Réalisateur : Bouli Lanners
Date de sortie : 27 janvier 2016
Pays : France, Belgique
Genre : Drame
Durée : 98 minutes
Budget : N.C
Casting : Albert Dupontel (Cochise), Bouli Lanners (Gilou), Suzanne Clément (Clara), Michel Lonsdale (Jean-Berchmans)
Bouli Lanners est depuis quelques années un des acteurs/ réalisateurs dont la notoriété s’accroît en France. Un coup d’oeil rapide à sa filmographie permet de se compte que depuis 5 ans, le nombre de rôles suit une courbe exponentielle. Cet homme au physique bourru et au regard plein de tendresse et de poésie est surtout reconnu en tant qu’acteur, mais c’est aussi un brillant réalisateur. Les premiers, les derniers est sa 4ème réalisation après Ultranova, Eldorado et Les Géants. Tous ont connu un grand succès critique, un peu moins public, les foules ne se déplaçant pas toujours pour les bons films. Il y a dans les films du réalisateur belge une certaine forme de cohésion, celle de la famille éclatée, dispersée, pas toujours celle que l’on croit mais qui incarne une forme de refuge pour les êtres perdus.
Dans une plaine dominée par des nuages sombres, deux chasseurs de prime sont missionnés par un obscur baronnet du crime afin de retrouver un téléphone portable comportant des données sensibles. Au cours de leurs recherches, ils vont faire la rencontre d’un couple de marginaux un peu simplets parti en cavale, persuadés que la fin du monde est proche.
Voilà un film bien étrange ! Lent et envoûtant, une ambiance mystique s’en dégage grâce à une musique planante composée de quelques accords de guitare, lancinants et berçants, à la manière de ce qu’avait Neil Young dans Dead Man pour Jim Jarmush. Il a la prouesse de transformer les champs belges, du plat pays de Brel, en une sorte de désert hostile rempli de dangers en tout genre. Quand la Belgique devient le terrain de jeu d’un western moderne aux teintes faussement post apocalyptiques. La fin du monde n’est pas arrivée, ni ne s’annonce mais de nombreux éléments laisse croire à ce constat : les bâtiments en ruines, désolés, dépeuplés, ce pont en béton perdu dans la campagne tellement immense qu’il semble irréel, ce groupe de vilains appliquant la loi du Talion, la cruauté de l’abandon se manifestant par le fait de mourir seul dans un ancien hangar à céréales, ce ciel obscur, ces nuages bas et cette lumière crépusculaire. La civilisation semble avoir disparu. Bouli Lanners sait produire de belles images, ses plans séquences sont hyper photogéniques, c’est cadré, soigné, léchée. Il use de paradoxe pour filmer, les extérieurs sont très spacieux presque angoissants et les intérieurs sont assez exigus. La forme est belle mais le contenu est un peu faiblard. Le scénario est lent et se perd dans des intrigues pas toujours intéressantes et souvent inachevées. Le film devient contemplatif et ennuyeux, beau mais pas très passionnant.
Les premiers, les derniers est marqué par les duos. Premièrement, les deux chasseurs de primes, brillamment incarnés par Albert Dupontel et Bouli Lanners. Usés par les poids des années, ils regardent avec une certaine amertume ce qu’ils sont devenus. Leur physique sévère, les rides creusées avec l’âge, l’air taiseux contrastent avec leur âme secourable, car au fond ce sont des bons gars qui cherchent une chose plus importante que l’argent. Et si cette aventure était la dernière chance de se repentir? Deuxièmement, les deux simples d’esprit endoctrinés par la télévision, un média puissant sur des esprits malléables, des doux dingues mus par le désespoir de voir le monde s’écrouler. A côté d’eux cohabitent des personnages étranges comme sortis d’un autre temps. Le vieil aubergiste, interprété par un grand Michael Lonsdale, amoureux des fleurs et trop lent pour gérer sa petite entreprise mais qui s’attache à la vie car elle ne se résume pas seulement à respirer, son ami le croque mort, là encore interprété par une figure, Max Von Sydow, et le plus mystérieux d’entre tous, Jésus, un homme accumulant les ressemblances avec le fameux crucifié.
Au fond, l’histoire de ce film est intemporelle car elle traite de religion, d’oppression des marginaux par des tyrans puissants et armés, de rédemption et de la famille. Elle est ce qui unit les premiers et les derniers des hommes, elle est une passerelle entre les générations. Elle permet l’entraide, l’amour et le fait de pouvoir devenir un homme meilleur, Cochise tombe amoureux, Gillou se trouve des pères de substitution, Esther et Willy veulent prendre soin de leur fille. Le divin est là, le divin est partout, il est dans la nature, dans tout ce qui nous entoure et ce film en possède un petit fragment.