A Alger, François Hollande au nom de la France pas de repentance sur les massacres,

mais l’histoire quand elle est douloureuse, doit être dite….

 

Rappelant les massacres du 04 mai 1945 des nationalistes Algériens à Sétif, à Guelma et à Kherrata qui demeurent ancrés dans la mémoire et dans la conscience des Algériens, sans évoquer les massacres des jours suivants ou des Européens furent assassinés et des Algériens massacrés.

 

On n’en finirait pas s’il fallait retracer l’histoire de nos deux pays, ou tant de sang fut versé de part et d’autre. Mais avec une nuance de taille tout de même, nous avons frappé fort pour combattre la naissance d’un mouvement indépendantiste incarné par Messali Hadj dès 1927. Il fut le fondateur du Parti du Peuple Algérien, PPA, créant le Mouvement Nationaliste Algérien pour le triomphe des libertés démocratiques, dans une lutte fratricide contre le Front de Libération Nationale, FLN. On pourrait presque dire comme certains historiens, que la guerre d’indépendance de l’Algérie commença le 08 mai 1945.

 

Le 08 mai 1945, j’avais 16 ans, nous fêtions avec des copains, la victoire des Alliés sur l’Allemagne nazie en Europe. La première reddition fut signée le 07 mai 1945 à Reims à 2 h 41, et fut suivie par la seconde à Berlin le 08 mai 1945 avec l’URSS à 23 h 01 heure de Berlin. Paris avait été libéré le 24 août 1944 par l’entrée à la porte d’Orléans de la 2ème division de Général Leclerc, et le 26 août 1944 le général de Gaulle descendit triomphalement les Champs-Élysées de l’arc de triomphe jusqu’à Notre-Dame. On peut se rapporter à mon archive Philippe Pétainqui retrace sa vie de la guerre de 14-18 à sa condamnation pour trahison, une partie de l’histoire de France.

 

Vous pensez si nous étions préoccupés par ce qui se passait de l’autre coté de la Méditerranée, d’autant que c’était obscur.

 

N’étant pas historien, c’est à partir de recherches sur la toile que je vais évoquer les massacres des nationalistes à Sétif, Guelma et Kherrata.

 

Le contexte fut le suivant, la révolution nationale Pétainiste d’une droite dure, avait renforcé entre 1940 et 1941 les partisans d’une colonisation brutale. L’opération Torch, du débarquement des Alliés en Afrique du nord changea la donne politique. L’Afrique du Nord entra en guerre au coté des alliés, et pour la première fois, des musulmans furent appelés sous les drapeaux, ce qui changea profondément leur façon de voir la colonisation Française. Ils réclamèrent les mêmes droits que les Français. Le Parti du Peuple Algérien, interdit en 1939 subsista dans la clandestinité.

 

2Document, La voix de Sidi-Bel-Abbes.

Le 23 avril 1945 Messali Hadj fut arrêté et déporté à Brazzaville. Cette arrestation créa parmi les nationalistes, une réaction, et le 01 mai 1945 le PPA, bien qu’interdit, il fit une manifestation à Alger ou 20.000 personnes qui se voulurent pacifiques appelèrent à la libération de Messali Hadj, et pour la première fois, fut brandit le drapeau Algérien. Des affrontements avec la police eurent lieu à Alger et à Oran faisant plusieurs morts. A l’annonce de la fin de la guerre des manifestations furent prévues un peu partout pour le 08 mai.

 

À Sétif.

 

La manifestation séparée des manifestations officielles, rassemblée devant la mosquée de la gare fut autorisée à condition qu’elle n’eut pas de caractère politique, «aucune bannière ou autre symbole revendicatifs, aucun drapeau autre que celui de la France ne devait être déployé». Les slogans anti Français ne devaient pas être scandés. «Aucune arme, ni bâtons, ni couteaux ne furent admis». Les organisateurs avaient donc rappelé aux paysans venus des villages de déposer tout ce qui pouvait être une arme.

 

La manifestation commença à envahir les rues dès 8 heures, estimée à plus de 20 000 personnes, chantant l’hymne nationaliste Min Djibalina, défila avec des drapeaux des pays alliés vainqueurs et des pancartes «libérez Messali», «nous voulons être vos égaux» ou «à bas le colonialisme». Vers 8 h 45 surgirent des pancartes, «vive l’Algérie libre et indépendante», et en tête de la manifestation Aïssa Cheraga, chef d’une patrouille de scouts musulmans, arbora le drapeau Algérien vert et blanc.

 

Aïssa Cheraga, à la tête d’une patrouille de scouts musulmans, brandit un drapeau lors de cette manifestation, il allait devenir plus tard le drapeau Algérien, document Cellule Jacques Duclos, PCF.

 

Tout dérapa, devant le café de France, avenue Georges Clemenceau, le commissaire Olivieri tenta de s’emparer du drapeau, mais fut jeté à terre. Selon un témoignage, des Européens en marge de la manifestation assistant à la scène se précipitèrent dans la foule. Les porteurs de banderoles et du drapeau refusèrent de céder aux injonctions des policiers. Des tirs furent échangés entre policiers et manifestants. La riposte fut sanglante.

 

Un jeune homme de 26 ans, Bouzid Saâl, s’empara du drapeau Algérien et fut abattu par un policier, ce fut le premier martyr. Immédiatement, des tirs provenant de policiers provoquèrent la panique. Les manifestants en colère s’en prirent aux Français, au cri de «n’katlou ennessara», «tuons des Européens», qui firent en quelques heures 28 morts parmi eux, dont le maire qui chercha à s’interposer, et 48 blessés. Il y eu de 20 à 40 morts chez les manifestants, et de 40 à 80 blessés. L’armée fit défiler les tirailleurs Algériens, qui ne tirèrent pas, mais, alors que l’émeute se calmait à Sétif, dans le même temps, des émeutes éclatèrent aux cris du «Djihad» dans la région montagneuse de petite Kabylie, dans les petits villages entre Bougie et Djidjelli. Des fermes Européennes isolées et des maisons forestières furent attaquées et leurs occupants assassinés. Le mythe des 45.000 Musulmans victimes de la répression, selon le Colonel Adolphe Goutard.

 

Le soir même le mouvement s’étendit à Guelma.

 

À Guelma, à 16 heures, un ras­sem­ble­ment fut orga­nisé hors de la ville. Les mili­tants des Amis du Manifeste et de la Liberté, AML, atten­dirent, les ins­truc­tions venant de Annaba. A 17 heures, le cor­tège s’ébranla avec les pan­car­tes célé­brant la vic­toire des alliés ainsi que leurs dra­peaux entou­rant un dra­peau Algé­rien. Arrivé à l’actuelle rue du 8 mai, le cor­tège fut arrêté par le sous préfet Achiary. Pour Boucif Mekhaled, il ne res­tait plus que 500 mètres pour attein­dre le monu­ment aux morts.

 

Le sous préfet, André Achiary, personnage trouble, conduisit les massacres et organisa entre autres les attentats des ultras, OAS, de l’Algérie française en 1955-1956 gaulliste de la première heure, résistant authentique et anti communiste. Il obtint son poste sur l’intervention de Jacques Soustelle qui avait été le chef des services spéciaux gaullistes BCRA. Il fut expulsé par le ministre président Robert Lacoste.

 

André Achiari, hors de lui, accompagné de Champ, un conseillé municipal socialiste, donna l’ordre de jeter les pan­car­tes, dra­peaux et ban­de­ro­les. Un nommé Fauqueux râla auprès du sous préfet, «Monsieur le sous préfet, ce qu’il y a ici est la France ou pas ?». C’est alors, qu’Achiary saisit le revol­ver dont il s’était armé, et entra dans la foule sur le porte dra­peau et tira. Son escorte ouvrit le feu sur le cor­tège qui s’enfuisait, décou­vrant dans son reflux le corps du jeune Boumaza.

 

Arrestations de civils menés vers leur propre exécution avant de finir brûlés dans des fours à chaux de Guelma, documentRebellyon.info.

 

Combien de morts à Guelma on ne saura pas précisément. D’après la référence les massacres de Guelma en mai-juin 1945, par Jean-Pierre Peyroulou, docteur en histoire, seraient compris entre 576 et 2.000 entre le 08 mai et le 25 juin 1945. Du côté Européen, on compte douze personnes mortes et deux jeunes filles violées. En somme, dans un contexte de poussée nationaliste et d’affaiblissement de l’État consécutif à la guerre, il y eut bien une insurrection à Guelma en mai 1945, mais peut-être pas celle que l’on croit.

 

À Kherrata.

 

C’était aussi le jour du marché, et aucun défilé ne fut prévu pour le 8 mai, dans ce vil­lage, situé au pied d’une chaîne mon­ta­gneuse, à quel­ques dizai­nes de kilo­mè­tres de la Méditerranée. En fin de mati­née on apprit les tueries poli­ciè­res de Sétif. La nou­vel­le se répan­dit vite parmi la popu­la­tion. Les Européens prient peur, et l’admi­nis­tra­teur colo­nial leur dis­tri­bua des armes pour se protéger dans une for­te­resse. Tandis que l’on donna l’ordre au crieur public d’annon­cer le couvre-feu, celui-ci, au contraire, par­courut tous les vil­la­ges à l’entour en appe­lant la popu­la­tion musul­mane à se rassembler à Kherrata.

 

Ce furent 10.000 per­son­nes qui arri­vèrent durant la nuit à Kherrata. Dès l’aube du 9 mai, une grande agi­ta­tion régna au centre ville couverte de monde. Les Musulmans qui surent que les Européens étaient armés, se ras­sem­blèrent pour se défen­dre. Certains coupèrent les lignes télé­pho­ni­ques, et d’autres cher­chèrent des armes au tri­bu­nal et dans trois mai­sons, qui furent ensuite incen­diées. L’admi­nis­tra­teur colo­nial et le juge de paix furent tués. Les 500 Européens qui étaient dans la for­te­resse tirè­rent alors sur la foule déchaî­née qui tra­ver­sait le vil­lage avec des dra­peaux Algé­riens, tandis qu’on enten­dait les «you-you» des femmes. Même s’ils eurent une grande cons­cience révo­lu­tion­naire, beau­coup, parmi, les insur­gés ne surent que faire. Pour en discuter, ils se ras­sem­blèrent dans la mon­ta­gne à Bouhoukal, mais l’armée Fran­çaise était en marche. Le peu de manifestants qui avaient des fusils se mirent par grou­pes dans les gorges à l’entrée de Kherrata pour retar­der l’arri­vée des gen­dar­mes et des trou­pes. Cette révolte, fut rapidement étouffée par l’armée, il n’y eu en tout et pour tout sur ce sec­teur que 10 morts et 4 bles­sés parmi les mili­tai­res et les Européens.

 

Par un télégramme daté du 11 mai 1945, le général de Gaulle, ordonna l’intervention de l’armée sous le commandement du général Duval, qui mena une répression violente contre la population indigène. La marine y participa grâce à son artillerie, ainsi que l’aviation. Le général Duval rassembla toutes les troupes disponibles, soit deux mille hommes. Ces troupes virent de la Légion étrangère, des tabors Marocains qui se trouvaient à Oran en passe d’être démobilisés et qui protestèrent contre cette augmentation de service imprévue, d’une compagnie de réserve de tirailleurs Sénégalais d’Oran, des spahis de Tunis, et les tirailleurs Algériens en garnison à Sétif, Kherrata et à Guelma.

 

Vers midi, les auto­mi­trailleu­ses de l’armée Fran­çaise se mirent à tirer sur la popu­la­tion de Kherrata et des vil­la­ges avoi­si­nants, suivi de près par les tirs impres­sion­nants du bateau-croi­seur Duguay-Trouin et du contre torpilleur Le Triomphant. Plus de 800 coups de canon furent tirés depuis la rade de Bougie sur les crêtes des monts de Babor, et l’après-midi ce fut l’avia­tion qui bom­bar­da et rasa plus ou moins complètement plusieurs agglomérations Kabyles, une centaine de Metchas furent incendiées, et dans les envi­rons, plu­sieurs mil­liers d’Algériens furent mas­sa­crés. Vers 10 heures du soir, la légion étrangère fran­chit les gorges et arri­va au vil­lage com­plè­te­ment vidé de ses habi­tants.

 

Propagande coloniale, on distribua des armes sans munitions aux civils pour un besoin de propagande, «les insurgés déposent les armes». Ils feront partie des victimes assassinées, jetées vivantes du haut de la falaise de Kherrata, voir les gorges de Kherrata au fond de la photo, et enfin ramassées et brulées dans des fours à chaux.

 

Saci Benhamla, qui habitait à quelques centaines de mètres du four à chaux d’Héliopolis, décrivit l’insupportable odeur de chair brûlée et l’incessant va-et-vient des camions venant décharger les cadavres, qui brûlaient ensuite en dégageant une fumée bleuâtre.

 

La répression prend fin officiellement le 22 mai. L’armée organisa des cérémonies de soumission où tous les hommes durent se prosterner devant le drapeau Français et répéter en chœur, «nous sommes des chiens et Ferhat Abbas est un chien».

 

Ferhat Abbasfut le fondateur du parti Union Démocratique du Manifeste Algérien, UDMA, membre du Front de Libération Nationale, FLN, durant la guerre d’indépendance de l’Algérie et premier président du gouvernement provisoire de la République algérienne GPRA, de 1958 à 1961.

 

Des officiers exigèrent la soumission publique des derniers insurgés sur la plage des Falaises, non loin de Kherrata. Certains, après ces cérémonies, furent embarqués et assassinés. Pendant de longs mois, les Algériens musulmans qui, dans les campagnes, se déplaçaient le long des routes continuèrent à fuir pour se mettre à l’abri, au bruit de chaque voiture. L’historien algérien Boucif Mekhaled, raconta, «à Kef-El-Boumba, j’ai vu des Français faire descendre d’un camion cinq personnes les mains ligotées, les mettre sur la route, les arroser d’essence avant de les brûler vivantes».

 

L’État algérien évoqua le chiffre officiel de 45 000 morts. Les sources officielles Françaises de l’époque parlèrent de 10 000 morts. Des historiens pour leur part, évaluèrent le bilan entre 25 000 et 40 000 morts sans compter les blessés et les disparus. Un bilan pour le moins effroyable dans un petit pays de moins de 7 millions d’habitants. L’insurrection mettra six semaines à s’éteindre. Non sans d’autres tueries.

 

Quoi qu’il en fût, ces massacres radicaliseront pour toujours les factions modérées des milieux indépendantistes Algériens, et firent basculer les plus réticents dans l’action clandestine. Ces massacres préludèrent la guerre d’Algérie qui éclatera moins d’une décennie après. Les jeux furent faits. Ce drame sanglant enclenchera une série d’autres drames affectant durablement les populations et la mémoire collective Algérienne et Française.

 

L’évocation de ces massacres doit faire réfléchir, n’avons nous pas commis un crime contre l’humanité ?

 

François Hollande a-t-il pris connaissance de ces massacres quand il déclare, «Rien ne se construit dans la dissimulation, l’oubli ou le déni». «Nous avons ce devoir de vérité sur la violence, les injustices, les massacres, la torture». La paix des mémoires «faire repentance ou excuses». «Je viens dire ce qu’est la vérité, ce qu’est l’histoire».

 

On ne peut vivre dans la haine de l’autre, et il faut savoir oublier, le temps aide à cette purification de la mémoire.

 

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