront peut-être, et en tout état de cause demeureront à quai, figés dans l'incompréhension la plus obscure… Ceux-là n'auront pas su voir, et sentir, et se laisser porter par le maelstroëm des sentiments et des émotions qui tissent la toile de ce film époustouflant de virtuosité, bouleversant d'humanité…
Franck Pierce est ambulancier. Chaque nuit, il sillonne les rues de New York aux côtés de Larry, son équipier et ami. Franck travaille la nuit et dort le jour. Mais depuis quelques temps, il souffre d'insomnie. Pour tenir le coup, il se shoote comme il peut : café, alcool, excitants… Mais il est au bout du rouleau, au bord de la rupture. A travers ses yeux hagards et hallucinés de fatigue physique et cérébrale, toute la déchéance, la souffrance et la misère des habitants de la nuit nous assaillent, sans fard et sans concession… putes, clochards, camés… Autant de morts en sursis, de fantômes en attente…
Franck glisse, lentement mais sûrement, vers une crise de nerfs inéluctable… et son esprit vidé se repeuple peu à peu des cohortes de ces morts passés et à venir… de tous ces corps qu'il n'a pas pu sauver, et de ceux qu'ils ne sauvera pas… Voyant dans sa mission la prérogative suprême de prendre ou de rendre la vie, il sombre parfois dans une mégalomanie passive et effrayante, à laquelle il oppose ses dernières forces mentales afin de ne pas sombrer dans la folie…
Je n'irai pas au-delà dans le récit de ce film… En définitive, tout est là… car en signant cet opus, Scorsese réalise bien davantage un travail de forme que de fond. Ce qui rend ce film admirable, c'est le ton, l'atmosphère engendrée par des jeux de caméra subtils, jouant avec le ralenti, l'accélération, les champs et les contre-champs, les plan séquences, les gros plans, et louvoyant sans cesse dans des décors intérieurs / extérieurs nimbés d'une pénombre suintante, tour à tour sépulcrale ou lacérée de phares, de gyrophares et de néons fulgurants… Parfois, une claque… La violence brute d'une salle d'hôpital et de ses lumières blanches, écrasante, grouillante de médecins, d'infirmières, de flics, de brancards, de cris, d'injures et de sang… Le monde des vivants… Là, Frank déambule comme sous hypnose, il parcoure les couloirs, les salles d'attente, les salles d'opération, de réanimation, l'espace d'une courte pause entre deux urgences, et sans que personne ne semble remarquer sa présence… Là, le fantôme, c'est lui…
Mais ne vous y trompez pas… ce film n'est pas une apologie du morbide et on n'en sort pas déprimé, avec l'irrépressible désir de s'engouffrer dans un Macdo sous prétexte de s'y suicider à grand renfort de cheese burgers à la sauce barbecue… Non… et c'est même là que réside, selon moi, la plus grande prouesse de Scorsese… Car ce film est jonché de scènes et de dialogues à se tordre de rire… Et du meilleur des rires, celui qui vous décharge d'une tension, d'un paroxysme, comme un bon jet d'eau chaude après une journée de travail, ou comme un doux parfum de femme dans une rame de métro bondée, en plein mois d'août…
Et si la sauce prend aussi bien, croyez moi, c'est qu'à l'instar de l'interprétation irréprochable d'un Nicolas Cage au sommet de son art, celle des seconds rôles est tout simplement prodigieuse… Le fait est assez rare pour être souligné… JOHN GOODMAN, VING RHAMES et TOM SIZEMORE constituent notamment un trio d'ambulanciers plus vrais que nature, bien que totalement surréalistes… et je pèse mes mots !
Pas question ici de procéder à l'étude filmographique des uns ou des autres, mais pour les inconditionnels du genre, je précise que ces trois acteurs sont des habitués des productions Tarantinesques, et à voir la façon dont ils interprètent ici leurs personnages, on comprend parfaitement pourquoi… Un petit extrait ? Bon, alors on se retrouve dans les toilettes d'un boîte de nuit, où Franck et Marcus, un infirmier black illuminé et fumeur de cigares, ont été appelés pour une overdose… Un jeune punk est allongé sur le sol, inconscient, au milieu de ses copains flippés… Tout le monde pense que la victime est morte, mais Franck se penche, prend son pouls, et souffle à l'oreille de Marcus que le type respire encore et qu'il va lui faire une piqûre pour le ranimer… Marcus se redresse, le cigare à la bouche, toise la bande de punks et leur annonce qu'il va tenter, avec l'aide de Dieu, de faire revenir le mort de l'Au-Delà… Il pose sa main sur la poitrine du corps et commence…
Marcus – Je bannis les démons de la drogue, au nom du Christ et de Jésus !… comment il s'appelle ?
1er punk – j'aime la baise…
Marcus – Comment ça, j'aime la baise ???
1er punk – J.M. Labeze !
Marcus – Qu'est-ce que c'est que ce nom-là J.M. Labeze ?
2ème punk – Frederic Smith, c'est son vrai nom !
Marcus – Très bien, Freddy…
2ème punk – C'est Frederic !
Marcus – Très bien, j'aime la baise… On va te ramener d'entre les morts… maintenant je veux que chacun d'entre vous prenne la main de son voisin… Magnez-vous, on n'a pas beaucoup de temps !… et levez les yeux vers le ciel… Seigneur, je suis là devant toi de nouveau, et j'implore pour ce pêcheur une nouvelle chance !… Pitié, Ô Seigneur, ramène-moi j'aiiiime la baise !… C'est en ton pouvoir, Ô Jésus Christ, tu en as la force, tu en as la super-lumière !… Libère ce vaurien du mal !!!…
La piqûre fait effet, et la victime se réveille soudain, comme par miracle…
Marcus – Lève-toi et marche, j'aiiime la baise !… et choisis une nouvelle vie !… Ô Seigneur, ô merci Seigneur !
1er punk – Wouah, vous êtes trop balaises les gars !
Marcus – On n'y est pour rien, ça commence par un appel d'amour, et ensuite on passe à la miséricorde…
Pour finir, j'ajoute que la bande-son est en parfaite osmose avec les séquences du film… Elle joue superbement avec le spectateur comme un écho à l'image, accentuant, atténuant ou déformant le ressenti visuel en fonction du degré de tension, d'excitation ou de détente recherché… En conclusion, vous l'aurez je pense compris : CE FILM EST UNE OEUVRE D'ART !
NB : vous retrouverez cet avis, rédigé par moi-même sous un autre pseudo, à l’adresse suivante :
http://www.ciao.fr/A_tombeau_ouvert__Avis_863579