Bonne idée en une : faire du point rouge l’accent aigu du é de Siné… Pas mal du tout, la pleine page de Tardi (celle de Willem, plus « artistique », et colorée, est très bien aussi). Cela fait très numéro de collection…  Peut-être même un peu trop…

Tardi_Sine_493Cela doit être générationnel : la marrade, parfait, mais ce qui fait pour moi l’intérêt de Siné mensuel, c’est le contenu rédactionnel. Et avec ce numéro 54, du contenu, il en est, notamment dans un cahier central (neuf pages, dix avec la planche de Lindingre) constitué uniquement d’hommages à Bob Siné. Hommages bienvenus, même si redondants pour celles et ceux qui ont assisté, pas trop loin de la sono, à l’enterrement de Siné, ou qui consultent le site et son courrier de lecteurs. Ce n’était pas en soi une mauvaise idée, mais je ne saurais dire si le défunt fondateur aurait validé le choix de la police, de sa force de corps, et du généreux interlignage. D’autant que, par-ci, par-là, dans le reste de la pagination, des illustrateurs en remettent une couche (plus digeste).

Cette remarque ne vise pas à relativiser, encore moins minorer le talent de Siné, la portée de sa vie, de son œuvre et de ses antérieurs et postérieur. D’ailleurs, tout comme Le Canard enchaîné perpétue la mémoire de Cabu, la rédaction pioche dans les archives personnelles de la famille et remplace la « Zone » par une pleine page de crobars qui font (ou refont) salutaire plaisir à voir. Fort bien. Longue vie à son œuvre, à sa mémoire.

Mais quand on sort un hors-série deux semaines avant la parution du numéro de juin, lequel coûte 5,50 euros, une seconde commémoration, bienvenue, mais quelque peu volumineuse, un tantinet réchauffée, eh… Sauf que j’ai au moins pu apprendre le détail de l’action pataphysique de Siné, un temps Régent de Sciences morales et politiques & d’atrocités comparées, par ailleurs Sommipète, Premier Protodataire aulique de la rogation, Grand Fécial consort et même Gonfanonier de la Susception transséante. Je suggérerai même Séantenant à cru munificent…

Qui fréquente les salons du Livre, et tchatche entre auteurs et éditeurs, sait fort bien que, pour un ouvrage de x pages (essai, roman… pour les bouquins techniques, scolaires, &c., c’est différent), il existe, aussi en fonction du papier, de la reliure, et de tas d’autres considérations, un prix dit psychologique. Pour un 132 pages format poche tiré en numérique, lors de la dernière décennie, c’était aux alentours de huit euros. À présent, on peut tabler pas trop loin de douze (si possible, quelques dizaines de cents de moins).

Pour la presse, c’est similaire. Certes, bien peu peuvent se permettre, à l’instar du Canard dont le prix est un poil inférieur à son équivalent antérieur en francs, à présent, de conserver un prix dit populaire. France Soir l’avait tenté…  et n’a pu tenir. Le Parisien-Aujourd’hui a franchi le seul de l’euro.

Mon kiosquier parisien, pourtant fort bien situé, en convient : il pourrait vendre, peut-être, au moins quatre exemplaires de Siné mensuel ; il n’en prend que deux, envoie au-delà la clientèle chez les collègues fort peu éloignés s’il les vend, mais en restera là : c’est trop cher pour écouler sans risque davantage.

En accroche de couv’, outre l’hommage, deux titres. Celui d’une difficile enquête de Léa Gasquet sur les « bavures » policières lors des dernières manifs, et les chiffres parfaitement flous communiqués par le ministère de l’Intérieur à la presse, ne portant que sur le nombre des policiers blessés (on comprend qu’une simple écorchure fait un blessé numéroté). Celui de l’entretien collectif avec Caroline de Haas. C’est sympa, enlevé, elle balance des trucs pas trop rosses sur Unetelle ou Untel, plus vachards sur Emmanuelle Cosse ou Taubira, constate que Méluche est franchement mégalo-parano sur les bords, &c. Beaucoup ont fait les mêmes constats sans elle et j’en retiens surtout son appréciation de l’évolution du féminisme.

Si vous avez l’occasion de comparer avec l’entretien qu’Emmanuel Todd a donné à Atlantico, vous admettrez sans doute que le dessin de Tardi l’aurait parfaitement illustré. Nuançant fortement la portée de son label qualifiant le PS (« fascisme rose »), Todd décrit la dérive socialiste du mandat représentatif vers le mandat « jemenfoutiste » (des préoccupations réelles d’un électorat dont la composition bascule : géographiquement, en termes de tranches d’âges et de revenus…). Ses considérations sur la démographie européenne valent d’être prises en compte. Tentez d’aller voir…

Plus intéressant (que l’entretien avec Haas, primesautier, récréatif), dans Siné mensuel, une approche de la fachosphère 2.0 (sur les réseaux sociaux) et de son ménage avec le FN. Un dossier aussi, assez effarant, sur l’état de la recherche et la condition de la plupart des universitaires (dont de nombreux très précaires) tentant de la poursuivre.

Retour sur l’implantation des nouveaux compteurs d’ERDF avec Blandine Flipo. C’est peu dire que ce compteur Linky 2 suscite des réticences.

Le correspondant en Grèce (Yannis Youlontas) dresse un état des lieux de son pays. La cote de sympathie de Syriza et de Tsipras est désormais comparable à celle du PS français et du couple Valls-Hollande… Michel Warschawski, en Israël, évoque les réticences de Tsahal à se laisser transformer en « milice fasciste dirigée par l’extrême-droite nationaliste ».

Spécial copinage : Philippe Lespinasse donne un coup de projecteur sur Melvin Way, un artiste dit brut, qui fait l’objet d’une exposition à la galerie Klein & (Christian) Berst, passage des Gravilliers à Paris.

Entre autres choses (chroniques littéraires, cinématographiques, celle de Berruyer, &c.), Étienne Liebig nous donne à réfléchir sur le mot « haplologie ». Ex. : chat pitre ou chat luthier… Ne pas confondre avec son quasi-synonyme, l’hapaxépie (qui ne consiste pas à lorgner en catimini sur, par exemple, des seins que l’on ne saurait voir ; soit l’appatépie, devenue au fil du temps et de la chute du niveau de l’enseignement des liaisons, l’appazépie).  Littréhalement vôtre, como siempre.